Orban «instrumentalise» une vieille querelle avec l'Ukraine
Lorsqu'une nouvelle école bilingue pour les Ukrainiens a ouvert ses portes à Budapest début septembre, les hymnes nationaux hongrois et ukrainien y ont retenti, offrant la vision d'un rare moment d'unité. Car, depuis que la Russie a envahi l'Ukraine en 2022, les tensions, déjà palpables entre Budapest et Kiev, n'ont en effet fait que s'accroître.
La Hongrie, qui a refusé d'aider militairement son voisin, essaie de bloquer régulièrement l'adoption des sanctions de l'Union européenne contre la Russie, tandis que le sentiment anti-ukrainien est monté en flèche parmi les Hongrois. Quelque 60% d'entre eux ne veulent pas d'une adhésion de Kiev à l'UE, un chiffre en hausse.
Lilliana Grexa, députée représentant la minorité ukrainienne en Hongrie, relate:
Le discours officiel du gouvernement de Viktor Orban, qui est proche du Kremlin et n'a pas de mots assez durs contre l'Ukraine, ne contribue pas à apaiser les esprits.
Un différend linguistique et diplomatique
Aux sources de ce froid diplomatique qui remonte à bien avant la guerre, la décision en 2017 de l'Ukraine de restreindre l'usage des langues des minorités, comme le hongrois ou le russe, au collège et au lycée, au profit de l'ukrainien.
En Transcarpatie, région de l'Ouest de l'Ukraine qui faisait partie de l'empire austro-hongrois jusqu'à sa défaite lors de la Première Guerre mondiale, sont recensés plus de 100 000 Magyars d'ethnie hongroise, même si nombre d'entre eux ont fui vers la Hongrie depuis 2022. Beaucoup de ceux qui restent vivent en marge de l'Ukraine, branchés sur la télévision publique acquise à Viktor Orban.
L'ouverture de trois écoles depuis l'invasion russe en 2022, où les Ukrainiens réfugiés en Hongrie peuvent apprendre leur langue maternelle, est perçue, dans ce contexte historique un peu tendu, comme un geste de bonne volonté. Kiev s'est montré «reconnaissante», affirme Lilliana Grexa, qui a œuvré à la fondation de ces établissements.
Mais, comme le déplore l'élue de 47 ans, malgré de bonnes initiatives des deux gouvernements:
Une situation qui empire
Ces derniers mois, les relations entre les deux pays ont atteint de nouveaux fonds, avec des accusations mutuelles d'espionnage et des convocations diplomatiques. Dernier épisode en date, la Hongrie a interdit fin août l'entrée de son territoire au commandant des forces de drones ukrainiennes.
L'interdiction a suivi des perturbations répétées de l'approvisionnement en pétrole de la Hongrie via l'oléoduc russe Droujba, alors que Kiev attaque les infrastructures énergétiques du Kremlin. Et en juillet, une église de Transcarpatie a été incendiée et taguée d'un message incendiaire contre les Hongrois.
Viktor Orban dénonce aussi régulièrement l'enrôlement dans l'armée ukrainienne des hommes de plus de 25 ans de la minorité hongroise dans une guerre «qui n'est pas la leur». Depuis son retour au pouvoir en 2010, le Premier ministre hongrois a financé des projets locaux, dont des écoles et des hôpitaux, et facilité l'obtention de la nationalité hongroise.
Accusations de chantage et d'instrumentalisation
De son côté, l'Ukraine tente d'empêcher Viktor Orban de recevoir le gaz et le pétrole dont il a négocié la livraison avec Vladimir Poutine. Récemment, elle a marqué un point en s'assurant le soutien du président américain Donald Trump.
Le politologue Zoltan Kiszelly, directeur du groupe de réflexion Szazadveg, proche du gouvernement hongrois, livre son analyse:
Pour un diplomate d'un pays de l'UE et un autre à la retraite, qui ont requis l'anonymat, Budapest «instrumentalise» les différends linguistiques pour affaiblir Kiev.
Le ministre des Affaires étrangères hongrois, Peter Szijjarto, a annoncé mardi qu'il recevrait le vice-Premier ministre ukrainien pour l'intégration européenne et euro-atlantique de l'Ukraine, Taras Kachka, cette semaine. Il a cependant immédiatement ajouté qu'il appartenait à Kiev d'arrêter «la poursuite de la détérioration» des relations entre les deux pays. Szijjarto a par ailleurs déclaré aux journalistes lundi:
