Ce 6 décembre 2017, il est 2h34 du matin lorsqu'un communiqué de presse signé est transmis à l'Agence France Presse. Une annonce au ton triste, simple, solennel. L'onde de choc est mondiale. Johnny Hallyday, de son vrai nom Jean-Philippe Smet, le «Taulier», celui que CNN ou le New York Times qualifiaient d'«Elvis Presley de la France», est mort.
Quatre jours plus tard, sur le parvis de l'église de la Madeleine, Paris. Lunettes de soleil, manteaux noirs, mines blanches, airs graves, le clan de Johnny fait front uni lors des obsèques nationales. Un tableau apparemment uniforme. En coulisses, pourtant, le mur s'effrite déjà, les derniers liens s'étiolent. Entre les deux camps, les accolades et les embrassades sont aussi glaciales que la bise sèche de ce mois de décembre.
Une séparation entre l'influente belle-mère, Laeticia, et les deux enfants aînés du chanteur, Laura et David, qui se creuse depuis des années déjà. Lascivement.
L'hospitalisation de Johnny, en 2009, suivie d'une plongée en coma artificiel et d'une longue convalescence, ont marqué un tournant dans le couple. L'épouse jusqu'alors effacée de la superstar a troqué son rôle de gamine «incolore, inodore et futile» pour celui de manager et de femme d'influence.
Styliste, directrice artistique, productrice, négociatrice, responsable d'image, protectrice, infirmière, Laeticia a l'œil, un avis, une idée, un pouvoir sur tout. Elle en profite pour procéder à un balayage dans l'entourage et à un relooking complet. Pour Johnny, la décennie 2010 sera celle du renouveau. Une nouvelle ère dans laquelle David et Laura, déjà adultes, trop «indomptables», peinent à trouver leur place.
«Parfaitement armée», il le faudra pour Laeticia. Car la divulgation des dernières volontés de son mari, début 2018, s'apprête à provoquer la déflagration finale dans la famille du rockeur.
Cela faisait longtemps que Johnny envisageait sa propre mort. Un sujet tabou, mais une préoccupation «quasi quotidienne», se souvient son ancien avocat et conseiller dans Paris Match. Son dernier testament est au moins le sixième d’une série entamée en 1997. L'ultime version stipule que l'ensemble de son patrimoine et de ses droits d'artiste sera légué à trois bénéficiaires seulement: Laeticia et leurs filles adoptives, Jade et Joy. Sans une ligne pour David Hallyday et Laura Smet, nés de deux mariages précédents.
A la «stupéfaction» et la «douleur» succède la riposte. Le 12 février 2018, Laura Smet entame les hostilités, avec le soutien de son demi-frère. La guerre judiciaire est déclarée. Ses avocats dénoncent la multiplicité des testaments consécutifs du rockeur et notent «une réduction, testament après testament», de l'héritage des aînés de Johnny.
Laeticia Hallyday, de son côté, réagit aussi sec, via un communiqué clamant «son écoeurement de l'irruption médiatique autour de la succession de son époux». «Ecoeurement est un terme assez violent, qui augure des batailles à venir», estime Séverine Servat, cheffe des actualités chez Gala, sur le plateau de BFMTV. Elle ne croyait pas si bien dire.
La question centrale, désormais, est de déterminer si les dernières volontés de Johnny, écrites en 2014, sont régies par le droit californien ou français. Laura Smet et David Hallyday remportent une première victoire en mai 2019, lorsque le testament tombe sur le droit français – qui interdit de déshériter ses enfants. Le «bouclier» américain s’effrite. Le procès se rapproche. Laeticia change de ton et d’avocats.
Sur fond de ces tergiversations légales, les médias se régalent et étalent une décennie de relations fluctuantes entre Laura Smet et Laeticia Hallyday. Une inimitié telle que les deux aînés n'auraient même pas été prévenus du décès de leur père, ou qu'ils devaient voir leur père en cachette.
Deux ans et demi seront nécessaires pour que les deux parties parviennent, enfin, à un accord. Des années rythmées par les audiences au tribunal, les règlements de comptes par médias interposés, les proches divisés, un déballage permanent sur la place publique. Avec l'approbation de David, resté à l'écart, Laura Smet accepte enfin les conditions proposées par sa belle-mère. Un arrangement qui mêle argent, royalties, patrimoine immobilier et contrôle de l'oeuvre et de l’image de Johnny.
Pendant ce temps, sa veuve a refait lentement sa vie. A une première histoire d'amour avec un restaurateur parisien en 2020, a succédé une seconde relation avec l'acteur et réalisateur Jalil Lespert. Le couple s'est séparé cet été. Ce sont surtout ses filles, 19 et 15 ans, qui accaparent l'attention et le temps de Laeticia. Désormais adolescentes, Jade et Joy sont scolarisées à Los Angeles. Le plus loin possible du feu des projecteurs.
Loin des projecteurs, certes, ce qui ne les empêche pas d'être des jeunes femmes de leur temps. Très active sur TikTok et Instagram, Jade, 19 ans, est d'ailleurs régulièrement la cible d’insultes sur les réseaux sociaux. Sa toute première interview télévisée, prévue dans quelques semaines aux côtés de sa petite soeur sur le plateau de l'émission Sept à huit, sera l'occasion d'en savoir plus.
Laura Smet, quant à elle, s'est mariée en juin 2019 avec un entrepreneur français, Raphaël Lancrey-Javal, avec lequel elle a eu son premier enfant. Selon la presse, les liens entre l'actrice et son ancienne belle-mère sont totalement rompus. «Il n’y aura jamais de paix possible», lâche-t-elle encore cet été, d'un ton lapidaire et irrévocable, sur RTL.
Quant à David Hallyday, le chanteur a sorti coup sur coup un nouvel album et son autobiographie le mois dernier. Pas une ligne de ses mémoires n'est consacrée à cette succession âprement débattue. L'héritage de son père est ailleurs, affirme David au Parisien, interrogé sur la question.
S'il se refuse toujours à prononcer le prénom de Laeticia, David ne cache pas son affection pour ses deux jeunes sœurs, Jade et Joy. «Ma porte leur est ouverte; si un jour elles le veulent, je serai là pour elles. Les enfants ne sont pas responsables des agissements de leurs parents. Jade et Joy sont mes sœurs à part entière, sans la moindre nuance», promet-il.
5 décembre, un anniversaire que le clan n'oubliera jamais. Aussi désuni, séparé, déchiré soit-il. «6 ans déjà... et tu nous manques plus que les mots parce qu’ils ne seront jamais assez forts pour exprimer cette douleur encore forte de ton absence», a écrit Laeticia, qui, comme chaque année, s'est rendue sur la tombe de son défunt mari. Ses filles, ainsi que David Hallyday et Laura Smet lui ont emboîté le pas. Chacun avec une tendre pensée pour leur père. Chaque 5 décembre, depuis six ans, la douleur est la même pour tout le monde.