On a tous ressenti cette angoisse en entendant des bruits inhabituels provenant d’une pièce, imaginant aussitôt le pire – un esprit. Les phénomènes paranormaux sont un sujet dont on entend souvent parler: la dame blanche, les fantômes ou encore les maisons hantées.
Figurez-vous que certains en on fait leur métier, comme Renaud Evrard. Psychologue clinicien et enseignant-chercheur en psychologie à l'Université de Lorraine, il est également auteur de livres et d'articles scientifiques. Son objectif? Donner la parole à ceux qui vivent des phénomènes inexpliqués.
En quoi consiste votre travail?
Renaud Evrard: J'offre aux personnes ayant vécu une expérience paranormale un espace d'écoute professionnel où elles peuvent parler librement de ce qu’elles ont vécu, même si cela semble invraisemblable. Ensuite, je les aide à intégrer cette expérience en établissant des liens avec d'autres aspects de leur vie.
Quelle est l'expérience la plus surprenante qu'on vous ait racontée?
J'ai entendu de nombreux récits d'expériences, mais:
Je n'ai jamais vraiment vu le côté spectaculaire ou surprenant que l'on pourrait attendre. Moi, je n'ai que des gens qui me parlent de leur vécu personnel, donc je ne vois rien – c'est un peu ridicule.
Il doit bien y avoir une expérience qui vous a marqué?
Cette expérience me glace le sang. Pour autant, est-ce que ça va impressionner d’autres personnes, pas forcément.
Les fantômes, ça existe ou pas?
C’est très compliqué de répondre à ça. Mais en France, un sondage de 2015 du magazine Sciences et Vie a révélé que 14% des Français affirmaient avoir vécu une expérience avec un fantôme. De plus, des études internationales montrent qu'environ 47% des gens ressentent la présence d'un proche décédé pendant un deuil.
Et la vie après la mort?
Deux tiers de l’humanité pensent qu'il existe une vie après la mort, tandis que l'opinion contraire reste minoritaire et principalement occidentale. Récemment, le milliardaire américain, Robert Bigelow, a organisé un concours pour écrire des synthèses scientifiques visant à prouver la vie après la mort. Le chercheur français Christophe Fauré s'en est servi pour élaborer sa propre analyse, intitulée La vie et au-delà, où il est fermement convaincu que la vie après la mort est prouvée. Personnellement, je reste sceptique face à certaines de ces preuves, mais cela alimente un débat toujours en cours.
Est-ce qu'il y a une expérience paranormale qui revient souvent, histoire de ne pas trop flipper si ça nous arrive un jour?
Vous remarquez qu'il y a de plus en plus de gens qui vivent des expériences paranormales?
Je ne pense pas que mon point de vue puisse fournir une statistique générale sur la fluctuation de ces expériences. Par contre, je peux dire que j'ai probablement une meilleure visibilité sur ces sujets, ce qui fait que davantage de personnes me contactent spontanément. Même avant d'être connu, lorsque mes collègues et moi avons ouvert notre premier service de consultation gratuit à Paris, nous avons reçu une centaine d'appels de personnes, cherchant simplement un espace pour discuter.
Est-ce que le paranormal est un sujet tabou?
Oui, dire qu'on a vécu une expérience paranormale, ça l'est, car ce n'est pas tellement intégré dans notre culture. Par exemple, quand il s'agit d'expériences de mort imminente, il faut près de quinze ans avant de pouvoir en parler autour de soi. C'est assez incroyable, car c’est toute une partie de la vie dont on ne sait pas quoi faire.
Quand vous dites que vous êtes spécialiste des sciences du paranormal, ça fait toujours son petit effet, non?
Mes collègues sont au courant de mes travaux, donc ils ne sont plus vraiment surpris.
C'est quoi les questions que l’on vous pose le plus souvent?
C'est marrant, parce que, pendant les conférences, il n'y a presque aucune question. Par contre, après, je passe 30 minutes à recueillir des témoignages, c'est presque un laboratoire.
Pourquoi avoir choisi ce domaine d'étude?
Ça a démarré en 2002. Au début, je lisais des bouquins sur la parapsychologie scientifique c'est-à-dire sur l'approche scientifique du paranormal. Ensuite, en master de psychologie, j’ai voulu travailler sur les poltergeists. J’ai trouvé un prof qui m’a accepté, et j'ai rencontré des personnes qui avaient vécu ces phénomènes ou qui les étudiaient. Et depuis, je n’ai jamais cessé de m’y intéresser.
Votre intérêt pour les sciences du paranormal ne vient pas d'une expérience que vous avez vécue?
Non, malheureusement, ce n’est pas mon cas, contrairement à certains de mes collègues.
Dans nos échanges, vous m'avez dit que vous ne vous définissiez pas comme «parapsychologue». Pour quelles raisons?
Déjà car ce n’est pas un titre reconnu ni un diplôme. Ensuite, parce que les parapsychologues adoptent souvent une approche axée sur la démonstration des phénomènes en laboratoire.
En tant que psychologue, mon intérêt porte non seulement sur les explications possibles de ces phénomènes, mais surtout sur l’accueil des personnes qui en font l'expérience.
Alors, comment peut-on s’assurer de la fiabilité d’un praticien du paranormal?
Je crois qu'on ne peut pas, car il n'existe pas de titre réglementé ni de code de déontologie. Les méthodes varient d'un praticien à l'autre, et il n'y a pas de recherches suffisantes pour les évaluer de manière scientifique.