Une heure et huit minutes. C'est le temps qu'il a fallu à Iga Swiatek pour venir à bout de Jasmine Paolini en finale de Roland-Garros.
Ce match est en fait à l'image de son tournoi. La numéro 1 mondiale se voulait pressée. C'est ainsi qu'en quart de finale, elle n'a fait qu'une bouchée de Marketa Vondrousova. Au tour précédent, elle avait déjà infligé un double-bagel en 40 minutes à la pauvre Anastasia Potapova.
Corneille consignait dans Le Cid, «A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire». Il est tentant de résumer le parcours de la Polonaise à cette citation, quand bien même Swiatek n'a pas à s'excuser d'être la plus forte.
Nous préfererions néanmoins nous abstenir, d'autant qu'en ce Roland-Garros 2024, Iga Swiatek a souffert. Une seule et unique fois, lors du deuxième tour le plus complexe de sa jeune carrière. Elle a alors trouvé en Naomi Osaka une joueuse capable de frapper la balle plus fort. Menée 5-2 dans la troisième manche, Swiatek n'était pas loin de sortir par la petite porte.
C'est là qu'elle a puisé dans ses ressources et affirmé son caractère. La numéro 1 mondiale est ressortie grandie de ce match. Elle a triomphé avec les honneurs, du moins jusqu'à cette interview d'après-match, déplacée.
On ne peut pourtant pas demander aux spectateurs de garder le silence lorsqu'un point de l'ordre de l'irréel est disputé. Nous placerons donc ce discours sur le compte de l'émotion. Après tout, Iga Swiatek n'est pas habituée à disputer des parties aussi relevées. Nous excuserons la joueuse, plus à même de conclure en deux coups plutôt que de soulever les foules par de longs rallys. Nous tairons enfin ses arguments, ceux de l'argent et des gains en tournoi, inappropriés, quand Naomi Osaka, plus expérimentée, n'a pas été dérangée par l'euphorie.
Les propos de la Polonaise sont d'autant plus regrettables qu'ils sont survenus en pleine polémique. La veille, David Goffin avait été insulté par le public du court n°14, alors qu'il jouait contre le Français Giovanni Mpetshi Perricard. Un chewing-gum lui avait même été jeté au visage - une situation intolérable. Des parallèles ont très vite été faits entre les deux matchs alors que le duel Swiatek-Osaka n'avait rien de malsain.
Il aurait été préférable de voir la numéro 1 mondiale reprocher la très faible affluence de son match plutôt que des clameurs indomptables. Cette partie, disputée en fin d'après-midi sur le Chatrier, et littéralement boudée par le public, était pourtant la plus exquise de la saison. Une petite pique en ce sens n'aurait pas été de refus.
Swiatek a choisi un autre combat et elle s'est trompée. Dans ce contexte, il aurait également été plus judicieux de déplorer la programmation de la rencontre. Un tel match - impliquant des joueuses cumulant huit titres en Grand Chelem - méritait certainement une place en night session. Mais à la première occasion, la Polonaise a préféré balayer d'un revers de main.
Les femmes n'ont pas été conviées en soirée cette année à Roland-Garros. Pas une seule fois en onze opportunités, une décision déplorable pour le tennis féminin. La numéro 1 mondiale, en tant que digne représentante des joueuses, aurait dû s'en offusquer autant qu'Ons Jabeur. Il n'en a rien été.
Iga Swiatek, formidable terrienne, a vaincu sur les courts sans péril - impossible de lui en tenir rigueur. Elle avait malgré tout l'opportunité de triompher avec gloire. Elle s'est trahie par ses déclarations et ses positions.