Pas besoin d'être devin pour prédire un Röstigraben lors de la prochaine votation: l'initiative du PS pour l'allègement des primes est nettement mieux accueillie en Suisse romande et au Tessin qu'en Suisse alémanique. Cela ne s'explique pas uniquement par le fait que les cantons d'outre-Sarine sont souvent plus à droite sur les questions de politique sociale. Pour une fois, il y a aussi des raisons financières concrètes.
Les cantons de Genève et de Vaud, en premier lieu, profiteraient massivement de la nouvelle manière de financer la réduction des primes. Ils sont déjà très généreux dans la distribution de subsides. En 2020, Vaud a consacré environ 500 millions de francs aux ménages à faible revenu, contre 350 millions à Genève. En cas d'acceptation de l'initiative, les deux cantons romands auraient donc moins à débourser puisque la Confédération devrait désormais participer aux frais.
Zurich (avec 371 millions de francs) et Berne (avec 278 millions de francs) ont également mis la main à la poche en 2020 pour soutenir leurs assurés. Mais si l'on prend en compte le nombre d'habitants de chaque canton, la Suisse romande et le Tessin sont largement en tête, comme le montre notre tableau ci-dessous. Seule exception alémanique: Bâle-Ville.
En cas d'acceptation de l'initiative, la Confédération serait la plus impactée financièrement, les cantons devant prendre en charge au maximum un tiers des coûts occasionnés. En fin de compte, selon l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), cela signifierait des dépenses supplémentaires de plus de 3,7 milliards de francs pour la Confédération. Les cantons, eux, devraient débourser 805 millions supplémentaires.
Les cantons actuellement généreux, Genève et Vaud en tête, profiteront des dépenses de la Confédération: cela leur permettra d'économiser des centaines de millions.
Pour les cantons qui étaient jusqu'ici pingres, l'effet serait inverse malgré l'aide de la Confédération: ils devraient dépenser plus d'argent. Un exemple de calcul pour l'année 2020 de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) permet de se faire une idée: l'année de la mise en œuvre, Berne devrait dépenser environ 160 millions de francs supplémentaires, Zurich 100 millions, Saint-Gall environ 90 millions, l'Argovie et le Valais environ 60 millions, Lucerne environ 44 millions.
Dans ce contexte, on comprend qu'une majorité des directeurs financiers cantonaux rejette clairement l'initiative. Mais ils n'argumentent pas seulement en raison des montants élevés qui seraient ainsi dus. Ils rejettent également l'initiative pour des raisons fédéralistes: il s'agirait d'une atteinte à l'autonomie cantonale. Chaque canton a établi ses propres règles en matière de compensation sociale. Une directive nationale déséquilibrerait toute la structure.
La répartition exacte du financement et le montant qui sera effectivement versé dépendront de la croissance démographique et de l'évolution des primes. Mais la manière dont le Parlement entend mettre en œuvre l'initiative est également déterminante.
Si l'initiative est rejetée par les électeurs, les cantons alémaniques devront tout de même consacrer plus d'argent qu'aujourd'hui à la réduction des primes. En effet, en cas de non, le contre-projet indirect sera automatiquement mis en œuvre. Toutefois, les montants seraient nettement inférieurs. Cela signifie aussi pour les nombreux assurés qu'ils recevront moins de réductions de primes, voire pas du tout, contrairement à ce que prévoit l'initiative du PS.
Traduit et adapté par Tanja Maeder