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Roland-Garros: le tennis traque les pères fouettards ou trop bavards

Coco Gauff et son père expressif.
Coco Gauff et son père expressif.

Le tennis a chassé les pères fouettards et surveille les bavards

A Roland-Garros, les pères de Coco Gauff et Stefanos Tsitsipas sont soupçonnés de coaching illicite. Encore traumatisé par les drames familiaux de l'époque, le tennis surveille tout geste déplacé.
27.05.2022, 06:2227.05.2022, 11:09
christian despont, paris
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Quand un parent gesticule, l’arbitre a le devoir d’interpréter à la fois le geste et le message qu’il véhicule. Toute communication qui s'apparente à du coaching est strictement interdite, y compris par le langage des signes.

Certains ont un solide alibi. Mais avec le père de Coco Gauff, ses mouvements de bras amples dans tous les sens, l’intention est forcément suspecte puisqu'à cette saison, dans les travées de Roland-Garros, il n’y a ni moucherons ni vendeurs de fausses Rolex. Et les discussions à bâtons rompus (ce qui pourrait expliquer l’aide des bras) n'y sont pas admises.

Après réflexion, l’arbitre a écarté l'hypothèse d'un spasme et jugé que ces mouvements étaient du coaching. Discussion. Sanction. Avertissement à la joueuse qui, en plus de n’avoir rien demandé, était la première victime de ces gesticulations comminatoires, dont certaines lui indiquaient tout en même temps la direction d'un passing «long de ligne» et d’une amortie «court-croisé» (pour ceux qui ne serait pas familiers du dialecte tennistique, ça ressemble à un gros strabisme).

Voilà des années que Coco Gauff demande à son père «de la fermer et de se contenter d’applaudir», a-t-elle expliqué plus tard en conférence de presse, davantage amusée que réellement chiffonnée; mais quand même: «Je lui répète la même chose depuis l’âge de 8 ans: "Peux-tu rester assis sans bouger et te taire?" C’est pour cette raison que ma mère vient souvent sur les grands tournois: elle le connaît bien et lui frotte la jambe quand il s'agite. Mais je le jure, ce n’est pas du coaching.»

Il y a eu l’époque des mères supérieures (Mélanie Molitor, Judy Murray) dont l’autorité a marqué plusieurs générations de journalistes. Il y a aujourd’hui des genres de compères, avec ou sans particule au milieu, associés à la carrière de manière implicite, en membres honoraires d’une filiation prospère. En un mot (mais il est parfois usurpé): ils aident.

Tsitsipas, l'esprit de clan

A Roland-Garros comme partout ailleurs, les accusations de coaching ciblent surtout Apostolos Tsitsipas, avec l’avantage pour le Grec de parler une langue que très peu d’arbitres comprennent. Apostolos a tout quitté pour son fils. Les deux hommes entretiennent une relation fusionnelle que Stefanos escamote parfois en rappelant que sa mère est «la personne la plus importante» dans sa vie. Mais une seule personne amène Stefanos sur le chemin des courts depuis qu’il est petit; une seule: «Polo». D’abord en lui tenant la main, puis la jambe.

Apostolos et Stefanos Tsitsipas.
Apostolos et Stefanos Tsitsipas.

Cet esprit clanique entre un père et son grand fils de 23 ans, ajouté au tempérament ombrageux de ce dernier, a opéré une cassure sociale avec le reste du monde. Stefanos Tsitsipas ne dément pas les ragots: c’est vrai, il n’a jamais eu beaucoup d’amis. Mais il n'est pas pour autant la chose de son père. «Il n'est pas forcément copain avec tout le monde, non pas parce qu'il n'aime pas les gens, mais parce qu'il vit beaucoup dans son monde intérieur. Il est différent, très souvent dans son coin ou avec son équipe», le défendait son autre coach, Patrick Mouratoglou, sur France Info.

Apostolos engueule, enlace, embrasse. Cette symbiose s’explique assez facilement par le vécu familial, les sacrifices consentis pour que ce fils soit sacré, idéalement à Roland-Garros où il était finaliste l'an dernier.

Sa défaite dans des circonstances troubles 👎

Apostolos a tout abandonné, son travail, ses amis et son coin de terre, pour qu'il en soit ainsi. «Il n'y a pas beaucoup de pères qui feraient cela pour leur fils», le remercie souvent Stefanos; mais dans quelle mesure cette gratitude ne devient-elle pas de la mansuétude, voire de la servitude?

Mercredi, Apostolos a dû intervenir, une fois encore. Pas méchamment, pas frauduleusement. Mais lorsque son fils a abordé le deuxième set en dilettante, puis les suivants en tremblotant, une voix s'est élevée pour le gronder (victoire 6-3 7-6 6-7 7-6 contre Zdenek Kolar). «A un moment donné, son père doit s'en aller, estimait Mats Wilander sur Eurosport. Il doit laisser Stefanos régler les problèmes par lui-même.»

Bencic, l'affranchie

C’est un peu la transition qu'a réussie Belinda Bencic dans le bon tempo, à l’âge des indocilités post-pubères. Son intelligence de jeu, son succès, la Saint-Galloise la doit à son père. Uniquement à son père. Elle est de ces créatures de l'ambition qui ont appris à déposer une balle dans le carré de service bien avant de savoir faire pipi dans le pot. Elle est de ces championnes-éprouvettes dont la carrière commence dès les premières contractions, et dont on se demande même finalement, parfois sérieusement, si elles ne sortent pas du ventre de leur mère en criant «come on».

Le tennis, projet familial des Bencic.
Le tennis, projet familial des Bencic.

Mais là, c’était trop. Trop de rôles qui se confondent et d’interprétations infondées. Ivan Bencic était devenu le mentor, le manager, le GO et le patriarche. Il était devenu ce monstre à plusieurs têtes que les petits persécutés dessinent chez le psy dans les mauvais films américains.

Cliniquement parlant, une joueuse de 18 ans qui insulte son père dans un hall d’hôtel après une défaite en Grand Chelem n’est plus une enfant déprimée, mais une rebelle opprimée. Alors Bencic a licencié le mentor et conservé le père, pour Noël et les grandes occasions. Apaisée, elle a fini par le rappeler auprès d’elle, en lui confiant un rôle (un seul) de superviseur.

Violences, menaces

Toutes ces relations potentiellement ambiguës paraitraient peut-être banales, et seraient traitées comme tel, sans les drames familiaux qui ont traumatisé ce sport au début des années 2000. On a prononcé des peines de prison ferme et des interdictions de périmètre à des pères violents (Capriati, Dokic, Graf, etc.), notamment après que Damir Dokic ait menacé de «dessouder toute l’ambassade australienne au lance-roquettes».

Damir et Jelena Dokic.
Damir et Jelena Dokic.

On n’en est plus là, plus du tout. Mais personne ne veut revoir un Bernard Tomic devant la chaise de l’arbitre, les mains jointes, réclamant corps et âme que l’on expulse son père: «Il gêne. Je sais que c'est mon père mais je veux qu'il parte. Dis-moi comment je peux faire.» Tomic quémandait cette sanction comme un bandit implorerait un policier de l'arrêter. «Si vous voyez mon père faire du coaching, vous devez me donner un avertissement.» L'arbitre lui a rendu ce service et «Bernie» en a pris une à la sortie.

Pour ceux qui s’en souviennent (car il a sombré au 418e rang ATP), l'Australien avait des pouvoirs surnaturels, une espèce de connexion privilégiée avec la balle, mais il n'est jamais allé plus loin. Tous les talents qui ont grandi sous bonne garde ne sont devenus des champions que par leur seule et unique volonté, une volonté puissante. Or Tomic n'avait envie de rien. Seulement «prendre du pognon et disparaitre», en attendant que son père le ramène à la raison par la peau des fesses – mais il a fini par se lasser, lui aussi.

Les parents des meilleurs, à moins que ce ne soit les meilleurs parents, ont su s'effacer. C’est désormais une valeur indubitable du tennis moderne que de considérer le contrôle parental comme obscène et archaïque, contraire au progrès sous toutes ses formes, ne serait-ce qu'un progrès technique.

Un beau matin, le père de Maria Sharapova est parti à la pêche. Celui des sœurs Williams a pris des photos. Celui de Richard Gasquet a préparé les sandwiches et le thermos. Démonstration patente: Walter Bartoli a accompagné sa fille durant toute sa carrière et n’a manqué qu’un seul tournoi du Grand Chelem, le seul que Marion ait gagné – peu après l’avoir éconduit.

Et il faudrait encore de nombreux paragraphes pour énoncer les abus de confiance... Damir Dokic a dilapidé la fortune de sa fille dans un commerce de spiritueux, avant de la renier. Daniel Del Potro a fait mieux, il a laissé à son fils des dettes abyssales et 9000 hectares de sojas qu’il ne savait pas cultiver.

C’est pourquoi en fin de compte, sous ses airs faussement offusqués, Coco Gauff n’en veut pas tellement à son père de gesticuler dans tous les sens depuis 10 ans: lui ne ferait pas de mal à un moucheron.

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