Elle alimente massivement les caisses de l’état, tout en passant largement inaperçue. Il s'agit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), que presque tout le monde paie au quotidien, sans en être réellement conscient.
L’an dernier, la TVA a rapporté à elle seule 27 milliards de francs, faisant d’elle, avec l’impôt fédéral direct, la principale source de revenus de la Confédération.
Et cette taxe joue un rôle crucial dans le financement de l’AVS. Environ un franc de TVA sur six part directement pour les retraites. Pour donner un exemple concret, lorsque vous prenez un café à 4,50 francs dans un bistrot, 6 centimes sont versés à l’AVS.
A l'avenir, cette contribution va s'avérer encore plus nécessaire pour l’introduction de la 13e rente AVS, prévue pour l’année prochaine. Plus d’un an après l’acceptation de l’initiative populaire, le financement de cette nouvelle rente reste toutefois incertain.
Ce jeudi, le Conseil des Etats a soutenu, par 23 voix contre 19, une hausse des cotisations salariales et de la TVA. La Chambre des cantons devait trancher au sujet de plusieurs propositions qui sont sur la table.
La Commission de la Sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats préconisait, quant à elle, une solution mixte, combiner une hausse de la TVA avec une augmentation des cotisations salariales. C'est cette option qui a été retenue. Le Conseil fédéral propose aussi d'utiliser la TVA pour d’autres réformes à venir de l’AVS.
Mais la TVA ne sert pas qu’à combler les déficits des retraites. Elle contribue également à réduire le coût des primes maladie, à l’entretien des lignes et des gares ferroviaires. Entre 2011 et 2018, elle a aussi été utilisée pour soutenir l’assurance invalidité. Actuellement, une hausse de la TVA pour subventionner l’armée est également à l’étude.
La TVA séduit le monde politique car elle permet de générer d'énormes recettes, de manière relativement invisble pour la population, qui peut y contribuer dans son entier. Et bien qu’une hausse nécessite une modification de la Constitution — et donc une votation populaire —, l’opposition reste modérée. Une augmentation de quelques dixièmes de point ne fait généralement pas de vagues, pour cette taxe discrètement incluse dans chaque ticket de caisse.
Ces petits montants cumulés finissent toutefois par peser sur la population. Une analyse de l’Administration fédérale des contributions pour notre compte, révèle qu’un ménage moyen paie environ 330 francs de TVA par mois, soit environ 3,5% de son revenu. Ces chiffres, basés sur les données de 2018 et 2019, ne couvrent pas toutes les dépenses. En réalité, la charge fiscale pourrait être encore plus élevée.
Les foyers à faibles revenus sont proportionnellement plus lourdement touchés (environ 4,9%), car la consommation représente une plus grande part de leur budget. Les retraités aussi paient un peu plus que la moyenne, avec un taux de 4,3%.
D’après Frank Marty, expert fiscal auprès du lobby Economiesuisse, une hausse de la TVA de 0,5% entraînerait un coût d’environ 200 francs supplémentaires par an pour un ménage moyen.
Mais la TVA a aussi ses inconvénients. Pour les entreprises, elle engendre une complexité bureaucratique: un bouquet de fleurs est par exemple soumis à un taux différent de celui du vase qui l’accompagne et une pizza au restaurant n’a pas le même taux que celle livrée à domicile.
Les tentatives de simplification du système ont jusqu’ici échoué. Du point de vue économique, la TVA reste un moindre mal en matière de financement public, car contrairement aux impôts sur le revenu ou le capital, elle touche à la consommation. «C’est la forme de prélèvement la moins nuisible à l’économie dans son ensemble», assure Frank Marty.
C’est pourquoi les milieux économiques souhaitent financer la 13e rente AVS uniquement via la TVA. Les syndicats, en revanche, préfèrent s’appuyer sur les cotisations salariales, qu’ils jugent plus équitables, car elles sollicitent davantage les hauts revenus. Le Conseil des Etats a, lui, fait son choix. Le dossier passe au Conseil national où les débats vont continuer.
L’avantage de la TVA, selon ses défenseurs, est qu’elle fait contribuer tout le monde, y compris les retraités. Cela dit, plus on est âgé, moins l’augmentation pèse lourd, simplement parce que l’on a moins d’années de consommation devant soi:
La TVA a donc toujours un coût, même si celui-ci reste souvent invisible.
Traduit de l'allemand par Joel Espi