«Les concentrations seront fortes à très fortes pendant toute la période avec la hausse importante des températures dès mardi.» Ce genre de phrase alarmiste est larguée à tout va sur le site (aha.ch) du Centre d’Allergie Suisse, à chaque montée de température, à chaque fois que le soleil brille.
Mais force est de constater, allergique depuis toujours et molesté par les graminées, je peux le dire avec soulagement: j'ai traversé comme une fleur cette période de turbulence saisonnière.
Pour moi, l'année 2024 est un bon cru en matière d'allergies au pollen. Pour planter le décor, je n'ai jamais vécu de temps mort dans mon bras de fer entre la Nature et mon nez, mes yeux, mes poumons. Jamais.
Les jours défilent et mes interrogations grandissent. Par simple précaution, je prends mes antihistaminiques pour éviter toutes mauvaises surprises. J'ai dû me frotter les yeux lorsque le 10 juin s'affichait sur mon calendrier; l'incompréhension me chatouillait les trois neurones qui fonctionnaient un matin ensoleillé – et propice à éternuer. Pourquoi n'ai-je toujours pas les yeux collés au réveil? Comment ai-je pu aller me coucher sans me doucher pour me laver des graminées qui collaient à mes muqueuses nasales?
J'étais scotché, mais heureux.
Je tentais le diable: terrasse en période critique; traversée risquée des parcs (en fleurs) où les années précédentes mes yeux doublaient de volume et le torrent de moque en prime; sortie inconsciente juste avant un orage, les lentilles oculaires pour corser l'addition.
Mais rien. Cette fois-ci, je vivais enfin une période normale entre mai et juin. Je faisais enfin partie du 80% de la population helvétique insensible à ces infâmes graminées.
J'en parle avec des amis, des connaissances qui ont les mêmes soucis que moi. «Ouais, c'est compliqué cette année», m'avertit un ami, le paquet de mouchoirs bien empoigné. Au bureau, j'entends des collègues renifler, éternuer, pester contre l'envahisseur. Mais l'un d'entre eux me confie que cette année, il est débarrassé de ces allergies. Bingo!
On se regarde dans le blanc des yeux, on se questionne. Mais pourquoi ne sommes-nous pas touchés? Silence, haussement d'épaules.
Marie-Hélène Corajod, experte chez aha!, apporte une explication:
D'accord. Mais ça ne répond pas pleinement à ma question.
La spécialiste continue son explication et compare avec l'année 2023: «L'année dernière, ce sont surtout les pollens de noisetier très précoces en janvier et les pollens de graminées en mai/juin qui ont provoqué une année pollinique intense».
Or, selon Marie-Hélène Corajod, cette année 2024 n'est pas épargnée et les wagons de pollen sont bel et bien dans les airs. «Actuellement, les graminées sont en fleurs dans toute la Suisse. Cette haute saison pollinique va durer au moins jusqu'à la fin juin.»
«Ce printemps, on a certes enregistré moins d'heures d'ensoleillement que d'habitude, ce qui a freiné la dispersion du pollen des graminées», renseigne-t-elle pour l'année en cours.
Mais toujours aucune réponse concrète.
«Il est difficile de faire des généralités et de vous répondre avec certitude», estime Sophie Vandenberghe-Dürr, cheffe de clinique à l’Unité d’allergologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
La spécialiste ajoute qu'«il y a d’autres allergènes qui peuvent apparaître en même temps que certains pollens. Des moisissures saisonnières par exemple, pour lesquelles nous n’avons actuellement pas de mesures en temps réel.»
Sophie Vandenberghe-Dürr rappelle que les co-facteurs personnels peuvent participer à l’intensité des réactions allergiques comme le stress, les infections, la pollution, d’autres allergies concomitantes comme par exemple les acariens
A contrario, d'autres détails peuvent faire baisser les crises allergiques, comme un déménagement dans un immeuble doté d'un type de ventilation (réd: Minergie), rappelle la spécialiste des HUG:
Mais il reste difficile à comprendre pourquoi une personne est débarrassée d'un nez qui coule et d'éternuements incessants. Sophie Vandenberghe-Dürr nous éclaire sur les divers facteurs qui entrent en jeu:
Mesurer ce ballet aérien et virevoltant de pollens précisément reste un casse-tête pour les experts.
Il est donc difficile de comprendre pourquoi une personne allergique ne souffre pas en cette année 2024. Parfois il y a de bonnes surprises, parfois non.