Société
Halloween

Vaud: Le Téléphone du vent permet de parler aux morts

Situé à Villars-Burquin (VD), le Téléphone du vent est une cabine téléphonique qui permet symboliquement de converser avec les défunts.
Situé à Villars-Burquin (VD), le Téléphone du vent est une cabine téléphonique qui permet symboliquement de converser avec les défunts.Image: watson

Cette cabine téléphonique vaudoise permet de parler aux morts

Sur les hauteurs de Grandson (VD), il existe un moyen aussi poétique que thérapeutique pour traverser un deuil: le Téléphone du vent.
01.11.2025, 18:5201.11.2025, 20:14

Dans un lieu paisible qui surplombe le lac de Neuchâtel, vous trouverez une cabine téléphonique un peu particulière puisqu'elle n'est reliée à aucun réseau. A l’intérieur, on y trouve deux vieux téléphones déconnectés — un pour les petits, un pour les grands — posés sur une petite table murale, ainsi que deux tabourets, un cahier et un stylo.

Lorsque l'on décroche le combiné, c'est le silence. Le téléphone du vent n'a pas pour but de parler aux vivants, mais bien aux morts. Cette initiative, venue du Japon, est un moyen thérapeutique d’aider autant les enfants que les adultes à traverser un deuil en ayant l'opportunité symbolique d’appeler un défunt. Si la démarche peut surprendre, les expériences vécues par les bénéficiaires de son installation sont éloquentes.

Le Vaudois Patrick Genaine a construit lui-même cette cabine en trois mois sur son terrain à Villars-Burquin, situé au numéro 20 du chemin de Poéty. Gratuite et ouverte à tous, un simple portail vous mène à l’ombre d’un arbre majestueux, où se dresse une structure en bois dont les vitres offrent un panorama apaisant sur le lac et les Alpes au loin.

En cette période automnale de recueillement, la tradition de se rendre au cimetière se souvenir de ceux qui sont partis au pied d'une tombe se fait de moins en moins. En Suisse, plus de neuf personnes décédées sur dix sont incinérées et la dispersion des cendres dans la nature est tolérée. Dès lors, comment faire son deuil dans une culture funéraire en pleine mutation? Le Téléphone du vent est une réponse parmi d'autres, qui permet de mobiliser ses propres ressources et ses forces d’auto-guérison.

Le gardien de la cabine

Patrick Genaine est un thérapeute spécialisé dans l’accompagnement du deuil. La cabine se trouve dans le jardin attenant à la maison, qui lui sert également de cabinet, l'entrée est séparée et en accès libre. Il n’est donc pas nécessaire de s’adresser à Patrick pour utiliser le Téléphone du vent. Il en est seulement le gardien.

Il lui arrive parfois d’aller à la rencontre des usagers, lorsqu'il se sent inspiré, notamment lorsque des familles se présentent, afin de leur expliquer le cadre et le concept. Pour ces jeunes visiteurs, il est le «Monsieur de la cabine».

Sur le panneau est inscrit «Téléphone du vent» en japonais, enfin de rendre hommage à l'initiateur du concept.
Sur le panneau est inscrit «Téléphone du vent» en japonais, enfin de rendre hommage à l'initiateur du concept.Image: watson

C’est avant tout aux plus petits que Patrick a pensé lorsqu’il a construit sa cabine téléphonique, la voyant comme un outil ludique leur permettant de parler à cœur ouvert. Une démarche psychologique qui les aide à conceptualiser de manière concrète ce concept si abstrait qu’est la mort. Il est d’ailleurs surpris de constater que la plupart des personnes qui passent par le Téléphone du vent sont plutôt jeunes et ont encore des choses à dire à ceux qui sont partis.

Un Téléphone du vent pour adulte.
Image: watson
Un téléphone du vent pour les petits.
Image: watson

Parce que parfois il est plus facile d'écrire que de parler, un cahier est mis à disposition des usagers. On y trouve des messages, des poèmes, des non-dits, de la gratitude, des tranches de vies, ainsi que quelques dessins d'enfants. Ce carnet est un véritable outil social, qui connecte les personnes endeuillées entre elles et permet aussi de se souvenir, non sans avoir les yeux humides, pour quiconque parcourt ces pages. En effet, en lisant ces lignes, on y découvre des témoignages bouleversants, comme celui de cette jeune mère s’adressant à son nouveau-né disparu, mais aussi des mots d’espoir et des lettres apaisées.

«風の電話, kaze no denwa»

Lorsque Patrick Genaine a découvert le concept du Téléphone du vent, il lisait un livre sur le Japon de la sociologue Muriel Jolivet qui évoquait brièvement l’existence de cet endroit. Il a alors troqué son livre pour un marteau et s'est mis à construire sa propre cabine téléphonique tout en se renseignant sur le sujet afin de rester au plus proche du concept original, inventé en 2010 par le Japonais Utaru Sasaki.

Le Téléphone du vent de Ōtsuchi, au Japon.
Le Téléphone du vent de Ōtsuchi, au Japon.Image: Wikicommons

Cette année-là, monsieur Sasaki perd son cousin, avec qui il était très proche. Ne sachant pas comment gérer ses émotions, ce paysagiste de métier cherche un moyen de faire face à son deuil. C’est ainsi qu’il a l’idée de récupérer, dans un centre commercial en démolition, une ancienne cabine téléphonique qu’il installera dans son jardin pour lui parler.

«Le vent transporte mes paroles vers mon cousin, donc j'appelle ça le téléphone du vent»
Itaru Sasaki

Cette initiative personnelle sera marquée quelques mois plus tard par le tsunami de 2011 et la catastrophe de Fukushima. Itaru Sasaki, vivant sur les hauteurs d’une région côtière, verra sa ville, Ōtsuchi, dévastée par la catastrophe. Face à tant de morts et de disparus, il a décidé d’ouvrir son téléphone au public. Plus de 30 000 personnes endeuillées se sont rendu dans le jardin du paysagiste pour tenter d'aller de l'avant.

C'est grâce à cet engouement que le Téléphone du vent a rayonné au-delà de cette petite ville japonaise. La cabine a inspiré le roman Ce que nous confions au vent (2023) de Laura Imai Messina et le film Kaze no denwa (2020) de Nobuhiro Suwa. Aux Etats-Unis, le concept a été décliné de manière plus simpliste, sous forme de simples téléphones installés aux quatre coins du pays, sans cabine ni gardien.

Un Téléphone du vent situé au parc Olympia à Seattle, aux Etats-Unis.
Un Téléphone du vent, sans cabine, ni gardien, situé à Seattle, aux Etats-Unis. Image: https://thetelephoneofthewind.com/

Cette version ne convainc pas Patrick Genaine, pour qui cette appropriation dénature l'esprit initial. Son Téléphone du vent restera fidèle à celui de Itaru Sasaki. Au point qu’un panneau écrit en Kanji est installé dans son jardin, et que le Vaudois s'est rendu au Japon, à la rencontre de celui par qui tout a commencé. Une démarche que Patrick a entrepris dans le but de coller au plus près à l'authenticité du téléphone originel.

Le Téléphone du vent se disperse

Depuis mai 2023, ce sont plusieurs centaines de personnes qui se sont rendues dans son jardin. Au gré des rencontres et des messages laissés, l’expérience du Téléphone du vent devient un véritable objet d’étude pour son gardien, qui espère que cette initiative, fidèle au concept d'origine, puisse en inspirer d’autres et créer ainsi un vrai mouvement, aujourd'hui encore isolé.

Le concept de la cabine téléphonique en accès libre au sein d’un sanctuaire tenu par un gardien a d’ailleurs inspiré d’autres personnes. En effet, des Téléphones du vent se trouvent désormais en France, en Belgique et bientôt en Valais, tous issus d'initiatives individuelles.

De cette expérience, Patrick Genaine en a fait un livre, prévu pour sortir au printemps 2026. Dans ce manifeste, la vision d’Itaru Sasaki sera retranscrite afin de servir de mode d'emploi pour quiconque souhaiterait investir un coin de nature et y installer sa propre cabine. Le livre contiendra également certains des messages laissés par les usagers. Grâce à cette transmission, il se pourrait bien que d'autres Téléphones du vent voient le jour, toujours dans un seul but: celui d'aider ceux qui souffrent de l'absence.

La cabine est installé au numéro 20 du chemin de Poéty à Villars-Burquin (VD). Elle est ouverte au public tous les jours de l’année.

«Tompkins Square Halloween Dog Parade» à New York
1 / 19
«Tompkins Square Halloween Dog Parade» à New York
Lors de la 33e «Tompkins Square Halloween Dog Parade», les participants au concours annuel ont fait preuve de créativité pour pré-fêter Halloween, dans l'East Village de Manhattan le 21 octobre. Voici le gagnant.
source: imago/bruce cotler / imago images
partager sur Facebookpartager sur X
Spot: Catherine Pearson, l'illustratrice la plus colorée de la Romandie
Video: extern / rest
Ceci pourrait également vous intéresser:
Avez-vous quelque chose à nous dire ?
Avez-vous une remarque ou avez-vous découvert une erreur ? Vous pouvez nous transmettre votre message via le formulaire.
0 Commentaires
Votre commentaire
YouTube Link
0 / 600
Trump est fier de ses toilettes
Du marbre du sol au plafond: le président américain Donald Trump s'est félicité vendredi de la rénovation de salle de bain dite Lincoln de la Maison-Blanche. Il a diffusé une série de publications sur son réseau social Truth Social montrant les modifications.
Du marbre du sol au plafond: le président américain Donald Trump s'est félicité vendredi de la rénovation de salle de bain dite Lincoln de la Maison-Blanche. Il a diffusé une série de publications sur son réseau social Truth Social montrant les modifications.
L’article