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L'Amérique latine est la proie de la Chine et de la Russie

Moscou et Pékin affluent sur l'Amérique latine.
Moscou et Pékin sont des «amis» de nombreux pays en Amérique latine.Image: watson

Poutine a une nouvelle proie

La Russie accentue son influence sur l'Amérique latine. La Chine aussi. Les deux pays s'infiltrent insidieusement dans les interstices du Brésil, du Mexique ou encore des Caraïbes.
10.10.2023, 06:0510.10.2023, 13:17
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L'Amérique latine, une brèche que Poutine vise de plus en plus. L'Express révèle que dans les revues militaires distribuées par le ministère de la Défense de Brasilia, Alexandre Douguine, propagandiste du maître du Kremlin, prend régulièrement la plume. En résumé, il y affiche une haine de l'Occident et des Etats-Unis, écrivant que malheureusement, pour rétablir l'ordre mondial, il faudra passer par la case guerre.

Cette intervention est dans la droite lignée d'une politique russe souhaitant se glisser dans la politique (et l'esprit des ressortissants) latino-américaine. Ce n'est pas nouveau, les manœuvres dans le voisinage américain ne datent pas d'hier.

Stephen Blank, spécialiste de la sécurité nationale russe, écrivait en 2008:

«La politique conduite par Moscou en Amérique latine est le fruit d'une aspiration ancienne: assoir le statut de la Russie en tant que grande puissance mondiale et promoteur d'un monde multipolaire.»

Selon lui, elle révélait surtout une tactique géopolitique pour contrer les Etats-Unis. Malheureusement pour Poutine, la crise économique de 2008 a fragilisé les desseins russes dans ce coin du monde.

Poutine fascine la droite latino-américaine

Aujourd'hui, en 2023, Poutine fascine et trouve des alliés dans l'ultradroite latino-américaine. En témoignent les moyens investis par Moscou dans les médias RT et Sputnik en langue espagnole.

Une présence russe qui n'est pas seulement visible au Brésil. Au Mexique, par exemple, un scandale éclate le jour où 14 «soldats de Poutine» se présentent lors du défilé militaire de la fête nationale de l’Indépendance. Autre point d'interrogation: cette année, 18 pays ont envoyé des soldats, dont la Chine. Concernant l'ambassadrice d'Ukraine, elle n'a reçu aucun carton d'invitation. Une drôle d'histoire qui, s'il fallait encore des preuves, démontre que l'Amérique latine suit les traces du tsar - ou redoute sa colère.

La position du Mexique est assez ambigüe, sachant qu'en 2022, le pays avait condamné l'invasion russe. Deux mois plus tard, le Mexique, tout comme le Brésil, s'est montré mesuré lors du vote sur la suspension de la Russie à la Commission des droits de l’homme de l'ONU. Les deux pays se sont abstenus.

Une amitié mexico-russe qui se sent sur les sites touristiques, souligne L'Express. Les Russes sont de plus en plus à Cancun ou dans de différents spots touristiques pour fuir la fraicheur moscovite.

Le Mexique, cible des espions russes et d'une propagande sur les réseaux sociaux

Si les touristes russes affluent, ce sont surtout les réseaux sociaux mexicains qui voient de plus en plus d'influenceuses à la plastique avantageuse prendre en otage leur fil d'actualité, distillant des discours politiques, anti-occidental dans un espagnol parfait.

Un accent qui se ressent également dans les ambassades au Mexique. L'Express constate:

«Mexico a accrédité 36 nouveaux diplomates russes qui s’ajoutent aux 49 déjà en poste»

Le média français rappelle aussi qu'avec 85 diplomates, l’ambassade de Russie au Mexique est la mieux dotée du monde.

Or les plans en Amérique latine ne se résument pas qu'au Brésil et au Mexique. Cuba est dans la ligne de mire de Poutine.

Les manigances de la Russie pour enrôler des soldats cubains

L'alliance entre les deux pays n'est pas nouvelle, datant de 1960. En juin dernier, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou réaffirmait que Cuba était «l'allié le plus important» de la Russie, dans les Caraïbes.

Sauf qu'un petit grain de sable est venu gripper la machine diplomatique: Cuba annonçait avoir démantelé un trafic d'êtres humains. Le gouvernement cubain déclarait avoir identifié un réseau de trafic russe, dont l'objectif est de recruter des Cubains pour effectuer «des opérations militaires en Ukraine», au début du mois de septembre. Mais l'opposition n'y croit pas. Cuba s'empresse de nier toute implication dans l'enrôlement de jeunes sur le front ukrainien, mais bizarrement le pays ne demande aucun compte à la Russie.

Cette collaboration (étouffée?) reste un mystère pour les détracteurs, qui n'ont pas tardé à démonter la version du gouvernement cubain et pointent l'impossibilité d'obtenir un passeport des autorités pour quitter l'île - l'épisode des footballeurs cubains est une parfaite illustration du contrôle très restrictif qui règne sur le territoire.

L'histoire de ces footballeurs cubains qui ont fui en plein tournoi

L'Amérique latine voit l'ombre de la Russie planer et peu de pays s'opposent au spectre moscovite. Le Chili et l'Uruguay ont condamné l'invasion russe, les seuls sur la longue liste; les autres préfèrent être discrets concernant les agissements de Poutine, tout en collaborant avec un allié de la Russie: la Chine.

Et la Chine suit le mouvement

Le pays de Xi Jinping œuvre en coulisse par l'intermédiaire de Cai Wei (52 ans), un diplomate rompu à la tâche. L'homme est le porte-parole de Pékin, un discret responsable dont le magazine politique Americas Quarterly brosse un portrait intrigant.

Car l'émissaire, présenté comme directeur général du ministère chinois des Affaires étrangères pour l'Amérique latine et des Caraïbes, apparaît sporadiquement, comme en juillet 2022 lors d'une visite officielle à Buenos Aires. Un responsable argentin a d'ailleurs longuement remercié Cai Wei. Depuis, comme le souligne Americas Quarterly, les relations entre l'Argentine et la Chine sont solides.

Comme signe d'entente cordiale, en avril, l’Argentine a accepté de commencer à régler 790 millions de dollars par mois pour les importations chinoises en yuans plutôt qu’en dollars américains. Puis, en juin, la banque centrale du pays a annoncé que les particuliers pouvaient ouvrir des comptes en yuans, faisant la nique aux dollars. La pilule est amère pour les Etats-Unis.

Des manœuvres qui appuient l'envie de la Chine de s'implanter dans ce coin. Une influence que la Chine, après la pandémie, désire accroître dans toute l’Amérique latine et les Caraïbes. Un travail de sape qui se vérifie par la présence de Cai Wei, l'incarnation des volontés chinoises de solidifier les accords bilatéraux et un accès aux ressources naturelles.

L'importance du développement de l'industrie locale

La Chine, par l'intermédiaire de cet homme de l'ombre, tente de travailler avec des partenaires locaux, comme le Mexique, «pour construire ses chaînes d'approvisionnement en lithium également en amont et en aval», citant Mitch Hayes, fondateur de The China Signal, un bulletin d'informations traitant des relations entre la Chine et l'Amérique latine. L'Argentine s'est également montrée enthousiaste, comme le rapporte Americas Quarterly, très soucieuse de développer leur industrie locale afin de ne plus être uniquement des exportateurs de denrées alimentaires.

L'avancée diplomatique chinoise est aussi visible au Parlement. Durant le mandat de Cai Wei, la Chine a dragué les politiciens concernant la question de Taïwan. Le Nicaragua a rompu ses liens avec Taïwan en décembre 2021 – il a reçu un million de vaccins chinois quelques jours plus tard – et le Honduras lui a emboîté le pas en mars. Le Pérou s'est aussi associé à la Chine, Lima étant la porte d'entrée pour l'exportation des minerais et demeure le deuxième producteur mondial. Pékin en profite et engloutit au moins 67% de la production, comme le rappelait une enquête du New York Times.

La Chine se tourne désormais vers de plus petits Etats. La tactique est gorgée de malice. Pékin a par exemple promis à la Guyane et au Suriname d'investir dans la production agricole afin d'améliorer la sécurité alimentaire dans la région. La méthode est rodée, comme l'affirme Mitch Hayes, car dans les petites économies, des initiatives de la sorte peuvent générer un retour sur investissement démesuré sur des questions cruciales comme Taïwan.

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source: sda / maxim shipenkov
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