De petits nuages moelleux sur un vert luxuriant. En été, ce spectacle est habituel lorsque les troupeaux de moutons broutent dans les prairies. Mais en observant de plus près, une particularité se distingue chez les animaux de Hans-Peter Weber, en Argovie: leurs cornes. Longues et torsadées, elles se dressent comme deux tire-bouchons sur leurs têtes étroites.
Ces animaux sont des moutons de la race dite «zackel», issue de la descendance de l'urial, un mouton sauvage originaire d'Asie du Sud-Ouest. Leur ascendance remonte au neuvième siècle. Ces moutons, tant les mâles que les femelles, se distinguent principalement par leurs impressionnantes cornes — celles des mâles peuvent atteindre jusqu'à un mètre de long. La laine rugueuse, beige et blanche, rappelle les boucles d'un ange; en hiver, elle touche presque le sol. La tête étroite, de couleur cuivrée comme les pattes, ressemble à celle d'une chèvre, et le front est orné de touffes de poils.
Les moutons sont collés les uns contre les autres dans l'enclos. Le septuagénaire essaye de les attirer avec des friandises, mais cette attention inhabituelle semble susciter leur méfiance. En général, cette race est plutôt sauvage et préfère garder ses distances. Hans-Peter Weber siffle et appelle Cara, une femelle plus sociable. Après plusieurs minutes d'attente et beaucoup de patience, Cara finit par s'approcher. Cependant, dès que la main de l'éleveur est vide de friandises, le mouton retourne se réfugier auprès de son troupeau.
Les zackis, c'est ainsi que Weber appelle ses moutons, forment une communauté soudée. Il raconte:
«Même lorsqu'ils broutent, ils restent très proches les uns des autres». Cela fait 35 ans qu'il élève ces animaux extraordinaires. Il a découvert cette race par hasard et a immédiatement été conquis. Depuis dix ans, il en fait également l'élevage. Pourtant, malgré leurs gènes anciens et leur ascendance impressionnante, les moutons zackel sont pratiquement inconnus. Mais cela est sur le point de changer.
Hans-Peter Weber, en collaboration avec Reto Scherrer, un éleveur saint-gallois, s'efforce de faire croître la population de cette race de moutons, actuellement en grave danger d'extinction, en Suisse. En juin, ils ont franchi une étape cruciale dans ce combat: l'ouverture du registre généalogique — la condition nécessaire pour que l'élevage de ces moutons puisse désormais se faire plus facilement.
Pour ouvrir le registre généalogique, il fallait disposer d'au moins 50 moutons zackel enregistrés par un minimum de trois éleveurs. Désormais, les animaux sont inscrits avec leur ascendance auprès de la Fédération suisse d'élevage ovin. Cela permet aux éleveurs d'empêcher l'accouplement d'animaux apparentés et de trouver des reproducteurs appropriés. «Avant, il fallait beaucoup de travail pour savoir si les animaux étaient apparentés», explique Weber.
Weber possède au total 27 moutons zackel, dont quatre mâles reproducteurs non consanguins. Il montre du doigt la boule de poils dans l'enclos. «C'est Tayo», dit-il. Ce bélier se distingue des autres par sa taille et la beauté de ses cornes. Cette année, il a importé Tayo d'Autriche, ainsi qu'un autre bouc, dans le but d'apporter du sang neuf à son élevage.
Ce dernier a également vendu un groupe de moutons au parc animalier Augusta Raurica de Kaiseraugst. C'est la première fois que des moutons zackel de race pure peuvent être observés dans un environnement adapté à leur espèce. En effet, les dizaines de détenteurs en Suisse vivent isolés avec leurs moutons.
En plus de leur apparence, les moutons zackel présentent d'autres avantages: ils sont extrêmement robustes et très résistants aux maladies, explique Hans-Peter Weber:
«C'est pour cela que le vétérinaire est un invité plutôt rare chez moi». Cette robustesse rend les moutons zackel faciles à entretenir; ils ont simplement besoin de suffisamment d'exercice.
Et leur viande est aussi extrêmement délicate, affirme Hans-Peter Weber. Même si elle est également très peu connue. Michael Fetsch du Landgasthof Linde à Berschis (SG) et Michael Kaufmann du restaurant Räzia à Jenins (GR) sont les seuls cuisiniers en Suisse à proposer des menus avec cette viande, qui est pauvre en graisse et en fibres. Hans-Peter Weber définit le goût de la viande comme un mélange entre le cerf et le chamois, avec une touche subtile de mouton. En dehors de cela, l'éleveur vend la viande de ses béliers à des particuliers.
Il ouvre maintenant la barrière et laisse les moutons sortir dans le pré. Ils se mettent rapidement à la recherche d'ombre sous un grand pommier. Leur laine épaisse est composée de longs poils de couverture qui évacuent l'eau de pluie et d'un sous-poil isolant. Cela rend la laine plutôt rugueuse, ce qui ne convient pas pour un pull-over, comme on en produit volontiers en laine mérinos par exemple. Hans-Peter Weber lui a cependant trouvé une autre utilisation.
Une amie lui a fabriqué un tapis en laine vierge — sans peau et uniquement à partir de laine coupée. Les boucles, qui ont presque un éclat doré, ressortent magnifiquement et, malgré leur rugosité, sont douces et moelleuses au toucher.
Sa joie face à la polyvalence de ses moutons zackel est évidente. «Des gènes aussi précieux ne doivent pas disparaître», confie-t-il. «Je veillerai à ce que cela n'arrive pas.»
Traduit et adapté par Noëline Flippe