L’«emmerdeur», le «shérif», le «chasseur de dealers», cochez la case qui convient, va peut-être accéder à la Municipalité d’Yverdon dans trois semaines. Dimanche, au premier tour d’une élection complémentaire à l’exécutif yverdonnois suite au décès du socialiste Jean-Claude Ruchet en octobre dernier, Ruben Ramchurn, 42 ans, a fait un score «canon», cela dit assez prévisible au vu du contexte: la plaie du deal de rue. Ruben Ramchurn, alias «Monsieur place nette», veut y mettre fin. Il a des solutions pour y parvenir, dit-il.
Celui qui n’a reçu le soutien d’aucun parti et qui s’engageait dans la course sous les couleurs d’«Yverdon pour tous», engrange 30,93% des voix. Il arrive deuxième derrière le candidat socialiste Julien Wicki (39,46%), soutenu par les Verts et l’extrême gauche.
L’élection de Ruben Ramchurn ferait l’effet d’une bombe dans le paysage yverdonnois, dominé par une coalition rose-verte. En lui accordant près de 31% des suffrages au premier tour, les citoyens qui ont voté pour lui ont, pense-t-on, exprimé un vote sanction, voire anti-système, celui qu’ils s’imaginent des petits-arrangements-entre-amis.
Les pro-Ramchurn auront voulu, aussi, récompenser un homme qui a fait preuve de courage en s’opposant frontalement aux trafiquants de drogue. Le bonhomme a beau avoir un côté fantasque, des habitants d'Yverdon ont sans doute estimé qu’il méritait le respect.
Voilà un «type», qui s’apprêtait, il y a un an encore, à rejoindre l’Ile Maurice, le pays d’origine de son père, où il s’était épris de passion pour la pratique de l’apnée, en voie d’être possiblement élu à l’exécutif de la deuxième ville du canton de Vaud.
Rien n’est fait, bien sûr, pour cet outsider. D’abord, ses 30,93% sont peut-être un vote «coup de gueule» de premier tour, qui ne se confirmera pas au second, les choses devenant «sérieuses». Ensuite, si le candidat arrivé troisième, le vert’libéral Gildo Dall’Aglio, soutenu par le PLR et l’UDC, se maintient au second tour, Ruben Ramchurn a peu de chances de l’emporter, dispersion des votes oblige – on connaîtra les intentions de Dall’Aglio lundi déjà.
Mais il y a des «mais» qui peuvent provoquer la surprise. Le maintien de Gildo Dall’Aglio serait interprété par tout ou partie des électeurs comme une manœuvre pour faire échouer Ruben Ramchurn et par conséquent faire gagner Julien Wicki. Cela pourrait ne pas plaire et inciter des voix PLR et UDC à se reporter sur celui qui fut autrefois membre de l’UDC, avant de prendre des chemins de traverse.
Un duel Wicki-Ramchurn offrirait une issue a priori plus incertaine. Deux états d’esprit seraient comme en lice: d’une part, un «tout sauf Ramchurn», un imprévisible, un ingérable, condamné en 2023 pour de faux certificats Covid (il a fait recours), devant passer chez le juge le 12 février pour atteinte à l’honneur (qu'il conteste) envers la personne de Brenda Tuosto, conseillère nationale PS et toujours conseillère municipale à Yverdon.
L’autre état d’esprit serait un «tout sauf Wicki», pour des raisons inverses au «tout sauf Ramchurn»: donner une leçon à la majorité rose-verte, soutenir un candidat que l’«establishment» aurait cherché à salir.
On ne sait si Ruben Ramchurn, qui cherche de son côté la respectabilité en revêtant le costume trois-pièce du notable, profitera d’un quelconque effet «Trump», ni même si ce rapprochement avec la politique américaine a quoi que ce soit de pertinent. Mais on tremble dans les bastions progressistes: le second tour de l’élection complémentaire à l’exécutif d’Yverdon, le 2 mars, pourrait être un coup de semonce à l'adresse des villes de gauche, à un an des municipales vaudoises.