Sans ce Covid qui ne cesse de ralentir nos vies, et repousser nos projets, cela ferait longtemps qu'on aurait pris la voiture et rejoint Lyon pour aller faire un câlin à Xherdan Shaqiri. Car à force de parler de ses statistiques, de sa vraie position sur le terrain ou des rumeurs de transferts qui l'escortent à chaque mercato, on a un peu oublié que l'international suisse était juste un mec qui avait envie d'être heureux sur un terrain de football, et que ça fait quand même un paquet de temps qu'il n'a pas eu cette chance.
Il y est sans doute pour quelque chose, forcément, et ceux qui fustigent son hygiène de vie ou ses mauvais choix de carrière ont peut-être un peu raison. «XS» a souvent été blessé et il a évolué dans des équipes qui ne l'ont pas toujours mis en valeur. Mais son aventure sa mésaventure à Lyon témoigne d'autre chose: de la malchance, un contexte pesant, des promesses faites et non tenues et, au final, des décisions qui ne sont pas les siennes et dont il subit les conséquences.
Xherdan Shaqiri est arrivé tard en France (fin août), ce n'est pas de sa faute, mais il n'a pas pu suivre la préparation avec ses coéquipiers et c'est comme s'il n'avait jamais pu rattraper son retard. Au départ pourtant, il bénéficiait de la confiance de son employeur, qui lui a offert un contrat de trois ans assorti d'un généreux salaire (près de 350’000 euros par mois). Il avait aussi celle de son entraîneur, qui envisageait de le faire jouer dans l'axe, là où les qualités de sa nouvelle recrue s'expriment le mieux. Il avait enfin la perspective d'évoluer dans une équipe compétitive et d'enrichir son formidable palmarès, le plus glorieux pour un footballeur suisse.
Le résultat quatre mois plus tard est désastreux:
N'importe quel salarié de n'importe quel secteur d'activité aurait le droit d'être dégoûté d'avoir été engagé pour un poste qui n'est pas le sien, donc de ne jamais avoir pu prouver sa valeur, de surcroît dans un contexte perturbé par les mauvais résultats sur le terrain et les incidents en tribune.
Ce qui est plus pénible encore pour Xherdan Shaqiri, c'est que le temps joue contre lui. Il aura 31 ans cette année et l'idée qu'il se faisait d'une carrière au plus haut niveau, et que les autres se faisaient pour lui, ne ressemble pas vraiment à celle qu'il a vécue jusqu'ici. Depuis son départ du FC Bâle en 2012, le prodige aux cuisses d'airain n'a vécu qu'une seule belle et grande saison; c'était en 2017-2018 avec Stoke (8 buts et 7 assists).
Avant cela, et encore après, il a souvent regardé les autres exercer son beau métier depuis le banc, voire en tribune.
On ne sait pas très bien s'il quittera Lyon cet hiver ou plus tard, après avoir été écarté du onze ou s'y être imposé. Ce qu'on sait en revanche, c'est que ce garçon qui a besoin d'être aimé pour être bon, on veut le voir sur le terrain, un ballon collé au pied, heureux et épanoui. Parce qu'on adore ce Shaqiri capable d'inventer quelque chose à tout moment, et parce qu'on aura bien besoin de lui dans 12 mois, en quart de finale du Mondial au Qatar.