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«En 40 ans, le téléphone portable ne m'a manqué que deux fois»

Une vie sans smartphone est-elle possible en 2024?
Une vie sans smartphone est-elle possible en 2024?

«En 40 ans sans téléphone portable, ça ne m'a manqué que deux fois»

Le Parti pirate zurichois revendique le droit de vivre sans téléphone portable. Est-ce possible? «Oui», clame haut et fort Jürg Stüssi-Lauterburg, qui n'en a jamais eu. Il raconte sa vie 100% déconnectée.
14.09.2024, 18:5514.09.2024, 19:17
Seline Meier
Seline Meier
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Monsieur Stüssi-Lauterburg, vous avez 70 ans. Depuis quand vivez-vous sans téléphone portable?
Jürg Stüssi-Lauterburg: Je n'en ai jamais eu.

Vraiment jamais?
Non.

Comment est-ce possible?
C'est une question étrange. Comme s'il fallait se justifier de ne pas acheter ou de ne pas avoir quelque chose. Ce que 90% de la population possède, je ne suis pas obligé de le posséder aussi, juste parce que c'est dans l'air du temps. Sauf si j'en ressens vraiment le besoin, mais jusqu'à présent, il n'a jamais été vital pour moi d'avoir un téléphone portable.

N'avez-vous jamais songé à vous en procurer un?
J'y ai sérieusement réfléchi une fois, quand Adolf Ogi était président de la Confédération. J'étais en effet l'un de ses collaborateurs et je n'étais pas sûr de pouvoir m'en passer pendant cette année importante. Mais finalement, si. Adolf Ogi savait quelle était ma position à ce sujet, et il l'a respectée.

Au quotidien, vous devez certainement rencontrer des difficultés.
Non, c'est une faux. En plus de 40 ans, j'ai utilisé un téléphone portable deux fois. J'étais vraiment content de pouvoir emprunter le téléphone de mon épouse dans ces deux situations.

Jürg Stüssi-Lauterburg vit sans téléphone portable.
Jürg Stüssi-Lauterburg vit sans téléphone portable.Image: Hans-Peter Widmer

Quelles étaient-elles?
Dans la première, il s'agissait d'un accident grave et dans la seconde, c'était lorsque la révolution égyptienne a éclaté.

«Je suis tout à fait reconnaissant face à ces possibilités qui n'existaient pas avant et qui peuvent sauver des vies aujourd'hui. Je ne suis pas non plus technophobe»
Jürg Stüssi-Lauterburg

Je l'ai utilisé en Egypte, lorsque je devais joindre un ami sur place, au Caire. Il s'agit simplement des manières de vivre différentes - avec et sans téléphone portable.

Mais, dans la vie de tous les jours, n'avez-vous pas besoin d'un smartphone? Par exemple pour des services bancaires en ligne?
Non. Je n'ai pas d'e-banking.

Et vous n'utilisez pas non plus le GPS?
J'ai des cartes et un ordinateur. Hier, par exemple, j'ai fait une reconnaissance d'une randonnée que j'effectuerai bientôt avec un groupe. Je suis bien préparé. Je consulte l'itinéraire sur internet et je l'imprime. J'emmène ensuite la carte papier.

Portrait
Jürg Stüssi-Lauterburg a 70 ans. Il a dirigé la Bibliothèque militaire fédérale pendant 32 ans et a été collaborateur d'état-major du chef du Département de la défense. Il a travaillé avec les anciens conseillers fédéraux Adolf Ogi, Samuel Schmid et Ueli Maurer. Il a également été actif en politique, siégeant durant dix ans au Grand Conseil argovien sous les couleurs de l'UDC. L'historien est aujourd'hui à la retraite, mais il continue ses recherches et publie des textes et des livres. Il est marié, père de deux garçons.

Et comment achetez-vous un billet de train ou de bus?
J'ai un AG, mais j'ai conscience que certaines personnes qui n'ont pas de téléphone portable ont des problèmes pour se procurer des billets individuels.

Est-ce que tout ne prend pas plus de temps sans téléphone?
Non, je ne pense pas. Tout est une question d'organisation.

Zürcher Piratenpartei reicht in Zürich Unterschriften ein für ihre Initiative auf ein Grundrecht für digitale Unversehrtheit.
Le Parti pirate zurichois a déposé des signatures pour son initiative en faveur d'un droit fondamental à l'intégrité numérique.
Initiative populaire cantonale pour «l'intégrité numérique»
La numérisation progresse et il devient de plus en plus difficile de se passer de smartphone. A Zurich, une initiative cantonale du Parti pirate demande désormais un droit à la vie sans téléphone portable. Les échanges avec les autorités, la Poste ou la banque doivent rester possibles sans les nouvelles technologies. Le canton de Genève a accepté la même initiative par 94% des voix.

Vous avez mentionné le téléphone portable de votre femme. Lui demandez-vous de vérifier numériquement certaines informations?
Il interroge son épouse: «Barbara, est-ce que je te demande souvent de googler ou des trucs de ce genre?» Elle répond par la négative. Je me déplace souvent - sans ma femme - ce ne serait donc pas toujours faisable.

Avez-vous déjà dû utiliser le téléphone portable de quelqu'un d'autre pour une urgence?
Oui, une fois, je me suis endormi dans le train.

Quels sont les avantages d'une vie déconnectée?
Elle m'oblige à tenir parole. Quand je fixe un rendez-vous, je le respecte.

«Si je dis que je serai à telle heure à tel endroit, je déploie l'énergie nécessaire pour y parvenir. Cela fait de moi quelqu'un de fiable»

Je ne peux pas simplement passer un coup de fil si j'ai raté le train. Je dois être là. Cela m'aide et aide aussi les autres.

Comment faites-vous pour fixer un rendez-vous?
Je peux être très méticuleux. Je donne des points de rendez-vous très précis, avec une heure et un lieu exacts. Les gens me connaissent et sont ponctuels. On ne me pose jamais de lapin.

Voyez-vous d'autres points positifs de vivre sans smartphone?
Si je travaille un jour aux archives, je travaille un jour aux archives et c'est tout. On a toujours l'impression de manquer quelque chose. Mais en fait, on ne rate rien du tout.

Qu'est-ce qui vous dérange dans le téléphone portable?
Je n'ai pas grand-chose à cacher, mais je n'attache pas non plus d'importance au fait que les autres sachent à tout moment où je suis et ce que je fais.

«Il ne faut pas se leurrer, une personne avec un portable est localisable à tout moment»

Selon vous, le téléphone portable influence-t-il négativement la société?
Non, je ne le pense pas. Mais si cela devient une addiction, il faut faire attention. Les dépendances, ça déséquilibre. Lorsqu'une jeune femme ne peut pas lever les yeux de son smartphone, qu'elle ne voit pas le bord du trottoir et qu'elle se retrouve - comme je l'ai déjà vu moi-même - à plat ventre sur la route, ce n'est évidemment pas optimal, et même dangereux. Mais il ne faut pas non plus surestimer les risques.

La plupart des gens s'organisent désormais grâce aux groupes WhatsApp. On y reçoit des invitations, on y partage des photos. Ne vous sentez-vous pas parfois exclu?
Non, pas du tout. Il est arrivé que l'on m'oublie lors d'invitations, mais ce n'est pas si tragique.

«Si quelqu'un veut me joindre, il se débrouille pour me trouver. Et il me trouvera.»
Jürg Stüssi-Lauterburg

Comme vous m'avez trouvé. Et si ma femme me montre une photo de l'amie de notre fils dans une chaise longue avec un chat sur les genoux, je trouve cela beau et amusant. Mais cela s'arrête là.

N'avez-vous jamais été confronté à des désavantages sociaux?
Jusqu'à présent, jamais. Les gens trouvent parfois cela un peu bizarre, mais c'est le prix de l'originalité.

Dans quels autres domaines vous considérez-vous comme en marge?
Je n'ai, par exemple, pas de carte de crédit et je paie tout en espèces. Cela ne me pose aucun problème. Quand il s'agit d'acheter, il y a toujours des solutions.

(Traduit et adapté par Valentine Zenker)

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