On n'aimerait pas être le chewing-gum de Carlo Ancelotti, ce jeudi soir lors du quart de finale entre le Real Madrid et l'Atlético (21h). Le coach des merengues risque encore de ruminer sa mauvaise humeur en voyant Vinicius Jr. se faire frictionner les chevilles par les défenseurs adverses. Une constante en Espagne: le Brésilien de 22 ans est le joueur qui subit le plus de fautes en Liga (62), et même parmi les cinq grands championnats européens.
🚫 Jugadores con más faltas recibidas en la temporada 2022/23.
— Zona Gol⚽ (@ZoonaGool) January 24, 2023
🇧🇷 1° Vinicius
🇨🇮 2° Zaha
🇧🇷 3° Neymar pic.twitter.com/DnjW9lBU3m
Pourquoi tant de haine? Parce que le jeu du Madrilène «appelle» les fautes. En confisquant le ballon puis en cherchant la confrontation en un contre un, l'attaquant prend fatalement le risque d'être stoppé irrégulièrement par les adversaires, surtout lorsque ceux-ci interprètent le dribble chaloupé comme une provocation. Inquiet pour la santé de son joueur, Carlo Ancelotti, qui ne mâche pas ses mots, est intervenu mercredi en conférence de presse:
Le coach en appelle donc aux directeurs de jeu. Mais est-ce leur rôle? Chef de la commission des arbitres de l'Association suisse de football (ASF), Christophe Girard rappelle que «les arbitres sont au service du football». Dans ce cas justement, doivent-ils protéger ceux qui font le jeu, qui mettent leurs qualités au service du spectacle?
L'expert pense que non. «Les arbitres n'ont pas à décider qui fait le jeu ou non. Ça, c'est de la philosophie. Or ils sont là pour appliquer les lois du foot. Une faute est une faute. Les règles sont les mêmes pour tous.» Christophe Girard admet toutefois que la question, partout, se pose: en Espagne avec Vinicius, mais aussi en France avec Neymar, en Angleterre avec Zaha et désormais en Arabie saoudite avec Cristiano Ronaldo.
«Il faut une ligne de conduite valable pour tous, insiste Sébastien Pache, ex-sifflet de Super League. Car en protégeant un joueur, le risque existe de le surprotéger. Il faut accepter, ma foi, qu'il y ait des footballeurs qui, par leur façon de s'exprimer sur un terrain, s'exposent davantage aux fautes que d'autres. J'ai arbitré Mohamed Salah quand il évoluait au FCB et il avait un peu ce type de jeu.»
Ludovic Gremaud se souvient d'un autre Bâlois ayant fait don de ses chevilles à la science footballistique: Xherdan Shaqiri. «Il en avait marre de subir des fautes», relate l'ancien directeur de jeu.
«XS» était-il pour autant une victime? Pas toujours. À en croire Ludovic Gremaud, l'international suisse incarne toute la complexité du profil. «Ce qui était difficile en tant qu'arbitre, c'était de faire la différence entre une vraie faute sur Shaqiri et un léger contact, car il avait tendance à surjouer les fautes.»
C'est la face sombre des artistes, dont la fantaisie n'est pas toujours dénuée de roublardise. Christophe Girard prévient, méfiant:
Le chef des arbitres suisses rappelle que «les footballeurs sont loin d'être cons». «Quand ils savent qu'ils peuvent tirer un avantage d'une situation, ils en profitent jusqu'au bout. S'ils sont protégés, ils vont en abuser, c'est certain. Les réclamations vont se multiplier, jusqu'à des comportements inacceptables envers les arbitres.»
C'est Cesar Soto qui, ce jeudi soir, arbitrera le derby madrilène en quart de finale de la Coupe du Roi. Son attitude envers Vinicius Jr. sera forcément disséquée puis commentée, renforçant l'impression que le football, en 2023, oppose moins des équipes que des joueurs.