Quand on lui parle de la trêve décrétée unilatéralement par la Russie, Serguiï, un militaire ukrainien de 41 ans déployé près de la ligne de front dans l'est du pays, peine à retenir un fou rire. Il demande en souriant:
Pour ce soldat croisé à Kramatorsk, ville située à une vingtaine de kilomètres du front dans la région orientale de Donetsk, cette journée n'a rien d'inhabituel.
Il explique «ne pas croire» qu'un cessez-le-feu avec la Russie puisse fonctionner. «J'aimerais que ce soit le cas, mais non».
La trêve, annoncée par le président russe Vladimir Poutine unilatéralement, est censée être entrée en vigueur dans la nuit de mercredi à jeudi et doit durer trois jours, à l'occasion des commémorations pour le 80ᵉ anniversaire de la victoire sur l'Allemagne nazie.
Mais Kiev, qui combat l'invasion russe depuis plus de trois ans, a vivement critiqué cette annonce qu'elle qualifie d'opération de communication.
Le président Volodymyr Zelensky a dit «ne pas croire» que l'armée russe la respecterait et Kiev a déjà accusé la Russie d'avoir lancé des bombes guidées sur son territoire dans la nuit, évoquant des dégâts dans la région nord-est de Soumy.
Dans un message séparé, l'armée de l'air ukrainienne a toutefois précisé qu'entre 21h00 GMT mercredi et 05h00 GMT jeudi, «aucun tir de missiles ni aucune utilisation de drones d'attaque n'ont été enregistrés dans l'espace aérien ukrainien», un cas très rare.
Mais d'après le sergent Serguiï, un militaire déployé dans la zone de Toretsk, point actif du front oriental, les troupes russes tentent encore d'attaquer par «petits groupes» jeudi. La seule différence, selon lui, est qu'il n'y a, pour l'heure, pas «d'aviation russe dans le ciel» dans son secteur.
Andriï, un autre soldat âgé de 50 ans, affirme lui que «cette nuit, rien n'a changé, il y a eu des frappes». En attendant son cappuccino dans un salon rose bonbon d'un café de Kramatorsk, il assure que toute pause annoncée par la Russie n'est «rien de plus qu'une trêve sur le papier».
Pourtant, selon Andriï, les militaires sont les premiers à espérer un répit, «parce qu'on sait ce qu'est la mort».
Devant un magasin de Kramatorsk, Victoria, 43 ans, a certes «entendu parler» de la trêve, mais n'y croit pas. Elle dit, en évoquant les troupes russes:
Peut-être que la journée sera «un peu plus calme», glisse-t-elle avant de se presser vers la banque où elle travaille. «J'ai entendu que (les Russes) frappent comme ils frappaient avant», estime pour sa part Kateryna Seledtsova, cheffe d'entreprise de 33 ans. Elle poursuit:
Depuis jeudi matin, plusieurs alertes aériennes, prévenant d'une potentielle attaque, ont déjà retenti dans la ville. Des explosions lointaines, écho des combats, étaient aussi audibles par les journalistes.
La capitale ukrainienne, Kiev, a elle vécu une rare nuit sans le hurlement des alertes antiaériennes.
Ce qui n'empêche pas Ganna Filatova, infirmière de 69 ans dont le fils est au front, de ne pas croire non plus à ce bref cessez-le-feu. «Je ne fais pas confiance à la Russie», dit-elle, disant vouloir «la paix» et «la victoire» et que «cette folie» cesse.
L'Ukraine appelle à un cessez-le-feu inconditionnel de 30 jours, voulu par le président américain Donald Trump, mais jusque-là balayé par la Russie. Pour un autre habitant de Kiev, Anatoliï Pavlovytch, cette mini-trêve sera sans doute l'occasion d'une nouvelle «manœuvre» russe.
Il demande:
Avec une pointe d'espoir, cet Ukrainien de 73 ans assure que l'Europe s'est «réveillée» et «se mobilise» contre Moscou et avec Kiev. Si la Russie veut gagner, «ils devront mener une guerre longue et laborieuse», dit-il.