Après une démonstration sur la course en ligne, Remco Evenepoel a pris le temps de poser devant la Tour Eiffel, une fois la ligne d'arrivée franchie.
Les bras en l'air, le regard rivé vers le ciel, le Belge expliquait que sa célébration était réfléchie et il voulait en tirer «une belle photo pour son compte Instagram», comme il le confiait à la chaîne belge RTBF.
Dans un monde de partenariats et de marques qui vous agresse la rétine, il faut user de malice pour se démarquer et, surtout, profiter de la moindre occasion pour faire chauffer l'objectif au moment idoine.
Si les athlètes peuvent garder un joli souvenir et en profiter pour remercier leur communauté de fans pour le soutien, les comptes Instagram ou Facebook des marques ne peuvent rien diffuser.
Pourquoi les réseaux sociaux de la marque de cycles du Belge - Specialized en l'occurence - n'ont pas une simple image accompagnée d'un mot pour montrer la fierté d'épauler le «Petit Cannibale» dans la quête dorée? La réponse se niche dans une règle bien spécifique.
Dans une ère où la moindre photo est bonne à prendre pour sa galerie (digitale) personnelle, les Jeux olympiques sont intransigeants à ce propos, spécialement à notre époque.
Les JO ont leurs sponsors principaux et rien ne peut se glisser dans la vitrine (monstrueuse) marketing des annonceurs qui ont un contrat avec le CIO (Comité international olympique). Les autres marques qui ne sont pas des partenaires olympiques ne sont pas invitées à faire de la pub. Mais elles tentent par tous les moyens de s'offrir une jolie visibilité sur la plus grande scène sportive du monde.
Par conséquent, comme l'a édicté le CIO, il est impossible à une entreprise d'utiliser, pour féliciter son athlète, une image du sportif en action dans une enceinte olympique. Specialized ne peut donc pas utiliser une image de Remco Evenepoel avec son vélo devant le monument parisien.
C'est le même constat pour la marque italienne Pinarello, forte de son carton plein dans les deux courses de cross country homme et femme. La Française Pauline Ferrand Prevot s'est elle aussi arrêtée une fois son sacre validé pour soulever sa machine, partenaire de sa course virtuose sur la colline d'Elancourt.
Même mayonnaise pour Tom Pidcock, après sa folle remontée pour coiffer dans les derniers mètres le Français Victor Koretzky. Le Britannique en a aussi profité pour présenter sa monture transalpine au monde entier, la médaille d'or autour du cou et enveloppé du drapeau national.
Tout comme les marques, l'athlète qui participe aux épreuves olympiques doit aussi faire attention à ses posts sur ses propres réseaux sociaux. Si nous restons dans le cadre du cyclisme, Evenepoel, Pidcock, Ferrand-Prévot ne peuvent pas remercier leurs partenaires par le biais d'une photo, avec le hashtag #Paris2024 ou assurer que tel ou tel produit l'a aidé à briller lors de ces JO. Sur chacune des publications, aucune mention de la marque de vélo ou d'habit n'est visible.
Intégrée depuis le 18 juillet, la règle 40 encadre la publicité autour des joutes olympiques, avec fermeté. Elle vise à protéger le modèle économique du Comité international d'organisation (CIO) en protégeant les droits marketing des sponsors. Il en va de l'avenir et de la pérennité des Jeux. En somme, il est impossible durant la période olympique (du 26 juillet au 11 août) de profiter des images prises à Paris.
Le CIO est attentif à plusieurs ruses employées par des marques. Il est alors question d'«ambush marketing», une technique qui regroupe toutes les manigances que les marques adoptent pour atteindre une certaine visibilité au cours d'un événement sans verser de l'argent aux organisateurs.
Pour réguler le fleuve marketing lors des Jeux, un contrôle draconien est installée pour éviter les méthodes insidieuses.
Le quotidien Ouest France rappelle que la surveillance a été musclée après les JO d'Atlanta en 1996. Un résultat qui vient d'une histoire dont tout le monde se rappelle: les crampons dorés de la marque Nike portés par Michael Johnson lors de ses courses mythiques, parachevant le seul doublé 200m-400m de l'histoire de l'athlétisme masculin - un record du monde à la clé sur 200m.
La marque américaine avait éclipsé Reebok, alors partenaire de cette édition olympique, avec des opérations marketing d'envergure et en inondant la ville américaine de publicités, sans avoir signé le moindre contrat avec le CIO. Le sprinteur américain était la cerise sur le gâteau.
En 2024, il est désormais difficile de contourner la règle numéro 40, même pour les marques comme Nike, à la force de frappe financière puissante.