Le rendez-vous était fixé une heure avant le début du match, au centre commercial de La Praille, situé tout près du Stade. A 18h, sous une pluie battante, les premières filles arrivent, parapluie à la main, capuche sur la tête ou en plein sprint pour se mettre à l'abri. Elles retrouvent leurs entraîneurs, qui s'occupent de leur distribuer les places offertes par le Servette Football Club dans le but de promouvoir le football féminin.
Le temps désastreux contraste avec l'énergie débordante des filles, qui ne tiennent plus en place. La décision est prise: l'un des coachs rentrera dans l'enceinte du stade avec les jeunes filles présentes, tandis que l'autre attendra, sous la pluie, les retardataires.
Le groupe afflue vers le stade, en essayant d'éviter les flaques d'eau, et se place dans la file qui s'est formée le long de la boutique. D'ailleurs, certaines d'entre elles arborent le maillot ou l'écharpe du Servette, tandis que d'autres ont opté pour une tenue plus classique. En attendant leur tour pour la vérification des billets, l'une d'elles fait reconnaître que:
C'est vrai que c'est rare de voir 6100 supporters pour un match du Servette Chênois Féminin. En plus, elles jouent au Stade de Genève, ça change du petit Stade des Trois-Chênes. Certaines jeunes filles ne semblent pas très emballées par l'endroit: «Ici, le stade est moins intimiste». Une discussion interrompue, car c'est à notre tour de rentrer dans le stade.
Les visages souriants, elles s'installent dans les gradins, qui sont abrités. Appréciable, n'est-ce pas? Les pronostics sont lancés, chacun y va de sa remarque: «Je crois à une égalisation pour revenir au score du match aller, mais je ne pense pas qu'elles l'emportent», souligne Mariana. «Je pense que ce sera difficile de marquer pour recoller au score sans encaisser un but», répond une autre.
Bien que le terrain soit dans un mauvais état, il reste praticable, et les équipes font leur entrée sur la pelouse. Les filles, assises en rang d'oignons, s'empressent de sortir leurs téléphones pour capturer l'instant et le partager sur les réseaux.
Le coup d’envoi est donné, mais dès les quinze premières minutes de jeu, l'AS Roma mène 2-0. «Je t'avais dit quoi» m'interpelle l'une des jeunes filles, l'air désabusé. Quelques minutes plus tard, les Genevoises ouvrent leur compteur. Le stade exulte, et les supporters, venus en nombre, scandent «Servette, Servette».
La joie est de courte durée, car les joueuses grenats concèdent rapidement un troisième but. Sans même attendre la fin de la première mi-temps, trois filles de l'AS Charmilles décident de partir chercher de quoi manger. A leur retour, l'une d'elles s'exclame: «Elles ont pris un quatrième but! On l'a vu à l'écran pendant qu'on passait commande». Mi-temps sifflée, les Servettiennes sont menées 4-1.
Je profite qu'elles soient occupées par leurs frites pour leur poser des questions sur leur rapport au football. Marine me confie qu'elle ne manque aucun match de l'équipe masculine du Servette FC et qu'elle s'y rend en famille. Toutefois, lorsque je l'interroge sur l'équipe féminine, elle répond:
Soraia, elle, déclare:
Elle poursuit en me disant qu'elle a toujours aimé le foot, c'est une véritable histoire de famille: son petit frère pratique ce sport, un autre membre de sa famille entraîne une équipe, et cette année, elle a décidé de se lancer à son tour.
Place à la deuxième période. Les Servettiennes sont de retour sur le terrain, et les jeunes spectatrices ont regagné leurs sièges. Elles s'écrient: «Frappe! Tire!». Est-ce parvenu aux oreilles de Joana Marchao du Servette? Elle réussit un superbe coup franc qui envoie le ballon dans la lucarne des cages italiennes. Ce but réveille le stade, et les réactions ne se font pas attendre: des «wow!» fusent, et toutes les filles sont très enthousiastes.
Malheureusement, les réalisations des Romaines s'enchaînent et les espoirs se brisent peu à peu:
Les cris d'encouragement s'atténuent laissant place aux soupirs désabusés. A vrai dire, elles ne croient plus vraiment à la victoire. Seule, une fervente supportrice du SFCCF, croisée lors de la rencontre m'indique:
La réussite de l'AS Roma à la 90e minute tombe comme une chape de plomb. Les supportrices, qui avaient rêvé de voir leur équipe s’imposer, se regardent, désabusées. Le coup de sifflet final retentit, scellant le score à 2-7. Les jeunes joueuses quittent alors le stade avec un mélange de tristesse et d’admiration.