Ce fut l'une des grandes surprises de la finale de l'Eurovision 2025. Alors que la chanteuse israélienne Yuval Raphael n'avait obtenu que 60 points du jury, elle a été le premier choix du public, se retrouvant ainsi propulsée à la deuxième place du classement final.
Ce grand écart entre les notes du jury et celles du public soulève bien des interrogations depuis samedi soir. Sur les réseaux sociaux, les spéculations vont bon train. De l'influence du vote étranger à la grande conspiration, en passant par un prétendu piratage du concours, toutes les théories y passent.
L'ancien directeur de l'Union européenne de Radio-Télévision (UER), Ignasi Guardan, en est convaincu:
L'ex-député européen espagnol s'est exprimé lundi sur les ondes de Cadena SER, et a émis une opinion claire:
Ignasi Guardans rappelle que le vote du public pour l'Eurovision est bien différent d'un scrutin lors d'une élection démocratique. Il est ainsi possible de voter 20 fois à partir d'un seul appareil, ce qui permet au système d'être facilement «instrumentalisé». Selon lui, c'est bien ce qu'il s'est passé avec Israël.
En effet, par le passé, l'Etat hébreu a déjà organisé et financé des campagnes afin d'influencer le vote du public en sa faveur. Une stratégie assumée en toute transparence par Israël. Si cette année, le pays n'a encore rien confirmé officiellement, son compte X a toutefois dévoilé une publicité géante pour sa compétitrice, sur le mythique Times Square à New York. De quoi motiver même les téléspectateurs américains.
En 2024, selon les déclarations des autorités, Israël a tenté de conquérir les votes des téléspectateurs à travers toute l'Europe afin de remporter le concours. Une opération soutenue par l'Etat hébreu, qui y a mis beaucoup de moyens.
David Saranga dirige le bureau de la diplomatie numérique au ministère israélien des Affaires étrangères. Il expliquait au quotidien Times of Israel:
Concrètement, il s'agissait d'une campagne menée par le ministère des Affaires étrangères et l'agence de publicité publique LAPAM. Celle-ci comprenait notamment des vidéos d'Eden Golan, le candidat israélien de l'année dernière, diffusées en dix langues sur les réseaux sociaux. Avant la finale, les clips cumulaient 14 millions de vues.
Selon le site d'information israélien Ynet, les groupes cibles ont été établis sur la base de votes précédents. On y trouve la communauté LGBTQIA+, les clubs de fans, les journalistes se rendant à l'Eurovision, mais également des personnes qui ne suivent pas habituellement le concours de chanson.
Selon Ynet et Times of Israel, le ministère des Affaires étrangères a également demandé à ses ambassades d'encourager le vote. En 2024, cette campagne avait permis d'engranger quelque 323 points de la part des téléspectateurs, soit le deuxième meilleur score venant du public. Israël s'était ainsi classé cinquième.
L'année précédente, Israël avait aussi mené une importante campagne autour de la compétition de chant. Il s'agissait alors de promouvoir Noa Kiral et sa chanson «Unicorn». Ynet rapporte que la communication s'adressait au public dans plusieurs langues européennes. Les personnes cibles étaient déjà les membres de la communauté LGBTQIA+, les fans, mais aussi les leaders d'opinion.
David Saranga, responsable du bureau de la diplomatie numérique israélien, avait alors déclaré à Ynet:
En clair, Israël, à l'image de la France, tient à gagner l'Eurovision. Selon les chiffres officiels, la campagne a atteint plus de 9 millions de vues et 5 millions d'interactions.
D'autres pays ont également droit à un fort soutien du public de l'Eurovision. En 2022, l'Ukraine avait reçu un soutien mondial, obtenant presque dans chaque pays votant le meilleur score. Les pays avec une forte diaspora, comme la Pologne, la Serbie ou l'Arménie, bénéficient aussi souvent des votes du public.
L'Azerbaïdjan a aussi été soupçonné de manipuler les votes, mais le pays nie et aucune preuve concrète n'a pu venir confirmer les accusations.
De son côté, Israël a choisi d'assumer sa tentative d'ingérence dans le processus de vote. Rappelons que, officiellement, rien n'interdit d'organiser de telles campagnes publicitaires afin d'attirer un maximum de voix de la part du public.
Traduit de l'allemand par Joel Espi