International
ukraine

«Trump va étrangler Zelensky jusqu'à ce qu'il crie au secours»

Donald Donald Trump "étrangle" Volodymyr Zelensky pour obtenir un accord de cessez-le-feu.
Donald Trump force Volodymyr Zelensky à accepter un accord de cessez-le-feu.Image: montage watson

«Trump va étrangler Zelensky jusqu'à ce qu'il crie au secours»

Depuis que le dossier de la guerre en Ukraine est empoigné par Donald Trump, c'est le branle-bas de combat. Un expert nous parle des leviers utilisés par le président américain pour faire plier Zelensky. Il souligne aussi le piteux état des services helvétiques.
06.03.2025, 05:3406.03.2025, 10:29
Plus de «International»

Cette séquence est devenue douloureusement mythique. Vendredi 28 février, Zelensky s'est retrouvé pris au piège par les tontons MAGA, avec un JD Vance (remonté) en première ligne. Désormais, c'est clair pour tout le monde. Trump veut appuyer sur l'accélérateur pour obtenir un accord du cessez-le-feu sur le front ukrainien.

Guillaume Ancel, ancien officier et chroniqueur de guerre, qui vient de publier Petites leçons sur la guerre: comment défendre la paix sans avoir peur de se battre (Ed. Autrement), nous plonge dans les enjeux stratégiques et les méthodes (de rétorsion) qu'utilise Trump pour obliger l'Ukraine à valider l'accord passé avec Poutine.

Guillaume Ancel, écrivain et chroniqueur de guerre.
Guillaume Ancel.Image: dr

Selon vous, la relation entre l'Ukraine et les Etats-Unis pourra-t-elle se détendre?
Guillaume Ancel: Bien sûr qu'elle se détendra. Le problème, c'est Trump. Ce qu'il fait, c'est une trahison des Européens. Il faut qu'on trouve le moyen de le mettre par terre. C'est extrêmement dangereux pour l'Europe.

«Et aux Etats-Unis, vous noterez qu'il y a un grand silence sur le sujet»

Pourquoi ce silence?
C'était parfaitement visible quand il a pris la parole dans les médias américains, se justifiant qu'il n'avait fait aucune concession aux Russes. Ce qu'il faut savoir: il y a une immense majorité de républicains et d'Américains qui refusent de céder face aux Russes. Faut-il rappeler qu'ils ont vécu des décennies de guerre froide, ils ont été élevés avec l'idée que l'URSS est l'ennemi de la démocratie. Par conséquent, le président américain qui désigne Poutine comme vainqueur, ça les choque profondément. Trump sait qu'il y a un vrai risque intérieur.

Aujourd'hui, Trump suspend l’aide militaire à l’Ukraine pour obliger Kiev à s’assoir à la table des négociations. Zelensky est même désigné comme un agresseur.
A Vladimir Poutine, Donald Trump accorde tout. Et sur l'Ukraine, le pays attaqué, il exerce une pression maximale. En fait, le clash de vendredi dernier était prévisible et Volodymyr Zelensky a été imprudent. Il pensait qu'en se rendant à la Maison-Blanche, il allait être entendu. Mais Trump, ce qu'il veut, c'est le deal qu'il a conclu avec Poutine. Ce deal, il l'a passé début février, car le 12 février, Trump annonçait que des négociations immédiates allaient commencer avec son homologue russe. Il avait déjà tout prévu. C'est là qu'on est un peu lent à la réflexion. Quand on entend les discours de Trump on les commente, alors qu'il faut les décrypter.

«Quand Trump dit que les négociations vont commencer, il faut comprendre qu'elles sont déjà terminées»

L'Europe a donc un train de retard?
Zelensky, comme les Européens, a un discours complètement décalé comparé à celui de Donald Trump. Le président américain veut deux choses: tout d'abord, il veut aller vite. Il aurait aimé stopper la guerre lors de son investiture, comme il l'avait fait au Proche-Orient. Il veut surtout montrer qu'il est le président le plus puissant du monde et de l'Histoire. Il veut arrêter des guerres quand il l'a lui-même décidé.

Et la deuxième?
Il veut qu'on s'en tienne au deal qu'il a passé avec Poutine, qui consiste à tout lui accorder et même plus que n'espérait le président russe. En contrepartie, il stoppe la guerre. Et Zelensky ne comprend pas pourquoi il est mis hors jeu des négociations.

Zelensky n'est pas assez puissant pour plaire au boss de la Maison-Blanche?
Dans la tête de Trump, tout est décidé. Concernant Zelensky, dans la tête de Trump, c'est: exécute ou je t'exécute. Et Poutine a probablement demandé la tête de Zelensky. Cerise sur le gâteau, le chef du Kremlin sort gagnant de cette guerre et Zelensky est fait perdant. Comme le chef d'Etat ukrainien a refusé de s'incliner vendredi dernier (réd: 28 février), le président américain lui a lancé un ultimatum et dans les jours qui viennent, il va se passer des choses. Faut-il rappeler, Trump a quand même piégé un président d'un pays en guerre.

Emmanuel Macron assure qu'il est minuit moins le quart. Pour vous, il est minuit et quart. Si je traduis, il est déjà trop tard pour l'Ukraine et l'Europe?
Trump est sur l'application du cessez-le-feu. Il va étrangler Zelensky jusqu'au jour où il crie au secours et accepte tout.

«Je parle d'un ultimatum, car avec le premier levier, la suspension des livraisons des armements et des munitions, c'est le bouton numéro 1 que Trump enclenche»

Zelensky n'a pas des mois, mais quelques semaines devant lui pour résister. Il a enclenché le bouton numéro 2 ce mercredi.

Lequel?
C'est le système de détection et d'alerte américain. Ils sont les seuls à l'avoir et aucun autre pays européen n'a l'équivalent. C'est un ensemble de capteurs et d'intercepteurs satellites et de détections au sol qui permet aux Américains de voir la situation totale sur le front ukrainien. Ils peuvent anticiper les offensives russes.

«Vous noterez que l'armée ukrainienne n'a jamais été surprise par une manœuvre russe»

Les Américains ont un système tellement sophistiqué d'écoute et de surveillance, qu'ils sont capables de prédire le décollage d'un avion avec un stock d'armes et le lieu de son atterrissage, avec un horaire précis. Si vous n'avez pas ça, vous êtes myope, voire aveugle sur le front.

Y'a-t-il un troisième levier ou un bouton numéro 3?
Le réseau de télécommunication. Les Ukrainiens se sont énormément servis de Starlink et d'autres systèmes, notamment de liaison par satellite, qui sont cruciaux pour les forces ukrainiennes; ce sont des systèmes protégés, sachant que les Russes sont à la pointe en matière de guerre électronique. Or, ils n'arrivent pas à les brouiller. Si l'armée ukrainienne n'a plus ça, elle serait en grande difficulté.

«Sans le système de renseignement et la télécommunication, l'armée ukrainienne est prise à la gorge»

Les services de renseignement russes sont-ils au même niveau que les Américains?
Les Russes n'ont pas les moyens technologiques des Américains, mais ils sont très forts en brouillage. Et il est à noter que l'administration Trump a annoncé la suspension des opérations de cyberguerre contre la Russie. Ces derniers mois, les Russes étaient relativement inefficaces, notamment lorsqu'ils s'attaquaient aux pays européens. Les Américains les ont neutralisés dans ce domaine.

Il faut donc s'attendre prochainement à des cyberattaques en provenance de Russie?
Les Américains redonnent un espace pour manœuvrer et relancer une guerre hybride. Aujourd'hui, nous, les Européens, n'avons pas un système de renseignement global du même niveau que les Etats-Unis. Nous n'avons pas investi. Et sans ce système, encore une fois, nous sommes myopes, voire aveugles.

Trump n'est-il pas pressé de faire cesser cette guerre pour rebâtir l'Ukraine et faire du business?
C'est probable. Quand il avance que les Etats-Unis ont dépensé 500 milliards pour l'Ukraine, ce chiffre correspond bizarrement aux estimations avancées pour la reconstruction de l'Ukraine. Trump n'est pas un homme qui veut faire la guerre, il veut faire du business et il est prêt à nous mettre en danger à condition qu'il puisse faire des affaires. Et aussi, il souhaite faire équipe avec Poutine contre la Chine. Mais ça, il ne le dit pas.

J'en profite pour vous interroger sur la Suisse, qui est sous la menace d'espions russes, selon un rapport paru l'automne dernier. La presse helvétique s'est également fait l'écho de graves carences de nos services de renseignement.
Les services de renseignement suisses étaient profondément respectés, parce qu'ils avaient accès à des informations extrêmement intéressantes. J'ai personnellement travaillé avec les Suisses. Et si aujourd'hui ils sont dans un piteux état, c'est la faute à une direction inadaptée.

«Il y a eu de très mauvaises personnes installées à la tête des services de renseignement suisses»

Ils ont laissé partir le système à vau-l'eau, alors qu'avant, ils étaient sacrément respectés par les pays européens.

L'appartement des Zelensky en Crimée, vendu par la Russie
1 / 13
L'appartement des Zelensky en Crimée, vendu par la Russie
source: www.imago-images.de / imago images
partager sur Facebookpartager sur X
Ceci pourrait également vous intéresser:
3 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
3
Voici les bases américaines que l'Iran pourrait attaquer
En représailles aux frappes ordonnées par Donald Trump sur ses installations nucléaires, Téhéran pourrait s'en prendre aux sites de l'armée américaine au Moyen-Orient. Et les options ne manquent pas.

L'Iran a menacé dimanche les bases militaires américaines situées au Moyen-Orient utilisées par Washington pour lancer des attaques sur les sites nucléaires du pays. L'Iran a déclaré que ces installations seraient considérées comme des cibles légitimes.

L’article