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Pourquoi on ne peut pas juger pénalement les morts

Faut-il juger des personnes accusées d'agressions sexuelles, même si elles sont mortes?
Les défunts Mohamed Al Fayed et l'Abbé Pierre sont accusés de viol et d'agression sexuelle.Image: montage watson

Peut-on juger les accusés, s'ils sont morts?

Après les révélations fracassantes sur l'Abbé Pierre, c'est au tour de Mohamed Al-Fayed de voir des accusations de viol entacher sa réputation. Mais les deux hommes sont décédés. Comment traiter de tels cas? Un avocat répond.
29.09.2024, 15:53
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Les cas de l'Abbé Pierre et du défunt patron du magasin Harrods, Mohamed Al-Fayed, tous deux accusés de viols et agressions sexuelles, rappellent que les défunts doivent aussi rendre des comptes. La culture du silence qui régnait se retrouve mise à mal depuis les mouvements pour la libération de la parole.

Que vous soyez dans le camp de ceux qui appellent à laisser les défunts dans leur coin, ou dans l'autre prétextant que la mort n'efface pas les actes; il y a un réel un débat philosophico-juridique.

Mais peut-on juger un mort? Loïc Parein, avocat et spécialiste en droit pénal, répond à nos interrogations.

Il est impossible de faire un procès à une personne décédée. Mais à supposer qu'une vidéo ressorte et démontre des actes répréhensibles de cette personne (décédée), pourrait-on assister à un mécanisme de condamnation du défunt?
Loïc Parein: Permettez-moi d'abord de rappeler que cela n'a pas toujours été le cas. Le principe est que la poursuite pénale est empêchée par la mort du suspect, oui. Mais, depuis le Moyen Age jusqu’au XVIIIe siècle, le procès de cadavres est une pratique répandue, notamment en présence d'un suicide. Il avait pour but de souligner l’infamie de l’acte ainsi que la réprobation sociale et ou religieuse. La pratique a disparu, même si on devait retrouver une preuve incontestable de l'infraction. Une exception que j'imagine serait le cas dans lequel les autorités pénales suspecteraient que le défunt avait un complice encore vivant. Une enquête pourrait alors être ouverte au-delà du décès.

La sentence pourrait-elle tomber sur les descendants?
Un principe essentiel est que la sanction est personnelle. On n'hérite pas de la peine du défunt. Sous l'angle pénal, les descendants peuvent donc dormir tranquilles.

Ce phénomène, au vu des récents cas, tend à se multiplier. Comment la justice peut-elle réagir aujourd'hui et à l'avenir?
Je vous retourne la question: pourquoi la justice devrait-elle réagir? L'impunité après la mort est un principe solidement établi dans notre culture actuelle. On ne saurait balayer cet héritage à raison du sentiment d'injustice provoqué dans une affaire chargée émotionnellement.

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Il y a la libération de la parole, mais surtout la reconnaissance du statut de victime dans ces cas-là. Pourrait-on voir naître un procès pour réparer les torts causés, même plusieurs années après?
Un procès pénal? Non. En revanche, il ne faut pas restreindre la justice à cette forme de procès. Il existe d'autre type de résolution des conflits. La création d'une Commission de vérité et réconciliation en Afrique du Sud pour s'occuper des exactions commises durant l'apartheid en est un exemple.

Avec les accusations qui se multiplient concernant Mohamed Al-Fayed, c'est à présent une famille qui est salie par les accusations. Comment les proches peuvent-ils réagir après de telles accusations? Demander réparation à la chaîne (réd: BBC en l'occurrence)?
Sur le plan pénal, la protection de l'honneur prend également fin avec la mort de la personne salie. On peut cependant imaginer des cas dans lesquels la presse laisserait entendre une forme de participation des proches aux actes imputés au défunt. Ceux-ci pourraient alors déposer plainte pénale en leur propre nom, notamment à l'encontre des journalistes.

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Video: watson
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