La nouvelle saison de Tour de France: Au coeur du peloton va débarquer sur Netflix le mardi 11 juin, avec son lot de dramaturgie. Une nouvelle opportunité de découvrir les dessous et les coulisses des équipes engagées.
Si la chronologie continue de faire grincer des dents, si les explications sont parfois simplistes, voire lunaires, pour ratisser un large panel de spectateurs, si des âneries sont parfois lancées («Carlos Rodriguez est un parfait inconnu»), la doc-série de Netflix a le mérite de nous emmener dans les chambres des équipes du Tour, et intéressera tout de même les plus fins observateurs du vélo. Voici les six enseignements qui nous ont marqués.
«Il fait chier, Ben, je te jure». Ces mots sont ceux du grand chef d'AG2R-Citroën, Vincent Lavenu, lorsque son leader lâche dans la montée en direction du Puy de Dôme. Sur son vélo, le cycliste australien est lui aussi fâché après avoir été lâché par les meilleurs. Il s'excite dans le micro en hurlant: «Putain! Putain!» lors de la 9e étape.
Le directeur sportif, Julien Jurdie, et Vincent Lavenu ne feignent pas leur impatience face à leur poulain. «Il se laisse embarquer par ses émotions», persifle Lavenu.
Et O'Connor fait montre d'un égo bien trempé, se confessant face caméra qu'il est né pour être leader d'une équipe. On le verra pérorer dans le bus d'équipe à la fin de la 5e étape, lorsque Jai Hindley (leader de la Bora-Hansgrohe) remporte l'étape et se pare de jaune. Il boude dans son coin, se plaint de son équipe d'avoir facilité la prise de pouvoir de Hindley, en apprenant que ses coéquipiers (l'Autrichien Felix Gall en première ligne) ont collaboré dans l'échappée. On apprend alors la rivalité entre les deux cyclistes originaires de Perth.
Mais l'Australien ne peut s'en prendre qu'à lui: sa forme moyenne va l'obliger à mettre son bleu de travail pour épauler Felix Gall, mieux armé sur ce Tour de France. L'Autrichien finira d'ailleurs dans le top 10 de ce Tour.
Wout van Aert (Jumbo-Visma) ne partira pas en vacances avec Jasper Philipsen (Alpecin-Deceunink). Fabio Jakobsen (Soudal-Quickstep) non plus. Le premier nommé, coincé dans les barrières lors de la 3e étape, estime que le sprinter belge outrepasse les règles du sprint. Le second adresse même une jolie attaque personnelle au sprinter Alpecin, en expliquant que «gagné c'est bien beau, mais c'est mieux de le faire avec la manière».
Au cours de la 7e étape qui se termine à Bordeaux, Philipsen coince Biniam Girmay dans les barrières. Cette fois-ci, c'est Jean-François Bourlart, boss d'Intermarché Wanty Gobert, l'équipe de Girmay, qui charge le sprinter: «Tout le monde a vu le sprint de Philipsen aujourd'hui. Avant de le sanctionner, on va encore attendre qu'un coureur vole au-dessus des barrières. Ce n'est pas normal.»
Mais l'intéressé voit les critiques lui rebondir sur le cadre: «On n'est pas là pour sympathiser avec les autres», oppose-t-il avec à ses côtés un Mathieu van der Poel (son poisson pilote chez Alpecin) hilare.
La hargne de Matej Mohoric (Bahrain Victorious) pour rafler l'étape du Puy de dôme, en vain, occupe un épisode entier. Le Slovène n'a pas gagné, battu par le Canadien Michael Woods au sommet, mais souligne le deuil qui traverse l'équipe Bahrain Victorious.
On y croise aussi son coéquipier, Pello Bilbao, les yeux mouillés et profondément touché par l'accident du Suisse, qui remporte la 10e étape et dédie sa victoire à Gino. Le Basque était un ami du grimpeur helvétique.
Le grand favori du Tour de France est présenté comme un cannibale au cyclisme clinique, mais également comme un coureur qui pêche par à excès de confiance - avant de se faire rappeler à l'ordre par l'autre cannibale Tadej Pogacar, la star de l'équipe UAE Team Emirates. Mais après sa démonstration lors du contre la montre de Combloux, les soupçons de dopage ont fleuri et terni la course au maillot jaune du Tour. «À un moment, la vérité surgit. Je vous ai répondu», lâche Marc Madiot, le légendaire manager de la Groupama-FDJ. «Je suis clean», répond Jonas Vingegaard, impassible face à la caméra.
Netflix ne passe pas à côté de la polémique et l'empoigne, en posant les questions aux coureurs et directeurs sportifs. Ils s'accordent à dire qu'il est difficile de prendre des substances interdites et que l'histoire du vélo n'aide pas à redorer l'image d'un sport trop souvent associé au fléau du dopage.
L'histoire est connue, la méthode pas vraiment. Richard Plugge, en vieux roublard de la communication, s'est amusé à détourner l'attention des soupçons de dopage entourant son leader danois. Pour ce faire, le grand manitou de la Jumbo Visma a donné une interview au quotidien L'Equipe, expliquant qu'il a vu les coureurs de la Groupama-FDJ boire «de grandes bières».
Une attaque qui a fait mousser Marc Madiot: «Si on touche à mes coureurs, je deviens méchant.»
C'est juste de la provocation, rebondit Thibaut Pinot. Mais Richard Plugge himself assène: «Si ça touche un point sensible, vous devriez vous interroger». Avant de remettre un petit tacle pour la route:
«Tout est millimétré, très germanique chez Jumbo-Visma», détaille Marc Madiot, qui reproche un cyclisme sans saveur aux hommes de Plugge, au détriment de pratiquer un cyclisme plus à l'instinct, à l'émotion.
Tom Pidcock, leader des Ineos-Grenadiers, était venu pour performer sur la Grande Boucle, mais ses jambes n'ont pas répondu comme souhaité. S'il martèle à ses dirigeants qu'il se sent de mieux en mieux plus les étapes s'enchaînent, refusant de laisser le leadership à son coéquipier Carlos Rodriguez, les résultats ne sont pas la hauteur des attentes.
Mais la pépite britannique est un sanguin, un leader dans l'âme et a l'égo qui va avec. La frustration aidant, Pidcock laisse éclater sa colère.
Comme la série le narre bien, le leader qui craque doit laisser sa place à un autre coureur dans l'effectif, si d'aventure un autre est plus performant. Et dans la maison Ineos, l'ambiance était parfois électrique. Pidcock, derrière Rodriguez au général, peine à accepter les nouvelles directives de son directeur sportif Steve Cummings. Le Britannique demande même à ce que les caméras soient coupées, signe de sa nervosité, mais aussi de son âme de leader.
«Tour de France: Au coeur du peloton» sera diffusée le 11 juin sur Netflix.