C'était devenu une habitude. Stefan Küng – excellent rouleur – tombait toujours sur plus fort que lui dans les grands rendez-vous. Les secondes n'ont pas été en sa faveur ces dernières saisons et il a connu d'innombrables échecs en contre-la-montre. Or dimanche, il s'est imposé sur le chrono final du Tour d'Espagne et a eu l'honneur de monter sur le podium plaza de Cibeles.
Il est vrai que la Vuelta n'a pas la caisse de résonance d'un Tour de France ou du Giro. Nombreux ont aussi été ceux capables de s'imposer en Espagne, mais jamais sur les autres Grands Tours. Les principaux spécialistes de l'effort solitaire étaient également absents. Or pour Stefan Küng, c'est une délivrance, après de nouvelles déceptions sur deux de ses trois principaux objectifs de la saison: le Tour de France et les Jeux olympiques.
Il reste à Stefan Küng un troisième grand objectif cette année: les Mondiaux à Zurich fin septembre. Il s'y rendra en ayant emmagasiné de la confiance et avec des certitudes. Or malgré la connaissance du terrain, il en manquera certainement pour revêtir la tunique arc-en-ciel, voire même monter sur le podium. Ce serait un exploit s'il venait à devancer le Belge Remco Evenepoel, l'Italien Filippo Ganna et le Britannique Joshua Tarling. Stefan Küng dispose en revanche d'une opportunité en or cette semaine. Il pourrait retrouver le maillot étoilé de champion d'Europe, trois ans après son deuxième titre continental acquis à Trente en Italie. Ce n'est pas rien compte tenu de ses déboires.
Le Thurgovien figure sur la liste de départ du contre-la-montre des Championnats d'Europe. Or il décidera à la dernière minute s'il s'élance ou non, en raison de sa récente participation à la Vuelta, a indiqué Swiss Cycling. Küng serait néanmoins inspiré de porter un dossard supplémentaire, parce qu'il est en forme et qu'il doit en profiter, et que de grands noms sont absents au Limbourg.
Les meilleurs spécialistes du chrono ont – comme souvent – décidé de faire l'impasse sur les Européens, moins prestigieux que d'autres courses. Et cela, dans des proportions encore plus importantes que d'habitude. La liste des inscrits ne comprend ni Filippo Ganna, récent médaillé d'argent aux Jeux olympiques, ni Joshua Tarling, vainqueur l'an passé. Le Britannique aurait certainement aimé défendre son titre, mais sa fédération – en proie selon les rumeurs à des difficultés financières – n'envoie aucun coureur en Belgique, pas même sur la course en ligne.
Le champion olympique du chrono Remco Evenepoel manquera également l'événement. Celui-ci est pourtant organisé chez lui en Belgique. «Remco a toujours été très motivé par ce contre-la-montre. Mais après un été très chargé, la récupération prend plus de temps que prévu et les Mondiaux à Zurich, un objectif très important pour lui, arrivent à la fin du mois. Nous avons donc décidé de ne pas le sélectionner», a expliqué le sélectionneur national Sven Vanthourenhout auprès de l'agence de presse Belga en amont de la course.
Wout van Aert, autre Belge médaillé à Paris, est lui aussi absent. Il avait prévu de ne pas s'engager sur l'épreuve avant même sa chute au Tour d'Espagne et l'annonce de sa fin de saison. Il n'y aura bien sûr ni Brandon McNulty, vainqueur du premier chrono de la Vuelta 2024, ni Luke Plapp – deux coureurs non européens. L'exercice individuel des Championnats d'Europe de cyclisme sur route est donc plus ouvert que jamais.
S'il s'aligne, Stefan Küng sera opposé en Belgique à des coureurs certes redoutables, mais davantage à sa portée. Il aura face à lui Kasper Asgreen, Yves Lampaert ou encore Thymen Arensman. Les adversaires les plus dangereux? Sans doute Mikkel Bjerg, Victor Campenaerts et un autre Suisse: Stefan Bissegger – champion d'Europe en 2022.
Dans la province du Limbourg, et sur un parcours plat de 31 kilomètres, sans grandes difficultés techniques, Küng peut se rappeler au bon souvenir de sa médaille de bronze aux Mondiaux de 2020. Le départ de l'épreuve sera en effet donné sur le circuit de Zolder. C'est par celui d'Imola qu'étaient passés les coureurs aux Championnats du monde il y a quatre ans.
«Frustré d'être battu» lors du contre-la-montre inaugural du Tour d'Espagne à Lisbonne, et d'avoir manqué de peu le maillot rouge après avoir pourtant devancé Joshua Tarling, Stefan Küng confiait il y a trois semaines dans un communiqué de son équipe être «en forme» et avoir «retrouvé de bonnes sensations». Résultat: le rouleur de la Groupama-FDJ a porté les pois bleus en Espagne, a signé quatre Top 10, s'est illustré dans les sprints et a été vu à l'avant. Il était encore échappé jeudi lors de la 18e étape de la Vuelta, avant de s'imposer dimanche dans les rues de Madrid. De bonne augure avant les Européens, à condition donc qu'il porte le dossard pour lequel il s'est enregistré, et que le vent – indissociable de la Belgique – ne se lève pas.
«Les rafales étaient vraiment fortes dans la première moitié du parcours, et ça m’a un peu déstabilisé. J’avais du mal à rester droit sur le vélo, en position aérodynamique. Honnêtement, j’ai eu peur à certains moments, surtout dans la descente après la petite montée. J’étais à 77 km/h et je priais juste pour que rien n’arrive», a déclaré le champion de Suisse à l'issue du premier contre-la-montre venteux du Tour d'Espagne. Preuve que Stefan Küng garde en mémoire sa terrible chute lors du chrono des Européens aux Pays-Bas. Il prendrait une magnifique revanche s'il venait à gagner sur la même épreuve un an plus tard, quand bien même le plateau est marqué par les défections. Avant peut-être mieux, qui sait, à Zurich.