L'équipe de Suisse sort d'un laboratoire de deux semaines au cours desquelles elle a disputé quatre matchs, essayé trois systèmes de jeu et titularisé 22 joueurs dans des rôles parfois différents selon les circonstances. Le but: ménager les organismes au sortir de la saison, mais aussi et surtout prendre de précieuses informations avant la Coupe du monde au Qatar (du 21 novembre au 18 décembre).
La Nati s'est parfois trompée, elle a aussi acquis des certitudes. Les fondations sont posées. Il reste encore quelques menus travaux à effectuer. Que feriez-vous si vous étiez Murat Yakin, le sélectionneur-architecte de cette équipe de Suisse? Voici la liste des chantiers encore ouverts, et les enjeux à chaque étage.
Granit Xhaka n'est jamais aussi bon qu'au centre d'un milieu à trois (4-3-3). «C'est ainsi qu'il doit jouer», affirme Murat Yakin. Le problème, c'est que Xherdan Shaqiri a besoin d'évoluer en numéro dix (4-2-3-1) pour exploiter tout son potentiel. C'est d'ailleurs parce qu'il en avait marre d'être sur le flanc droit qu'il a quitté Lyon pour Chicago en début d'année. Dans le championnat nord-américain, il est systématiquement titularisé en 10. En équipe de Suisse aussi. Mais ça, c'était avant les deux derniers matchs, et le 4-3-3 dessiné par Murat Yakin. Une petite révolution pour Shaqiri: il n'avait plus été titularisé sur l'aile droite depuis la défaite en 8e de finale du Mondial 2018 face à la Suède.
Jouer à droite implique plus de travail et nécessite plus de courses. Shaqiri pourrait perdre en créativité. Mais ce n'est pas le seul risque: «XS» trouvera-t-il dans le championnat américain assez de rythme et d'intensité pour lui permettre de répondre à des exigences plus élevées en équipe nationale? La réponse vaudra chère.
Le débat aurait pu être parasité par le conflit d'egos naissant entre Xhaka et le sélectionneur. Mais juste avant le Suisse-Portugal de dimanche, Murat Yakin a délivré un message de paix: «Xhaka est un leader. Il dirige le groupe sur le terrain. C’est mon capitaine et il le restera.» Le choix du système sera donc guidé par des intérêts purement footballistiques. Le 4-4-2 aperçu lors de la défaite en République tchèque ne devrait pas être privilégié. La Suisse a d'ailleurs basculé en 4-3-3 au cours de la première période.
Jonas Omlin a été fabuleux contre le Portugal, dimanche au Stade de Genève (victoire 1-0). Le portier de Montpellier a réalisé pas moins de huit parades, égalant le plus grand nombre d'arrêts lors d'un match de la Ligue des nations (une marque qu'il partage désormais avec Yvon Mvogo, éblouissant contre l'Islande en 2018).
Il ne fait toutefois aucun doute que c'est le solide et expérimenté (et chouchou des Suisses) Yann Sommer qui défendra les buts de l'équipe de Suisse au Qatar.
On se dirige vers une défense à quatre. Avec Silvan Widmer à droite et Ricardo Rodriguez à gauche. Dans l'axe, la charnière centrale Manuel Akanji-Nico Elvedi a été alignée pour la première fois cette année contre le Portugal (1-0) et elle s'est révélée une nouvelle fois impeccable.
Manuel Akanji est un phare dans n'importe quelle tempête. Sans lui, rien n'est possible. La preuve: en son absence, la Nati a perdu contre la République tchèque et au Portugal. Et avec lui, ses coéquipiers en défense sont meilleurs.
Ses prestations, ainsi que celles des joueurs qui l'accompagnent sur le terrain, ont poussé vers la sortie plusieurs éléments. A commencer par Fabian Schär, 71 sélections quand même.
Kevin Mbabu et Jordan Lotomba, eux, pourraient carrément ne pas être du voyage au Qatar, repoussés très loin par les titulaires en place et l'émergence de deux joueurs sous le maillot national: Renato Steffen et Leonidas Stergiou.
Steffen a bluffé Yakin dans le couloir droit et peut aussi dépanner à gauche; Stergiou est aussi à l'aise dans l'axe que sur la droite.
En ligne médiane du 4-3-3 privilégié par Yakin, trois hommes se distinguent: Remo Freuler, Granit Xhaka et Denis Zakaria. Ce dernier reste toutefois sous la menace de Djibril Sow, titulaire indiscutable avec Francfort (44 matchs officiels cette saison) et qui, fun fact, est avec Shaqiri le seul Suisse en activité à avoir remporté un trophée européen (la Ligue Europa cette saison).
Sow (30 sélections) n'est toutefois que rarement aligné en équipe nationale. Mais c'est surtout parce que Denis Zakaria a pris une dimension encore plus exceptionnelle depuis son transfert (8,6 millions) à la Juventus en février.
On se dirige vers un triptyque Xherdan Shaqiri, Haris Seferovic et Breel Embolo. Mais l'ensemble reste fragile.
Okafor est encore jeune (22 ans). Chaque week-end, il semble gagner en vitesse, en percussion et en expérience. En championnat cette saison, la pépite de Salzbourg a marqué 8 buts et délivré 7 passes décisives.
Okafor a aussi inscrit 3 réussites en Ligue des champions, suscitant l'intérêt de plusieurs clubs européens. Son avenir pourrait changer ces prochains mois, en club comme en sélection.
Maintenant qu'on s'est tout dit, et puisqu'on connaît le groupe de l'équipe de Suisse au Mondial (Brésil, Serbie et Cameroun), on peut se permettre de rêver. Ou pas.