«Mon cœur a été brisé le 7 octobre.» C'est ce qu'a déclaré Roger Schawinski, qui a fondé la toute première station de radio privée de Suisse, Radio 24. Cet entrepreneur des médias a grandi à Zurich, et il est le fils d'un commerçant juif de textile. Roger Schawinski observe avec beaucoup d'inquiétude les protestations contre la participation d'Israël à l'Eurovision de Bâle. La candidate, Yuval Raphael, chante ce jeudi soir.
La semaine dernière, ces revendications ont atteint un niveau supérieur. De nombreux acteurs culturels, politiciens et activistes ont exigé l'exclusion d'Israël du concours, dont Nemo, le gagnant du concours l'année dernière.
Puis, lors de la cérémonie d'ouverture du week-end, un homme a fixé du regard la candidate israélienne Yuval Raphael, une survivante de l'attaque du Hamas durant le festival de musique Supernova, le 7 octobre 2023. Puis il a ensuite porté son index à son cou, le glissant pour signifier qu'il souhaitait voir la chanteuse morte.
La chaîne de télévision publique israélienne Kan a immédiatement porté plainte pour menaces de mort. Le Conseil national de sécurité israélien met désormais en garde les juifs contre tout déplacement durant le concours Eurovision de Bâle. S'ils s'y rendent malgré tout, ils doivent s'abstenir de porter des vêtements ou des symboles susceptibles de les identifier comme juifs, recommande-t-il.
«Je n'aurais jamais pensé devoir une fois voir les Israéliens et les juifs suisses empêchés de se sentir en sécurité dans les rues de Bâle. C'est très oppressant», confie Roger Schawinski. Pour lui, les protestations contre Israël dans le cadre du concours n'ont pas lieu d'être, d'autant que l'Eurovision est un événement musical qui a justement été créé pour unir les nations. Aujourd'hui, pour la deuxième fois consécutive, c'est le contraire qui se produit.
Rober Schawinski n'est pas d'accord avec la demande d'exclusion d'Israël du concours. Si la Russie a été exclue du concours, pour l'entrepreneur, il y a une différence flagrante entre Israël et la Russie. Il commente:
Gaza vit une terrible tragédie, que le Hamas a provoquée sans la moindre considération pour sa propre population, affirme Roger Schawinski.
Le cinéaste et écrivain suisse Micha Lewinsky est également de confession juive. Il s'est fait connaître entre autres avec son long-métrage «Moscou tout simplement!», qui traite de l'affaire des fiches en Suisse. Le réalisateur ne souhaite pas s'exprimer politiquement sur le conflit au Proche-Orient. Quant aux protestations contre la participation d'Israël à l'Eurovision, il dit simplement:
Depuis l'attaque du 7 octobre, Micha Lewinsky observe de plus en plus comment les créateurs culturels israéliens ont des difficultés à trouver une scène. De nombreux organisateurs auraient désormais peur que leur invitation soit prise pour une déclaration politique. Pour le cinéaste, il est cependant clair:
Pour lui, en boycottant on tait les voix de tout un pays, y compris celles qui sont critiques.
La conseillère nationale Anna Rosenwasser a elle aussi des racines juives. Mais contrairement à Roger Schawinski, la socialiste trouve légitimes les protestations durant l'Eurovision. Elle lance:
Anna Rosenwasser comprend que des activistes veuillent utiliser le concours de chant comme scène pour attirer l'attention sur ces abus. Selon elle, une démocratie doit pouvoir supporter cela. D'autant plus que, selon la socialiste, le concours a toujours été politique, même s'il aimait prétendre le contraire. Après l'invasion de l'Ukraine, l'Eurovision avait finir par exclure la Russie du concours.
Pour Anna Rosenwasser, les récentes protestations ont aussi été pour elle un coup de poignard dans le cœur. Manifester est acceptable, mais pas la haine et la violence. Car «c'est une réalité, certaines personnes juives ne se sentent pas en sécurité dans le climat politique actuel», explique-t-elle.
Et c'est dans sa propre chair que l'élue ressent la montée de l'antisémitisme en Suisse:
Beaucoup assimileraient les personnes ayant des racines juives à des soutiens du gouvernement israélien. Une vision bien trop simpliste. «Au sein de la communauté juive, il existe de très nombreuses opinions différentes et très différenciées sur Israël et le conflit au Proche-Orient», explique Anna Rosenwasser.
Traduit de l'allemand par Joel Espi