«Face aux préjugés, aux fantasmes et aux incompréhensions, nous créateurs de contenu, tenions à vous dire qui nous sommes». C'est avec ces mots que commence la tribune signée par 150 influenceurs français – pardon, créateurs de contenu – au Journal du Dimanche, à l’initiative de l’Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenu (UMICC).
L'objectif officiel? Expliquer qui sont les influenceurs et ce qu'ils apportent à la société, dénoncer les dérives de certains et soutenir la loi sur la régulation du métier de l’influence discutée cette semaine à l'Assemblée générale. L'officieux? Apporter une distinction entre les vrais influenceurs et les «influvoleurs», alias les candidats de télé-réalité.
De leur plus belle plume, ces 150 «passionnées de lifestyle, bien-être, santé, écologie, animaux, sport et voyages» ont ainsi tenté tant bien que mal d'expliquer pourquoi il ne fallait surtout pas les qualifier «d'influenceurs», mais plutôt de «créateurs de contenu». Hors de question pour eux d'être mis dans le même sac qu'une Manon Tanti ou une Maeva Ghennam, deux stars du néant connues d'abord pour leur participation à des télé-réalités, puis pour des placements de produits douteux.
Pour eux, nobles créateurs de contenu, ils sont bien plus que ça. Ils assurent «informer, militer, s'engager, sensibiliser sur le handicap», j'en passe et des meilleurs.
Non, vous ne l'êtes pas. Le Français moyen n'est pas invité à l'Elysée pour boire un verre et discuter de ses inquiétudes avec Marlène Schiappa. Il ne fait pas non plus de «concours d'anecdotes» avec le président Emmanuel Macron dans une vidéo publiée sur YouTube.
Vous n'êtes pas cette France de la classe moyenne qui se lève pour 2200 euros net par mois quand la moindre publication sur Instagram vous en rapporte des milliers. Vous n'êtes ni l'éboueur ni la caissière. Et encore moins un restaurateur, n'est-ce pas, Maeva?
Vous battre pour votre métier et votre image est certes nécessaire. Mais il aurait fallu mieux choisir vos armes pour défendre (ou sauver?) votre réputation, ô combien déjà écornée par les nombreux scandales.
Faut-il une loi pour encadrer, réguler, mais aussi sanctionner les dérives? Evidemment! Mais à trop vouloir se désolidariser à tout prix de ces influenceurs devenus stars du vide à Dubaï, c'est une balle dans le pied que les créateurs de contenu se sont tirés. Car en réalité, cette tribune ne veut strictement rien dire et ne leur rend pas service. Au contraire, elle accentue davantage le flou entre le créateur de contenu et l'influenceur, si proches, mais pourtant «si différents». N'est-ce pas plutôt une question d'ego?
Preuve en est la liste de signataires composée des créateurs de contenu fiables... mais aussi d'influenceurs peu scrupuleux dont l'intention, à part celle de gagner un maximum d'argent, reste encore à prouver. Un problème relevé par certains des signataires tels que Squeezie ou encore Seb la Frite qui ont d'ailleurs décidé de se retirer de la liste et de se désolidariser de cette tribune.
.@Seb_Frit sur la tribune des influenceurs dans le JDD : "On a tous globalement signé un truc avec deux/trois échanges WhatsApp, ce qui est la honte pour nous parce qu'on passe un peu pour des cons" #le9h10inter pic.twitter.com/nBzDPc6NlF
— France Inter (@franceinter) March 27, 2023
Le youtubeur Squeezie a rapidement pointé du doigt le problème de cette tribune. Sur TikTok, il a publié une vidéo pour répondre aux critiques dont il est la cible. «En tant que numéro 1, j'aurais jamais dû m'associer à un truc sans le lire», avoue-t-il. Et il est bien là le problème. Avec une telle exposition publique, une responsabilité en découle: celle d'informer et éduquer à l'heure où la grande majorité des jeunes (et de nombreux moins jeunes) s'informent sur les réseaux sociaux.
Ma réponse 👇🏻 pic.twitter.com/hE2kM75lzx
— Squeezie (@xSqueeZie) March 26, 2023
La vérité, c'est qu'il y a des créateurs de contenu bons et honnêtes et d'autres qui le sont moins. Au même titre qu'il y a les bons et les mauvais flics. Et puis, en faire une généralité serait une erreur et ne ferait pas avancer le débat.
Cette loi, si elle est votée, n'impacterait pas ceux qui font déjà leur travail avec déontologie et bonnes intentions vis-à-vis du public. Le texte mettrait en revanche à terre tous ces «influvoleurs» devenus de vrais panneaux publicitaires ambulants.
Si l'intention de cette tribune était bonne, le timing, lui, était mauvais. A l'heure où des millions de Français se battent contre la réforme des retraites, tout le monde se fout du sort des influenceurs.
Chers créateurs de contenu, vous avez foiré. Votre combat est légitime, même si vous n'êtes pas la France, votre avis compte dans le débat public, il serait inutile voir dangereux de le nier. Montrez à votre communauté que vous valez mieux que ces «influvoleurs» dont vous tenez tant à vous distinguer. Faites-le avec votre travail, non pas avec une tribune bâclée.