Vladimir Poutine maîtrise particulièrement bien le jeu de la peur: le Kremlin se dit officiellement prêt à négocier sous certaines conditions, mais ses fidèles comme Dmitri Medvedev menacent d'utiliser des armes nucléaires. Ainsi, Poutine parvient toujours à déstabiliser les sociétés occidentales et leurs gouvernements. Sans doute un souvenir de son passage au KGB.
Il est donc d'autant plus important pour l'Ukraine que ses dirigeants lancent désormais une contre-offensive politique. Une récente initiative du président ukrainien Volodymyr Zelensky montre que Kiev a compris que le soutien occidental s'effrite. En effet, comme on l'a appris dimanche, l'Ukraine assure envisager des négociations de paix directes avec la Russie. Le Kremlin va donc être forcé de se positionner sur la question. En clair: Poutine va devoir tomber le masque.
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Selon les plans ukrainiens, le concept de paix de Kiev devrait dans un premier temps être discuté avec ses partenaires internationaux lors d'une conférence de paix prévue en Suisse. Ce plan pourrait ensuite être remis officiellement à la Russie lors d'une deuxième conférence.
Zelensky a confirmé ce scénario lors d'une conférence de presse dimanche.
Cette démarche est d'autant plus remarquable que Zelensky a fait interdire par décret les négociations avec la Russie en octobre 2022. L'initiative des dirigeants ukrainiens est avant tout une réaction aux critiques d'une partie de la communauté internationale selon lesquelles l'Ukraine s'opposerait à une solution pacifique.
De son côté, Poutine se dit prêt à mettre fin à la guerre, mais à ses conditions: une paix dictée par la Russie qui lui assurerait un large contrôle politique sur le pays voisin. Des conditions inacceptables aux yeux de Zelensky.
Il y a bien eu des pourparlers entre les négociateurs russes et ukrainiens en mars 2022, mais ces discussions n'ont pas abouti à un accord sur deux points essentiels: les garanties de sécurité pour l'Ukraine et le statut des territoires occupés par la Russie. Aujourd'hui encore, aucune solution n'est en vue.
On peut d'ailleurs se demander si Poutine a jamais été disposé à mener des négociations sérieuses. En 2022, les discussions n'ont jamais atteint le plus haut niveau du gouvernement, elles ont été menées par des négociateurs ou par les deux ministres des Affaires étrangères. Jusqu'à présent, rien n'indique que le chef du Kremlin ait renoncé à ses objectifs de guerre.
La démarche actuelle de Zelensky sert à rappeler la situation à ses soutiens occidentaux. Le message? Un soutien supplémentaire aux défenseurs ukrainiens est capitale pour permettre à Kiev de remporter la guerre. Car la situation militaire est actuellement extrêmement grave.
Poutine est désormais sous pression politique. Pourtant, il est peu probable qu'il s'ouvre aux négociations. Pourquoi le ferait-il? Il pense que la Russie est actuellement sur la voie du succès et espère sans doute que Donald Trump sera élu prochain président des Etats-Unis en novembre et que les Etats-Unis se désintéresseront alors de l'Ukraine. Cela renforcerait la position de négociation de la Russie.
Le Kremlin a déjà réagi à l'initiative de Kiev en déclarant qu'il n'y avait actuellement aucune base pour des pourparlers de paix. Selon toute vraisemblance, la Russie ne participera pas non plus à la conférence internationale de paix en Suisse. «Pour le moment, il semble que la Russie ne participera pas à un premier tour de la conférence», a confié Viola Amherd à la NZZ.
Zelensky voit de toute façon d'un œil critique les discussions directes avec Poutine:
Cette méfiance est compréhensible. Quelques jours avant le début de la guerre d'invasion russe le 24 février 2022, le président russe avait encore déclaré ne pas vouloir attaquer l'Ukraine.
Face à cette situation, il s'agit donc pour Kiev de maintenir le moral au beau fixe. Zelensky a reconnu dimanche l'échec de l'offensive d'automne de ses forces armées. Celle-ci s'était entre autres heurtée à une défense russe profondément échelonnée et à des champs de mines. Et Zelensky cite encore une autre raison:
C'est pourquoi il ne veut pas non plus parler davantage des prochaines étapes. «Moins les gens sont au courant, plus le succès et les résultats inattendus arrivent rapidement pour les Russes».
Les dirigeants ukrainiens signalent ainsi à l'Occident qu'il existe un plan pour de nouvelles contre-offensives, mais que pour cela un soutien supplémentaire est nécessaire. Les experts militaires estiment toutefois que des contre-offensives sont peu probables, du moins pour l'année 2024, car les troupes ukrainiennes manquent actuellement cruellement de munitions.
Malgré tout, l'Ukraine a encore la possibilité de gagner la guerre — si ses soutiens occidentaux se montrent plus endurants que la Russie. Mais cette année, il s'agira plutôt pour Kiev de se concentrer sur ses positions défensives et de se montrer offensive sur les aspects politiques. Un angle d'attaque concerne le nombre de victimes de cette guerre.
Ce n'est donc pas un hasard si le président ukrainien a brisé un tabou qui durait depuis deux ans, en révélant que 31 000 soldats ukrainiens avaient été tués jusqu'à présent.
Traduit et adapté par Noëline Flippe