Au cours des derniers mois, l'équipe de Volodymyr Zelensky a travaillé jour et nuit pour établir une relation étroite avec son nouvel homologue américain, Donald Trump. Mais après l'esclandre de vendredi dernier dans le bureau ovale, on ne peut que constater l'échec de la tentative de Zelensky de rallier Trump à la cause de l'Ukraine.
Le chef d'Etat ukrainien aurait pu se comporter différemment, cela a été dit et redit. Peut-être aurait-il pu mettre un terme plus rapidement à cette première altercation publique, après que Trump l'a qualifié de «dictateur sans élections». Il aurait probablement aussi dû réagir de manière moins émotionnelle à certaines piques du dirigeant et de son vice-président.
👉 Suivez en direct la guerre contre l'Ukraine 👈
Au final, cela n'aurait sans doute rien changé à l'escalade fatale: la nouvelle administration américaine semble désormais clairement engagée sur la voie prorusse. Zelensky vient de prendre douloureusement conscience qu'il occupe le poste le plus délicat au monde. Car tant Trump que Vladimir Poutine, les dirigeants des deux plus grandes puissances nucléaires, souhaitent se débarrasser de lui.
Or, c'est précisément ce qui contribue à la renaissance de Zelensky en politique intérieure et lui confère une sympathie supplémentaire au sein de la population. Lorsque le dirigeant est visé aussi directement par le président des Etats-Unis, cela ne l'atteint pas seulement personnellement. C'est le pays tout entier qui se sent insulté. En Ukraine, même ses adversaires politiques admettent que Zelensky résiste courageusement. Son prédécesseur et ennemi politique juré, Petro Porochenko, a lui aussi cessé de le critiquer en public, malgré des sanctions contre Porochenko tombées pas plus tard qu'à la mi-février.
Ce n’est pas comme si la position de Zelensky était déjà fragile avant le scandale Trump. Différents sondages ont constamment révélé qu'une nette majorité de citoyens s'opposait à la tenue d'élections pendant la guerre. Quand bien même l'indice de confiance actuel du chef d'Etat se situe loin des presque 90% du début du conflit au printemps 2022, il atteignait néanmoins le niveau respectable de 54% en début d'année, selon l'Institut international de sociologie de Kiev.
C'est un score considérable, surtout en Ukraine, pays à la culture politique extrêmement émotionnelle et où chaque président tombe automatiquement en disgrâce après six mois au pouvoir. Zelensky pourrait certes perdre au second tour contre l'ex-chef de l'armée très apprécié Valeri Zaloujny – actuel ambassadeur à Londres. Hormis les deux hommes, aucun autre candidat n'aurait de chances réelles de remporter une élection présidentielle. Petro Porochenko, actuellement leader de facto de l'opposition, arrive loin derrière.
Avec le tollé provoqué par Trump, la cote de sympathie de Zelensky devrait toutefois encore grimper. Tout comme au début de l'offensive russe, les Ukrainiens se rassemblent à nouveau davantage derrière leur président, qu'ils partagent ou non ses opinions par ailleurs. Ironiquement, tandis que Donald Trump exprime publiquement son aversion pour Zelensky, il lui fait malgré tout la meilleure publicité électorale possible. A part Vladimir Poutine, personne d'autre n'avait jusqu'à présent réussi à unir les Ukrainiens et à renforcer leur chef d'Etat autant que le locataire de la Maison-Blanche.
Mais des mois difficiles attendent toutefois le président ukrainien. La suspension des livraisons militaires décidée à Washington ne provoquera certes pas immédiatement une catastrophe sur le front, mais elle aura des conséquences claires. Il sera probablement compliqué de convaincre les Etats-Unis de faire machine arrière - sous quelque forme que ce soit. On ignore encore quelle stratégie Zelensky choisira pour se sortir de cette situation extrêmement précaire.
Mardi, le président américain Donald Trump a affirmé avoir reçu l'assurance de Volodymyr Zelensky qu'il était prêt à négocier en vue d'une «paix durable» avec la Russie, les regrets du président ukrainien sur leur altercation dans le Bureau ovale semblant ouvrir la voie à une reprise du dialogue.
On ne saurait, toutefois, le tenir pour responsable de cette situation – et la plupart des Ukrainiens le savent bien. C'est pourquoi des voix s'élèvent jusque dans le camp nationaliste de Porochenko, fondamentalement opposé à Zelensky: le président n'a pas fui le pays au début de la guerre et il résiste bec et ongle face à Trump. Il ne trahira donc pas non plus les intérêts du pays lors de futures négociations avec la Russie. Et il ne devrait selon toute vraisemblance pas baisser les bras à cause de Washington.
Traduit et adapté par Valentine Zenker