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Le mystère de Lucie, la Dame blanche qui est passée à la radio

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Cinq tours, 118 pièces, trois aspirateurs et plusieurs fantômes: le château de Veauce, dans l'Allier.image: château de veauce

Le mystère de Lucie, la Dame blanche qui est passée à la radio

Le 7 août 1984, une équipe de journalistes de TF1 et Radio France se lance sur les traces de Lucie, le prétendu fantôme du château de Veauce, au cœur de l'Auvergne. Près de 40 ans plus tard, les évènements qu'ils ont vécus sur place restent largement inexpliqués.
31.10.2023, 17:0001.11.2023, 16:30
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Paris, juillet 1984. Depuis quelques semaines, Jean-Yves Casgha n'a qu'une idée en tête: dénicher une maison hantée, une vraie. Le journaliste de 32 ans, qui passe ses journées à décrypter des phénomènes inexpliqués pour son émission «Boulevard de l'étrange», sur France Inter, n'a encore jamais côtoyé les esprits. Sitôt l'idée validée par la rédaction, il se met en chasse. Les propositions arrivent de toute la France. Souvent farfelues et peu crédibles. Jusqu'au coup de fil d'un historien d'Auvergne-Rhône-Alpes, qui a peut-être une idée.

L'homme met le journaliste sur la piste du château de Veauce. Une forteresse de près de 1300 ans, perchée au-dessus d'un village auvergnat d'une quarantaine d'âmes, érigée par Charlemagne en personne. Son actuel propriétaire, un baron dont le nom bizarre évoque un personnage de roman, clame à qui veut bien l'entendre qu'il a été témoin de phénomènes étranges. Ce baron, c’est un certain Ephraïm Tagori de la Tour. Il n'en faut pas plus pour aiguiser l’appétit de scoop de Jean-Yves Casgha.

Le baron excentrique et sa Dame Blanche

Il faut dire que le personnage à lui seul mérite d’avaler les 382 kilomètres qui séparent Paris de ce petit bled rural. Officier de l’armée britannique et soi-disant vétéran de la bataille de Stalingrad, ce bonhomme bedonnant de 72 ans a accompli son rêve d’aristocratie en ajoutant une particule à son nom de famille, «de la Tour», et en s'auto-proclamant baron. Depuis, il cultive son accent ronronnant de Jérusalem et son look de châtelain débarqué d'un autre siècle.

Moustache voluptueuse, monocle, canne à pommeau, chapeau melon, costume trois-pièces en queue-de-pie: rien n'est trop noble pour alimenter la légende et le look de ce personnage excentrique. Rien, pas même une passion pour les fantômes. Ou plutôt, «son» fantôme. Lucie, dont le baron se dit irrémédiablement amoureux.

Le look aristocratique travaillé d'Ephraïm Tagori de la Tour.
Le look aristocratique travaillé d'Ephraïm Tagori de la Tour.archives ina

Pour la faire apparaître, le baron joue de l’harmonium en pleine nuit et organise des visites groupées aux abords de la «Tour mal coiffée», où la Dame blanche lui serait apparue de «nombrrrreuses» fois.

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image: château de veauce

Lucie n’est pourtant pas une invention d’Epharaïm Tagori de la Tour, quand bien même on lui doit le mérite de lui avoir redonné du vif. C’est une légende urbaine vieille de plusieurs siècles, transmise de génération en génération par les propriétaires successifs et les veilleurs de nuit.

Lucie, c’est une belle suivante de 18 ans qui, en 1565, aurait eu le malheur de taper dans l'œil du seigneur des lieux, Guy de Daillon, déjà marié. Sitôt le bon baron parti pour l'armée, sa femme, consumée par une jalousie féroce, profite de se débarrasser de sa rivale en l'enfermant dans la tour du donjon. Lucie mourra peu de temps plus tard, rongée par le froid et la faim. Depuis, de nombreux témoins racontent que son fantôme déambule le long des remparts du château.

Première nuit

7 août 1984, Auvergne-Rhône-Alpes. Il est un peu plus de 13 heures lorsque l'équipe de Jean-Yves Casgha et deux camionnettes de France Inter, le ventre lourd d’ingénieurs du son et de matériel audio sophistiqué, atteignent le village de Veauce. En s'approchant de l'immense forteresse de 45 mètres de haut, juchée sur son éperon rocheux, le chef de l'expédition s'interroge. Est-il vraiment possible que Lucie les observe, depuis là-haut?

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château de veauce

Bientôt rejoints par leurs confrères de TF1, journalistes, cameramans et ingénieurs du son se mettent au travail. Premières prises de vue, installation d'une régie technique et de micros sur le chemin de ronde et dans la salle des gardes, là où le «fantôme» serait apparu. Rien n’est laissé au hasard. Si un fantôme se cache ici, ils le débusqueront.

Sitôt la nuit tombée, Ephraïm Tagori de la Tour se prête au jeu de la visite guidée, en compagnie de son invité et d’un enregistreur, pour une promenade nocturne dans les couloirs du château. Et qui sait, une apparition de la dame Lucie? Les heures passent, aucun signe. Micro à la main, Jean-Yves Casgha continue d’interroger prudemment le baron. La voit-il souvent? Où? A quoi ressemble-t-elle? Rien n’entame l’assurance de son interlocuteur. Lucie, il l’a croisée ici. Et là. Oh, et puis là aussi!

22 heures sonnent au clocher. Puis 23 heures. Toujours rien. A l'exception d'un message d'un technicien du son sur son talkie-walkie pour prévenir qu’il rencontre d’étranges problèmes techniques, pas de trace d'activité surnaturelle. Minuit passé, les équipes de journalistes se résignent à rentrer à l'hôtel. Bref débriefing où se mêlent déception et méfiance. Pour la plupart des membres de la bande, ces fantômes, c'est du vent.

Deuxième nuit

8 août 1984. Jean-Yves Casgha ne se démonte pas. Cette fois, il renouvèle l’expérience avec la présence d’un médium: ce sera Raymond Réant, référence dans le domaine de la parapsychologie et éminent spécialiste des phénomènes d’apparitions surnaturelles. Le médium n'est pas seul: il a glissé dans ses valises Aurore, 9 ans, sa petite-fille. Une journaliste et un photographe du magazine Télé 7 jours achèvent de compléter cette joyeuse équipe.

Yeux plissés et moustache en chapeau chinois, le médium Raymond Réant cultive aussi un look de personnage de film.
Yeux plissés et moustache en chapeau chinois, le médium Raymond Réant cultive aussi un look de personnage de film.

Pour cette seconde nuit de veille, il est décidé de se diviser en trois groupes: l'un ira se poster dans la salle des gardes, un autre dans la salle de régie. Une troisième équipe de six personnes, dont Jean-Yves Casgha, le médium Raymond Réant, sa petite-fille Aurore et la journaliste de Télé 7 Jours, ira patienter dans la «salle des pendus», au quatrième étage. Cette fois, le baron est prié de rester à l'écart, afin de ne pas biaiser les observations.

L’attente commence dans une ambiance de plus en plus pesante.

A minuit, douze coups de clocher résonnent froidement dans l'obscurité. Un signe? Quelque chose? Dans le micro de Jean-Yves Casgha, seules résonnent les respirations humaines. Le journaliste songe vaguement à laisser tomber lorsque, quelques minutes plus tard, le médium murmure:

«Près de la fenêtre, à gauche, il y a quelque chose»
Raymond Réant, dans une archive sonore de Jean-Yves Casgha diffusée sur France Inter.

En effet, là, contre le mur, au bout de l’index du médium, les six personnes discernent un spectre lumineux, qui rayonne de plus en plus intensément. «Qui est-ce qui la voit?» demande Raymond Réant. «Moi, je la vois», répond la voix effrayée de la petite Aurore. «Elle est à côté de moi, elle est à côté de moi.» Le halo est parfaitement visible désormais.

«Elle est à côté de moi, j’ai peur. Lucie, elle est là!»
Aurore, dans l'archive sonore de France Inter.

Parmi les personnes présentes dans la pièce, toutes sont témoins. «Je l’ai vue! Oh merde alors», entend-on souffler la journaliste de Télé 7 jours sur l'enregistrement audio.

«C’est pas possible»
Une journaliste, dans l'archive sonore de France Inter.

Pendant que la forme palpite en silence, le crépitement sec d'un appareil photo retentit sur la bande-son. Pendant ce temps, l'ectoplasme grandit pour atteindre une taille humaine. Puis disparaît soudainement. Un des ingénieurs sons vient de quitter précipitamment la régie pour venir faire irruption dans la pièce. Il voulait s'assurer que tout allait bien. Dans son casque, il a perçu un étrange «hurlement».

Il est près de minuit et demi lorsque l’expérience s’achève. L'étrange et fascinant ballet de lumière aura duré près d'une demi-heure. Dans la cour du château, les mines sont graves, les esprits troublés. Aurait-on enfin vu le fantôme du château de Veauce? Il faudra attendre les expertises pour en être sûr.

L'impossible

10 août 1984, Paris. De retour dans la capitale, Jean-Yves Casgha est sur le point de réécouter les bandes d’enregistrement et de monter le prochain numéro de son émission. Première déconvenue: si une caméra a bel et bien tourné dans la salle des pendus toute la durée de l’expérience, le film ne donne rien. Idem pour les appareils photo. Les seuls quatre clichés exploitables proviennent de l'appareil de Raymond Réant. On y distingue une forme, à défaut d’une silhouette.

Sur cette archive de l'ina, le médium tend au caméraman sa photographie de ce qu'il pense être Lucie.
Sur cette archive de l'ina, le médium tend au caméraman sa photographie de ce qu'il pense être Lucie.ina.fr

Autre fait suspect: sur l'enregistrement, le médium est le seul à s’exprimer calmement, sans une once de surprise. Raymond Réant aurait-il tout manigancé, en mettant sur pied une séance d'hypnose collective?

Un autre élément infirme cette thèse: le «cri humain» capté par son ingénieur son, bel et bien enregistré par les micros. Un sifflement très aigu, bizarre, presque glaçant. Jean-Yves Casgha songe à une décharge du condensateur. Mais là encore, il y a un hic: à supposer qu’une telle décharge ait eu lieu, il aurait fallu tremper le micro dans un jet de vapeur à 100 degrés. Dans de telles conditions, la pastille dans le micro aurait fondu au bout de 3 secondes. Or, le «sifflement» se prolonge plus de 20 secondes. L'origine de ce son, qui va à l’encontre de toute analyse rationnelle, reste inconnue à ce jour.

17 octobre 1984. Le reportage de Jean-Yves Cashgha est diffusé. L'émotion est forte, mais le public fasciné. D’autres médias débarquent bientôt au château de Veauce, dans l'espoir de rencontrer le «fantôme» à leur tour. En vain. Lucie ne se manifestera plus.

Depuis le décès du baron Ephraïm Tagori de la Tour, en 1998, la mystérieuse dame blanche n’aurait pas donné la moindre nouvelle.

Les explications

33 ans plus tard, c'est pour l’émission «Affaires sensibles» sur France Inter que le journaliste Jean-Yves Casgha accepte de revenir sur la folle expérience vécue pendant de ce mois d'août 1984. Sa version n'a pas changé. Il est toujours convaincu d'avoir vu quelque chose, ce soir-là, dans la salle des pendus. «C’était un truc autonome qui pulsait, comme une respiration. Très très lent, très très doux. A un moment, le truc, la chose, explose comme un éclair», décrit-il avec une émotion encore palpable.

«Dans nos yeux, dans le chemin de ronde, ça a été comme une explosion. On a suivi comme une pulsation lumineuse. Elle n’émettait pas, elle n’était pas projetée»
Jean-Yves Casgha, «Affaires sensibles», sur France Inter.

La preuve qu'il a véritablement vécu un phénomène surnaturel? Le journaliste se refuse à tirer une telle conclusion: «Pas surnaturel. Non-expliqué. Surnaturel, c’est prendre une position que je ne veux pas prendre».

«Pour moi, il n’y a pas de paranormal. Il n’y a que du normal qui n’est pas encore expliqué»
Jean-Yves Casgha.

Plus que la manifestation d'un défunt, il préfère s'en maintenir à la théorie d'une décharge du condensateur, qui, selon lui, aurait pu se produire dans des endroits humides. Quant au phénomène lumineux, il l'attribue à la présence forte d’un gaz, le radon, riche dans cette région volcanique. Mais, il l'avoue, avec un sourire:

«Peut-être que ce à quoi on a assisté, c’est la mémoire des murs»
Jean-Yves Casgha.

Un château à vendre

Passé aux mains d'une riche veuve britannique de 80 ans au début des années 2000, le château de Veauce est à vendre depuis cet été. Son prix? 1,5 million d'euros. Une bouchée de pain, pour un domaine de cette taille et de cette importance historique. Mais ne voyez pas dans ce prix bradé une preuve de son passé hanté.

En réalité, le château de Veauce, en piteux état, nécessiterait au moins 10 ans de travaux, et autant de millions d'euros, pour le rénover complètement, selon Jeremy Mincer, le fils de l'actuelle occupante, à France bleu. La perspective de ces travaux titanesques a décidé la châtelaine à mettre en vente leur précieux domaine. En attendant, l’octogénaire anglaise et son fils habitent toujours des appartements.

Le fantôme de Lucie? Oui, Jeremy Mincer l'a possiblement croisé. Mais il y en a bien d'autres. «J'ai vu le fantôme d'une autre femme, très belle, et d'autres personnes comme ma mère et un ami ont vu et senti des choses.»

«Pour moi, les expériences paranormales ici ont été très bonnes, pas du tout négatives»
Jeremy Mincer, France Bleu.

Voilà de quoi rassurer les prochains propriétaires. Au château de Veauce, les fantômes sont de bonne compagnie. Que Lucie en soit ou pas.

Battle: À Halloween, vous êtes plutôt déguisement sexy ou rigolo?
Video: watson
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