Le siège suisse d'Ericsson se situe en plein centre-ville de Berne, à deux pas de la gare. L'entreprise suédoise fait partie des poids lourds internationaux dans le domaine des équipements de télécommunication. De telles entreprises assurent aux fournisseurs d'accès l'infrastructure nécessaire, par exemple des antennes de téléphonie mobile. Elles constituent en quelque sorte la colonne vertébrale des opérateurs.
Les bureaux bernois d'Ericsson sont au quatrième étage. Le cinquième est occupé par un centre de conférence de Swisscom. Cette proximité ne doit rien au hasard. Les deux entités ont un partenariat depuis plus de dix ans. Elles l'ont prolongé l'année passée.
Ericsson continuera ainsi à fournir «le matériel et les logiciels pour le meilleur réseau de Suisse», avait alors fièrement annoncé Swisscom. Cette collaboration se concrétisera dans des équipes mixtes dont les membres feront avancer ensemble innovations et projets.
Pendant près de 20 ans, Martin Bürki a été le visage de cette synergie. Il a commencé à travailler pour Ericsson en 2008 en tant que Head of Key Account Management Swisscom. Début 2011, il a pris la direction d'Ericsson Suisse. Une fonction qu'il a occupée jusqu'en décembre 2024.
La semaine dernière, le Conseil fédéral l'a nommé à la présidence de la Comcom. La Commission fédérale de la communication est l'autorité indépendante de concession et de régulation dans le domaine des télécommunications.
Les membres de cet organe de surveillance décident entre autres des litiges d'interconnexion ou de l'attribution des concessions. C'est ainsi à ce proche de Swisscom de longue date que reviendront ces tâches pour la période à partir de 2029. Le Bernois de 57 ans entrera en poste le 1er août.
Depuis cette annonce, on s'interroge dans le milieu sur l'indépendance du nouveau dirigeant au vu de son passé professionnel. Son manque d'expérience en matière de régulation et sa proximité avec l'opérateur font réagir. Pour un observateur:
Il est à noter que l'Elcom ou la PostCom sont traditionnellement contrôlées par d'anciens hommes politiques.
Sunrise et Salt n'ont pas souhaité commenter cette nomination. Le département du ministre des Infrastructures Albert Rösti souligne l'absence de lien direct. «Ericsson n'est qu'un fournisseur des opérateurs, vis-à-vis desquels la Comcom assume des tâches de régulation».
Cela n'est que partiellement vrai: les deux concurrents de Swisscom, Sunrise et Salt, n'entretiennent, eux, aucune relation commerciale avec Ericsson. Ils travaillent avec Nokia et Huawei. Ericsson fournit donc uniquement le leader du marché.
Un porte-parole de Swisscom affirme que Martin Bürki connaît parfaitement le secteur, ce qui est un avantage pour la branche.
Fredy Künzler est de ceux qui défendent Bürki. L'entrepreneur de Winterthour et politicien socialiste est considéré comme l'un des plus grands critiques de Swisscom, contre qui il mène actuellement plusieurs procédures. Il «apprécie le fait que la Comcom ne soit pas uniquement composée de professeurs et de juristes, mais que le point de vue de l'industrie soit représenté».
Il fait remarquer que l'ancien président de la Comcom, Christian Martin, qui a travaillé chez Cisco et Google, en était également issu. Cisco traite cependant avec les trois opérateurs du pays de la même manière.
Künzler affirme que, dans son nouveau rôle, Martin Bürki est tenu de respecter la concurrence, et donc les clients finaux.
Ce qu'il attend du président tout juste désigné, «c'est qu'il soit indépendant et qu'il ne craigne pas les conflits avec la puissante Swisscom».
D'autres voix s'élèvent à l'encontre du parcours de Martin Bürki. Il lui faudra d'autant plus prouver son indépendance et montrer qu'il était fait pour ce poste. Certains évoquent des cas de figure similaires, par exemple lorsque Stefan Meierhans, qui travaillait alors pour Microsoft, est devenu surveillant des prix en 2008. A l'époque, le scepticisme était grand. Aujourd'hui, de l'eau a coulé sous les ponts et Meierhans est considéré comme indépendant et courageux.
Président de la Commission des transports et des télécommunications du Conseil national, Philipp Kutter ne connaît pas personnellement le Bernois Martin Bürki. «Par principe, je salue les connaissances et l'expérience solides du président de la Comcom». Il attend de lui qu'il se «détache de ses relations d'affaires antérieures».
Un tel changement de casquette n'a en principe rien d'exceptionnel et il lui fait tout à fait confiance. Et d'ajouter: «Comme on connaît son passé et que l'opinion publique surveillera ses faits et gestes, il a tout intérêt, pour lui-même, à insister sur son indépendance».
(Adaptation en français: Valentine Zenker)