C'est la vitesse qui compte. Les spermatozoïdes l'ont bien compris. Ils s'agitent comme des fous dans cette compétition, ils sont entre 20 et 150 millions sur la ligne de départ. Il leur faut environ une heure pour remonter le vagin, traverser l'utérus et atteindre l'ovule. Pour y parvenir, ils doivent battre de la queue environ 12 000 fois.
Le préservatif a été inventé et fabriqué en série à partir de 1870, puis les inventions d'une bonne douzaine de méthodes contraceptives pour les femmes ont suivi au siècle dernier. Mais pas de pilule pour la gent masculine, même si depuis une trentaine d'années, les recherches se sont tout de même un peu intensifiées.
Deux études sur d'éventuels moyens de contraception masculins viennent d'être publiées. L'une a été présentée par la société américaine d'endocrinologie à Boston et se base sur un gel composé des hormones testostérone et ségestérone, que les hommes se sont appliqué sur les épaules une fois par jour pendant 9 à 15 semaines, jusqu'à ce que leur sperme ne compte plus qu'un million de spermatozoïdes par millilitre, ce qui réduit nettement la fertilité.
Philipp Quaas, spécialiste de la médecine de la reproduction et endocrinologue à l'hôpital universitaire de Bâle, déclare:
Une prise constante de testostérone diminue la sécrétion de l'hormone par l'organisme et nuit ainsi à la production de spermatozoïdes. Après un traitement de substitution en cas de manque de testostérone, par exemple, environ 30% des hommes restent définitivement stériles. De plus, l'atteinte à cet équilibre hormonal provoque des sautes d'humeur. L'ajout de ségestérone fera-t-il la différence? Quaas déclare:
Nous nous sommes penché sur les raisons pour lesquelles la pilule masculine tarde à être disponible: intervenir dans l'équilibre hormonal des hommes est problématique. Chez les femmes, la situation est moins délicate, car la réserve d'ovules est déjà constituée à la naissance: les hormones d'origine étrangère, comme la pilule, n'ont pas d'effet négatif sur la fertilité.
Par ailleurs, les hommes n'apprécient pas non plus les effets secondaires de la pilule hormonale - sautes d'humeur, prise de poids et baisse de la libido, ce qui peut se produire avec la pilule féminine. En 2011, une étude de l'OMS sur l'injection de testostérone a été interrompue pour cette raison.
Ainsi, comme il est difficile de recourir à la pilule hormonale chez l'homme, qu'en est-il des possibilités? L'autre étude sur la pilule masculine, qui vient de paraître dans la revue Science, tente de le faire sans hormones: les hommes présentant une mutation d'une certaine protéine appelée sérine/thréonine kinase 33 sont naturellement stériles, car leurs spermatozoïdes sont défectueux. Les chercheurs du Baylor College of Medicine à Houston, Texas, ont trouvé un inhibiteur de cette protéine et celui-ci a fonctionné - du moins chez les souris. Elles sont devenues stériles. Parallèlement, la substance ne présentait pas d'effets secondaires graves et la stérilité était réversible chez les souris.
«La substance est prometteuse», déclare à ce sujet le médecin de la reproduction Quaas, «mais elle est loin d'être disponible prochainement dans une pharmacie». Les inhibiteurs de kinase sont déjà utilisés en oncologie. Comme ils inhibent des enzymes qui sont importantes pour les processus métaboliques dans toutes les cellules du corps, la sécurité d'une telle préparation contraceptive doit d'abord être prouvée par de grandes études sur l'homme, dit Quaas.
Une étude de Nature menée à New York l'année dernière a résolu ce problème de manière plus spécifique: un inhibiteur d'une enzyme spécifique, l'adénylylcyclase soluble, a eu un effet à très court terme et le lendemain, les souris étaient à nouveau fertiles. Quaas s'attend à ce qu'une étude sur les hommes suive bientôt pour ce qui est de cette possibilité-là, et que le remède soit peut-être utilisable dans quelques années.
Dans quelques années. Voilà qui est devenu un adage dans la recherche d'une pilule pour l'homme. Alors que non seulement les spermatozoïdes, mais aussi généralement les chercheurs, veulent être les premiers à arriver à destination, ce domaine végète.
«Au final, c'est la femme qui tombe enceinte, pas l'homme», dit Quaas, alors que la conversation devient plus fondamentale. Mais qu'est-ce que cela signifie réellement? Que c'est de toute façon à la femme d'assurer une contraception sûre, car c'est elle qui en assume les conséquences physiques? Quaas répond:
Mais un avortement ou la paternité affectent également l'homme, du moins sur le plan émotionnel. Par ailleurs, s'il devient père sans le vouloir, la situation l'affecte également sur le plan financier. Tant qu'il n'y a pas de pilule pour lui, il ne maîtrise pas complètement ce risque avec le seul préservatif.
«Bien sûr, le partenaire est aussi concerné», dit Quaas, précisant qu'en fin de compte, il est vraiment étonnant que la pilule n'existe pas encore.
Les andrologues, soit les médecins pour hommes, et donc l'andrologie, n'existent que depuis une cinquantaine d'années. Le facteur le plus critique en matière de reproduction est la femme, explique le spécialiste de la médecine reproductive. Chez l'homme, il y a beaucoup moins de variations. Le niveau de testostérone reste constant chaque jour, les spermatozoïdes se renouvellent constamment.
Mais ce rôle plus important dans la procréation est en train de changer: une étude menée auprès de candidats à l'Université de Genève a montré en 2019 que seuls 38% des jeunes hommes remplissaient avec leur sperme les valeurs de fertilité idéales de l'OMS. Et selon l'Office fédéral de la statistique, en 2021, dans 35% des cas où un couple ne pouvait pas avoir d'enfant, l'homme en était la cause – dans 27%, la femme. Dans les autres cas, les deux étaient en cause ou la cause n'a pas pu être trouvée.
Ce qui inhibe la production et la qualité des spermatozoïdes ne devrait donc pas seulement être recherché dans le cadre de la création d'une pilule pour l'homme - mais aussi dans le but d'assurer sa fertilité. De telles substances sont présentes dans l'environnement; il faut maintenant les trouver. Avant que la pilule pour l'homme ne devienne obsolète.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)