Depuis plusieurs jours, la Russie attaque l'approvisionnement énergétique de l'Ukraine. L'armée de Poutine tire, en particulier, sur les centrales et les lignes électriques. Environ 40% de l'infrastructure énergétique du pays serait déjà détruite.
A l'approche de l'hiver, l'Ukraine, déchirée par la guerre, est confrontée à un défi de taille: les maisons doivent être chauffées, l'eau doit être transportée dans les appartements, mais le réseau énergétique est régulièrement coupé. Que va-t-il se passer maintenant?
La situation est extrêmement tendue. L'armée russe attaque de manière ciblée l'infrastructure énergétique ukrainienne avec des missiles et des drones. De nombreuses centrales électriques, sous-stations, réseaux de transmission, lignes et bâtiments d'infrastructure ont été endommagés ou complètement détruits.
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Selon les dernières informations du gouvernement de Kiev, 30 à 40% de l'ensemble des infrastructures énergétiques du pays ont été endommagées ces derniers jours. La Russie aurait mené plus de 300 attaques aériennes contre des installations énergétiques ukrainiennes depuis le 10 octobre.
«Nous pouvons très bien être confrontés à une situation dans laquelle nous serons assis pendant des semaines, voire des mois, sans eau, sans lumière et sans chaleur ou avec de grandes restrictions», a déclaré jeudi soir le conseiller à la présidence à Kiev, Olexi Arestovych.
Presque partout. En effet, les attaques ne se limitent plus à certaines zones, mais sont signalées dans toutes les régions du pays. Le réseau électrique est donc particulièrement touché.
Des centaines de milliers de personnes sont coupées des infrastructures critiques. Lundi dernier, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé que l'électricité avait été coupée dans des centaines de villages et de villes.
Rien que dans les zones reconquises par l'Ukraine autour de Kharkiv, on estime que près de 140 000 personnes ont besoin d'une aide humanitaire. Selon les Nations unies, des millions de personnes n'auraient plus les moyens de cuisiner.
Ukraine's critical infrastructure has undergone the largest attacks since February.Electricity & water supply, telecommunication & transport infrastructure have been devastated. Millions of people cannot cook their meals or get water. pic.twitter.com/cioSzpsgAm— OCHA Ukraine (@OCHA_Ukraine) October 19, 2022
La capitale ukrainienne à elle seule a été touchée trois fois récemment. Selon les informations ukrainiennes, des missiles russes ont frappé des installations d'approvisionnement en énergie dans le quartier plus rural de Desnyansky à Kiev. Des dizaines de lignes électriques et de conduites d'eau, des centrales électriques, des stations de pompage et des centrales thermiques ont été endommagées. Le réseau électrique a été temporairement interrompu.
A Jytomyr, à près de 150 kilomètres à l'ouest de Kiev, l'électricité et l'approvisionnement en eau ont été coupés suite à des attaques. Dans la ville de Dnipro, située au sud-est, une importante ville financière et industrielle de la région de Dnipropetrovsk, deux impacts ont eu lieu sur des stations d'énergie. D'importants dégâts suite à une attaque russe ont également été signalés sur une centrale thermique à Bourchtyn, à l'ouest, près de la frontière polonaise.
Le journal ukrainien Kyiv independent a rapporté jeudi que l'approvisionnement en eau avait été coupé suite à des attaques dans la région nord-est de Sumy, où vivent environ un million de personnes. Les effets des attaques russes sont en outre visibles dans le paysage urbain: ni les transports publics ni l'éclairage public ne fonctionnaient.
En outre, la situation à la centrale nucléaire de Zaporijia, qui est essentielle pour l'approvisionnement énergétique du sud de l'Ukraine, reste particulièrement délicate. La centrale nucléaire est occupée par la Russie et les employés ukrainiens doivent continuer à travailler sous l'occupation. Les lignes à haute tension qui partent de cette centrale alimentent plusieurs régions du pays, mais elles sont également partiellement attaquées et paralysées.
Le niveau de sécurité n'a jamais été aussi bas que dans la situation actuelle, a récemment averti le directeur Igor Muraschov dans une interview. Outre l'arrêt de la production d'électricité, la crainte d'un accident nucléaire suite à une attaque prévaut.
En réaction à ces violentes attaques, le gouvernement ukrainien veut réduire la consommation d'énergie de 20% dans tout le pays. Pour ce faire, il coupe désormais lui-même les installations d'approvisionnement.
Jeudi et vendredi, l'électricité a été coupée dans des villes et des villages pendant quatre heures, comme prévu. Les gens peuvent voir en ligne quand l'électricité sera coupée et à quel endroit, et ils échangent activement sur Telegram. Pendant ce temps, le paysage urbain change également en de nombreux endroits: les entreprises éteignent les bannières lumineuses, les panneaux publicitaires ne sont plus éclairés la nuit.
Parallèlement, le gouvernement demande à ses citoyens d'économiser l'énergie. Entre 7 heures et 23 heures, les Ukrainiens doivent ainsi consommer nettement moins d'électricité. Le président Zelensky et le ministère de l'Energie appellent les gens à aider le pays de cette manière.
Sur Twitter, le ministère de l'Energie écrit:
Un graphique dresse la liste des appareils concernés. Selon ce document, il faut utiliser les machines à laver entre 23 heures et 6 heures, et limiter le chauffage entre 9 heures et 17 heures.
Корисна картиночка від Укренерго!Збережіть собі і передайте друзям/рідним ❤️🩹❗️ Пам'ятайте: вимикаючи енергоємні електроприлади кожен українець дбає про те, щоб і у вас, у сусіда було світло. Споживаючи відповідально, ти допомагаєш енергетикам тримати #ЕнергетичнийФронт pic.twitter.com/rflrZRGvYs— Рубрика (@rubryka) October 18, 2022
On entend toutefois dans différentes villes que l'électricité est régulièrement coupée, même de manière imprévue, ou que l'approvisionnement en eau est coupé. Une Ukrainienne qui a fui en Autriche le 9 octobre rapporte à t-online que l'approvisionnement en énergie est désormais un sujet de préoccupation majeur pour les familles en Ukraine. Y compris la sienne, qui a dû rester en arrière. Chez son grand-père dans l'est de l'Ukraine, le courant est coupé plusieurs heures par jour. La crainte d'une détérioration de la situation en hiver est grande.
Sa famille, qui vit en partie dans le centre de l'Ukraine, se prépare à la saison froide en réparant un vieux chauffe-eau, en faisant des provisions et en collectant des vêtements chauds. Son père aurait acheté du bois pour pouvoir chauffer la maison de sa grand-mère pendant l'hiver. «Et cela au 21e siècle», dit-elle, «c'est absurde». La prochaine étape pour la famille sera l'achat d'un générateur.
Parallèlement, la reconstruction des installations énergétiques détruites est en cours dans toute l'Ukraine. Le 8 octobre, par exemple, des spécialistes ukrainiens ont réussi à réparer l'une des principales lignes à haute tension de 750 kV endommagées de la centrale nucléaire de Zaporijia.
Les Nations unies craignent une catastrophe humanitaire en Ukraine si l'infrastructure énergétique est en grande partie détruite en hiver. Des centaines de milliers de personnes n'auraient pratiquement pas accès à la nourriture, à l'eau, au gaz, à l'électricité et aux soins médicaux, selon la coordinatrice du programme d'aide humanitaire de l'Organisation des nations unies (ONU) pour l'Ukraine, Denise Brown. Sans électricité ni chauffage, de nombreuses personnes mourraient probablement de froid.
On s'attend à ce que, pour cette raison également, davantage de personnes prennent le chemin de pays plus sûrs. En Pologne, pays voisin de l'Ukraine, le nombre de nouveaux réfugiés ukrainiens pourrait atteindre 500 000 à 750 000 d'ici la fin de l'année, selon les estimations des Nations unies. La moitié pourrait donc rester en Pologne, les autres poursuivre leur route vers d'autres pays européens. La Roumanie, la Moldavie et l'Allemagne s'attendent également à ce que le nombre de personnes en provenance d'Ukraine augmente à nouveau.
Des organisations telles que les Nations unies et de nombreux pays, dont les Etats-Unis et les pays de l'Union européenne (UE), aident l'Ukraine à reconstruire les installations détruites. Des appareils et des équipements pour l'approvisionnement en énergie sont fournis. Par le passé, les diplomates ukrainiens avaient demandé avec insistance des générateurs, leurs composants et des pièces de rechange.
Par ailleurs, l'aide humanitaire se poursuit par le biais d'organisations non gouvernementales qui fournissent des vêtements chauds, de l'eau ou des abris.
Rouven Stubbe, économiste de l'énergie et expert en politique énergétique et climatique en Ukraine chez Berlin economics, répond à cette question:
Il serait, par ailleurs, envisageable que l'UE réduise le prix de l'électricité, qui est actuellement trop chère pour l'Ukraine sur le marché européen, en apportant une aide financière à l'Ukraine. L'exportation de cette électricité pourrait alors aider le pays.
En outre, le gouvernement fédéral pourrait faire des concessions aux opérateurs de réseau et autres entreprises énergétiques s'ils envoyaient des équipements et du savoir-faire en Ukraine, ce qui se fait déjà de leur propre initiative, explique Rouven Stubbe. Des compensations financières pourraient inciter à envoyer encore plus d'équipements pour la reconstruction.
Rouven Stubbe attire, toutefois, l'attention sur un point: en plus des problèmes de réseau électrique, l'approvisionnement en gaz en Ukraine est potentiellement incertain. Ce pays utilise, en partie, le gaz que la Slovaquie, par exemple, achète à la Russie et fait exporter via l'Ukraine.
Si la Russie arrêtait ce transit via l'Ukraine, l'agresseur pourrait faire encore plus de mal au pays. Dans ce cas, dit Rouven Stubbe, l'UE devrait également envisager de livrer du gaz à l'Ukraine en période de propre pénurie de gaz, si l'on veut éviter une catastrophe humanitaire encore plus grande.
(traduction par sas)