C’est fait. L’Arabie saoudite a obtenu l’organisation de la Coupe du monde 2034, mercredi à l'occasion du Congrès extraordinaire de la FIFA. Or il y a un hic, et pas seulement parce que le pays n’est pas exempt de tout reproche en matière de droits humains.
Les dates de compétition posent clairement problème. S'il est certes normal de ne pas encore les connaître – le calendrier actuel ne va pas au-delà de 2030, donc seul le Mondial espagnol, portugais et marocain a été arrêté, du 13 juin au 21 juillet –, on sait déjà, depuis longtemps, que le tournoi saoudien sera complexe à programmer.
La FIFA en a d'ailleurs conscience. Le rapport d’évaluation de la candidature saoudienne, rédigé par l’instance et diffusé aux médias en amont du vote par acclamation des associations, fait état d’un risque «moyen» à propos de la période d’organisation. Une pastille jaune a ainsi été accolée à ce critère. Cela n'a toutefois pas remis en question le projet. Car officiellement, il n’y a rien de très alarmant, surtout depuis que les organisateurs saoudiens se sont engagés à collaborer étroitement avec la FIFA pour esquisser le calendrier idéal.
Un tournoi estival semble d'ores et déjà exclu, en raison des fortes chaleurs dans la région à cette saison. «Entre juin et août, la température moyenne dans les villes proposées avoisine les 35°C, à l’exception d’Abha, où le climat est plus doux», note la FIFA dans son rapport. Concrètement, il paraît peu probable de jouer dans le désert de mai à septembre, quand bien même les stades seront une nouvelle fois climatisés. Nous devrions donc nous diriger vers une nouvelle Coupe du monde hivernale, après celle organisée au Qatar il y a deux ans, en novembre et décembre.
Or l'option de fin d'année est impossible à reconduire, pour la simple et bonne raison que le ramadan, période annuelle de jeûne et de prière de la religion musulmane, se tiendra du 11 novembre au 10 décembre. Nombreux seront les fidèles qui afflueront à La Mecque, pour une Omra jugée équivalente à un Hajj à cette période. Riyad accueillera également du 29 novembre au 14 décembre un événement de renom: les Jeux asiatiques, compétition multisports organisée tous les quatre ans.
L'événement pourrait-il être avancé, et tenu en début d'année, entre le mois de janvier et le mois de mars, voire avril, lorsque les températures restent raisonnables? Ceci une éventualité. Or il faudra encore tenir compte des «Saudi Seasons», une série de divertissements et d’événements culturels et sportifs attirant chaque année des millions de spectateurs. Autre cas de figure: une Coupe du monde 2034 organisée en janvier et février 2035, comme évoqué ici et là ces derniers jours. Mais une fois encore, le tournoi devra impérativement se terminer avant le Hajj, événement religieux susceptible de débuter mi-février, et qui voit chaque année plus de 1,5 million de personnes converger vers La Mecque.
Ces arrangements hors période habituelle risquent toutefois de ne pas convenir aux grands championnats européens, eux qui, on s'en doute, ne voudront pas revivre un Mondial en hiver, surtout que le format de la Coupe du monde a évolué. Il y aura en effet plus de matchs en Arabie saoudite qu'il n'y en a eu au Qatar. Et même en optant pour une courte phase de préparation, une interruption de près de deux mois est à prévoir.
L'agence de presse britannique PA émet ainsi des craintes, et estime que la Premier League pourrait entrer en conflit avec la FIFA. Elle rappelle qu'un différend existe déjà entre l'association mondiale et les principales ligues européennes depuis que l'instance présidée par Gianni Infantino ne les a pas consultées au moment d'introduire la très controversée Coupe du monde des clubs, dans un calendrier des plus chargés. Des reproches que la FIFA juge infondés.
C'est dans cette logique que la branche européenne du syndicat mondial des joueurs (FIFPro Europe), le championnat espagnol (La Liga) et l'association regroupant les ligues professionnelles européennes (European Leagues) ont déposé plainte contre la FIFA, en octobre auprès de la Commission européenne. Ils accusent l'instance d'abuser de sa position dominante. «La plainte concernant le calendrier international des matchs explique que le conflit d’intérêts de la FIFA en tant qu’organisatrice de compétitions et instance dirigeante, associé à un manque d’engagement significatif avec les partenaires sociaux, viole le droit de la concurrence de l’Union européenne», note la FIFPro dans un communiqué.
Elle ajoute: «La sursaturation du calendrier international de football menace la viabilité économique et sociale d’importantes compétitions nationales appréciées depuis des générations par les supporters». La FIFA «a invariablement favorisé ses propres compétitions et intérêts commerciaux», avait-elle auparavant dénoncé en juillet, pendant que l'instance suprême du football mondial soulignait «l'hypocrisie» des ligues, «qui préfèrent apparemment un calendrier rempli de tournées d'été».
Voilà qui promet, avant de tenter de convenir, d'ici quelques mois, d'une date pour disputer le Mondial saoudien.