Il y a deux évènements qui font très peur chaque année: Halloween et la descente de Kitzbühel. Le premier effraie les enfants, le second les skieurs, lancés à plus de 140 km/h dans les contreforts du Tyrol autrichien, sur la piste la plus célèbre et la plus dangereuse du circuit.
C'est sur ces pentes de la saison dernière que le pauvre schwytzois, Urs Kryenbühl, flashé à 146,7 km/h dans le mur final, avait subi une «Horrorsturz» (chute horrible) le laissant avec une commotion cérébrale, une fracture de la clavicule et une déchirure des ligaments internes et croisés du genou droit.
Michael Huber, le chef du comité d'organisation, avait par la suite décidé qu'il fallait agir. «Je n'ai plus besoin de ça. Sinon, nous allons finir par briser les coureurs», avait-il confié à la Wiener Zeitung, expliquant que les skieurs ne devaient plus dépasser les 140 km/h.
Pour les ralentir, il a décidé de plusieurs mesures, notamment celle-ci: élargir la portion de course située entre le «Hausbergkante» et le «Querfahrt», qui effectue un virage serré à gauche et plonge les skieurs tout schuss sur la bosse finale. Des pelleteuses ont fait le boulot à flanc de montagne en septembre.
Hier geht es mit bis zu 140 Stundenkilometern den Berg hinunter: Das Profil der legendären Streif in Kitzbühel in der @dpa_infografik (pn) pic.twitter.com/v0R5DQuydM
— dpa (@dpa) January 19, 2017
La descente, cette année, sera ainsi rallongée de 20 à 50 mètres et des portes seront ajoutées, toujours dans le but de garantir une meilleure sécurité aux coureurs, qui ne pourront plus aborder le terrible saut final à des vitesses aussi extravagantes que par le passé (le record appartient à Michael Walchhofer, auteur d'une pointe à 153 km/h en 2006).
Ce n'est pas la première fois que la Streif (apparue sur le circuit en mars 1931) subit un lifting. De tout temps, des mouvements de terrain ont été rabotés, des bosses adoucies et des compressions comblées.
Certains coureurs, comme Beat Feuz, se sont réjouis des aménagements effectués pour protéger les athlètes. D'autres ont fustigé ce qu'ils estiment être des concessions faites à la sécurité, estimant que la discipline la plus spectaculaire du ski alpin s'en trouvait presque dénaturée. C'est le cas du Valaisan William Besse qui, jeune retraité en 2003, avait affirmé être «dérangé» par une énième modification de la piste.
«Herminator» avait employé d'autres mots, quelques saisons plus tard, pour dénoncer la prudence exagérée de certains organisateurs de descentes Coupe du monde:
Le défi permanent des organisateurs consiste à «tout faire pour protéger les skieurs sans dénaturer l'âme de la Streif», résumait Eurosport en 2019, rappelant qu'ici plus qu'ailleurs, le danger magnifie à la fois la montagne et ses acteurs.
«Il est difficile de trouver l'équilibre (ndlr: entre spectacle et sécurité)», reconnaissait le quintuple vainqueur Didier «CucheBühel» en 2011. «Mais si on arrive à un point où le public ne voit pas la différence entre la descente et le super-G, on va tuer l'esprit de la descente et le grand spectacle. Skier ici demande du courage.»
C'est toujours vrai en 2022. Car aucune modification n'a pour le moment affecté le mythe: Kitzbühel reste comme toujours l'évènement le plus attendu de la saison. Vendredi, il invitera une nouvelle fois les skieurs au rêve autant qu'à l'effroi.