21h15. Chaque année, même rengaine. On sort la bouteille de rouge, le plateau-repas, le pyjama informe, la mauvaise foi, les vannes pas drôles et la malhonnêteté la plus crade pour assister à l'élection de la plus belle (mouais, enfin, «belle»...ça va quoi) femme de France. Sans oublier Jean-Pierre. Et même Sylvie. L'autre. Faute de Tellier, qui s'est retirée du comité il y a deux ans (probablement pour entamer une grève de la faim), ils ont sorti Vartan des archives.
Et comme chaque année, Jean-Pierre semble un peu plus rigide. Il faudrait songer à le sortir du frigo quinze minutes avant le lancement, histoire qu'il ait le temps de se décongeler. Le présentateur qui orchestre son 30e concours (!) n’a toutefois rien pas de sa pétulance, dans une veste à sequins potentiellement mortelle pour les spectateurs épileptiques.
Et comme chaque année, du moins depuis que le concours Miss France n'est plus vraiment en adéquation avec les valeurs de notre époque, l'émancipation des femmes, tout ça, on tente une petite innovation. Juste pour se faire peur. Transpirer un peu. Après la traditionnelle robe à sequins en guise d'apéritif, les trente miss régionales font une entrée en... pantalon. So 2024!
Après la première choré, premiers portraits. L'occasion déjà de réaliser que certaines Miss sont nées en 2006. Aïe. Heureusement qu'ils ont ouvert le concours aux vieilles peaux depuis l'an dernier, ça a suscité des vocations. On aurait pu tenter le coup si on mesurait plus d'1m40.
Le moment aussi pour les candidates de nous bassiner avec leur master en management ou de marketing international, leur fantasme de stopper la faim dans le monde, de sauver les océans et les tortues, leur passion pour la justice, le chant, la danse, le running, le crossfit, le piano, l'équitation, sans oublier de brandir l'indispensable diplôme en éducation spécialisée et le business de maillots de bain éco-responsables.
On commencerait presque à trouver ça chiant, mais une première salve de costumes moches vient titiller notre vilenie naturelle. Nous découvrons aussi que cette élection se fera sous le signe des écharpes retournées. Preuve sans doute que ce concours ne cesse de casser les codes.
Après un hommage douteux aux années 60, la deuxième fournée de costumes n'est pas plus heureuse. Face à ces cow-girls sous acide, Cristina Cordula, qui fait partie du jury, a manifestement autant envie de mourir que nous.
22h15. Jean-Pierre nous apprend que la costumière est une femme, ce qui interroge sur le concept de «solidarité féminine». Faire défiler ses consoeurs habillées en quiche ou en château à paillettes... C'est pas possible d'haïr autant les gens, franchement.
Assommé après un énième spot publicitaire pour une comédie de Noël, une serviette hygiénique ou un sèche-cheveux, on comptait sur le défilé en maillot de bain pour nous filer un coup de pep et traquer un potentiel grain de cellulite sur les cure-dents jambes des concurrentes. Oubliez. Les body ont remplacé les bikinis. Heureusement que Miss France est là pour nous inculquer une bonne leçon de féminisme.
22h44. Toujours pas de chute, à l'exception de celle de nos paupières. Miss France, ça a changé. Contrairement au visage de Sylvie Tellier, cachée dans le public, qui, sans entamer de grève de la faim, n'a manifestement toujours rien avalé depuis la dernière édition du concours.
La pré-sélection des quinze premières miss ne s'avère pas plus excitante, entre promotion de la «beauté intérieure», des «valeurs humaines», de la «lumière», de l’«espoir» et de la «préservation des écosystèmes marins».
23h25. Alors qu'il reste plus d'une heure à tirer avant de savoir si le jury et le public vont enfin se résoudre à élire une blonde, les organisateurs continuent de nous surprendre. Pour continuer sur le trend de l'innovation, les quinze finalistes sont obligées de beugler leur département en défilant dans leur (second) maillot de bain (à plumes). A ce stade, ça relève de la maltraitance.
Après un dernier tableau «tout en grâce, finesse et légèreté» (contrairement aux tartines de confiture qu'on s'enfile avec hargne pour passer le temps), les cinq dernières finalistes passent à la moulinette pour l’épreuve ô combien délicate des questions. Réchauffement climatique, inspiration et mission de Miss France... L'ultime occasion de faire étalage de leur intelligence, joie de vivre et spiritualité en une minute. Le tout ponctué de quelques fautes de français.
Preuve que le QI compte, ni l'une ni l'autre ne remportera la couronne cette année. C'est Miss Martinique, 34 ans, la candidate la plus âgée de l’histoire du concours, qui devient Miss France 2025, clôturant une élection somme toute assez morne et sans gamelle majeure.
Allez, à l'année prochaine. Jean-Pierre, accroche-toi, on compte sur toi.