Faut-il mentir aux enfants concernant le père Noël? Un expert répond
Notre culture attend des parents, et des adultes en général, qu'ils mentent aux enfants en disant que les cadeaux de Noël ont été déposés par un joyeux bonhomme qui vole dans un traîneau tiré par des rennes. Mais ce mensonge est-il moralement acceptable?
Je me souviens très bien du moment où j'ai réalisé que le père Noël n'existait pas. J'avais environ six ans, c'était en plein été, et j'étais assis sur les marches devant notre porte arrière, en train de penser à Dieu. A l'époque, l'existence de Dieu m'agaçait: cela signifiait que chaque dimanche, nous devions aller à l'église.
Puis j'ai réalisé qu'il n'y avait en fait aucune preuve de l'existence de Dieu. Je pense seulement que Dieu existe parce que c'est ce que les gens m'ont dit.
Je me souviens m'être levé d'un bond, tout excité, prêt à partager cette merveilleuse nouvelle avec ma famille. Nous n'aurions plus à endurer la corvée hebdomadaire de l'école du dimanche et des sermons. Mais je me souviens m'être ravisé et m'être dit:
C'est peut-être à ce moment-là que je suis devenu philosophe, même si je dois dire qu'à l'âge adulte, je ne pense plus que l'analogie entre Dieu et le père Noël soit vraiment valable). Cela m'a certainement donné un sentiment légèrement ridicule de supériorité intellectuelle par rapport à ceux qui m'entouraient, notamment les autres enfants de ma classe qui n'avaient pas compris cette supercherie.
Perpétuer le mythe
Mais aujourd'hui, les rôles sont inversés. Je suis désormais parent de jeunes enfants, et c'est moi qui perpétue les mythes hégémoniques autour du père Noël.
Nous le faisons tous, bien sûr. Notre culture attend des parents qu'ils mentent à leurs enfants en leur disant que leurs cadeaux ont été déposés par un joyeux bonhomme corpulent qui vole dans un traîneau tiré par des rennes à travers le ciel. Et bien sûr, on peut se demander si c'est acceptable. Nous voulons tous que nos enfants grandissent en devenant des personnes honnêtes.
A quoi je répondrais: non, nous ne devrions pas être honnêtes au sujet du père Noël, du moins pas au début. Il est moralement acceptable, voire moralement bon, que les parents participent au grand mensonge du père Noël.
Pourquoi les enfants ont besoin du père Noël
Quand vous repensez à vos premières expériences de Noël, pensez-vous vraiment qu'elles auraient été meilleures si vos parents avaient été honnêtes au sujet du père Noël? Sans cette douce fiction, il n'y aurait pas eu le rituel consistant à lui écrire une lettre, à déposer ses petits souliers au pied de la cheminée ou du sapin, et à attendre désespérément de voir s'il était passé le matin de Noël.
Sans le mythe du père Noël, que serait Noël pour un enfant? Une date arbitraire où ils sont enfin autorisés à jouer avec les cadeaux que leurs parents ont peut-être achetés des mois à l'avance. Quel serait l'intérêt?
Cela soulève également la question de savoir dans quelle mesure il faut être honnête avec ses enfants en général. Après tout, que signifie vraiment «être totalement honnête»?
Si je me sentais obligé de tout dire à mes enfants, je ne mâcherais pas mes mots pour leur décrire l'état déplorable du monde, de l'existence, et ma résignation toujours plus profonde face à l'impossibilité d'y changer quoi que ce soit. Je leur infligerais tout le poids de mes soucis financiers, de mes problèmes de santé, de mes inquiétudes (pour la plupart irrationnelles) à leur sujet.
Et dans quel but? Seraient-ils plus équilibrés émotionnellement que les enfants dont les parents leur ont donné une vision plus édulcorée du monde? Pensez à l'argument avancé par Nietzsche dans son premier essai De la vérité et du mensonge au sens extra-moral, selon lequel nous devons être au moins quelque peu aveuglés par la réalité pour pouvoir la supporter.
En grandissant, nous avons probablement besoin, jusqu'à un certain point, de croire que le monde est bon et juste; de croire qu'il existe un atelier dans lequel un homme joyeux travaille avec des elfes, dans le but de récompenser les enfants sages et de punir (gentiment) les méchants.
Sans ce genre de mythe, les plus jeunes trouveraient-ils vraiment la force de se battre pour un monde meilleur?
Quand le mensonge doit cesser
Et quand les enfants finissent par découvrir la vérité ? C'est certainement bénéfique pour leur développement moral. Pour moi, ça a été très gratifiant de réaliser que j'avais percé à jour les mensonges de mes parents. Je ne leur en ai pas voulu – et des recherches suggèrent que seule une minorité d'enfants en veulent à leurs parents, après avoir découvert la supercherie.
Au contraire, j'ai gardé une saine méfiance envers les idées reçues que mes parents avaient tendance à m'inculquer.
C'est, je pense, pour ces raisons qu'il est justifié de mentir au sujet du Père à ses enfants. Les parents devraient certainement entretenir le mythe tant que leurs enfants sont petits, mais répondre honnêtement lorsque les enfants les confrontent. Quand un enfant demande enfin, à l'âge de six ou sept ans, «le père Noël existe-t-il vraiment?», cela signifie simplement qu'il n'a plus besoin de ce noble mensonge.
En fin de compte, dans l'éducation des enfants, notre préoccupation devrait toujours être la manière dont nous les formons. Si nous voulons élever des citoyens critiques, avec un sens aigu de la possibilité d'améliorer le monde et une saine méfiance envers ceux qui sont au pouvoir, le mythe du père Noël est certainement un mécanisme qui peut aider à aller dans cette direction.
Cet article a été publié initialement sur The Conversation. watson a changé le titre et les sous-titres. Cliquez ici pour lire l'article original

