Une offre bien particulière a été publiée sur le portail des jobs de la Confédération suisse cette semaine. Elle concerne un emploi au sein du Service de renseignement de la Confédération (SRC) et le titre se passe de commentaire:
Si vous aussi vous étiez intéressé à postuler pour diriger la section certainement la plus sensible de tout le SRC, il suffisait de cliquer. Tout le monde le pouvait, même moi. Je parle (un chouïa) russe et mon chef qui ne rêvait que de se débarrasser de moi m'a dit que ça serait parfait. Et puis j'ai la même chemise que le gars sur l'annonce.
S'agit-il du job le plus dangereux que vous trouverez à la Confédération? Une chose est sûre: l'annonce, publiée très ouvertement, ne permet pas de partir avec un bonus d'anonymat face à Poutine. Autant le crier sur tous les toits: Berne espionne le Kremlin.
Le SRC a indiqué chercher quelqu'un capable de «diriger la section dans un domaine d'activité complexe». Le job est disponible à 100% ou bien à 80% — avoir le mercredi de congé pour faire ses lessives entre deux filatures de diplomates de Poutine, c'est bien utile.
Il faut toutefois être bien prêt mentalement pour se lancer face à la Mère Russie. L'expérience est assurée «dans un environnement dynamique et volatile»: genre éviter de se faire jeter dans une camionnette avec une cagoule par des agents du FSB et de vérifier que les freins de sa voiture fonctionnent comme il faut avant de prendre le volant?
Autres besoins: «prendre des décisions courageuses» ou encore «un intérêt marqué pour la sécurité mondiale et les grandes puissances». Ah oui, quand même. Par contre, «la compréhension du travail de renseignement constitue un avantage», tout comme «des connaissances en russe». Donc, être le boss des agents de renseignements en Russie sans s'y connaître parfaitement en espionnage et en russe, c'est possible?
Parfait, j'ai pile le profil, me dit mon boss, j'ai fait trois semestres de russe à l'uni et je bossais comme sécu pour financer mes études. Да, конечно. Mais ma réputation est-elle irréprochable? Après cet article, je ne sais pas.
Pour le tournant numérique, on repassera: «pour raisons de confidentialité», le dossier devait être envoyé en version papier uniquement. A déposer dans un colis en kraft dans une boîte aux lettres secrète, peut-être?
Vous aurez peut-être remarqué que cet article était écrit au passé. Car oui, vendredi dans le courant de l'après-midi, l'annonce a été retirée. Questionné, le SRC indique «avoir reçu suffisamment de candidatures pour pouvoir procéder à une sélection».
Malgré nos quelques blagounettes — certainement mieux intentionnées que les sbires poutinistes auxquels les espions suisses devront faire face —, nous souhaitons plein de courage au prochain chef de la section russe du SRC.
(acu)