Les Alpes suisses sont-elles une toundra sibérienne à la verticale? Dans la Russie septentrionale, le réchauffement climatique fait fondre cette glace éternelle appelée permafrost, provoquant l’apparition de trous géants dans le sol. D'où la question: les chutes de roches sont-elles au paysage alpin ce que la formation de cratères sont aux plaines du Grand Nord? Walter Wildi ne reprend pas la comparaison à son compte, mais il ne l’invalide pas non plus.
Joint par watson, ce professeur honoraire de géologie de l’Université de Genève, coauteur d’un ouvrage fort à propos venant de paraître, Sur les traces des désastres naturels en Suisse (éditions Slatkine), réagit à la catastrophe de Blatten survenue mercredi, veille de l’Ascension.
Le contexte, d'abord:
Qu’en est-il depuis? «La limite du pergélisol ne cesse de remonter, de plusieurs mètres par année, fragilisant des zones rocheuses autrefois cimentées en profondeur par la glace. En effet, la glace tient la roche. Et lorsque la glace fond, l’eau s’infiltre toujours plus profondément dans les fissures, augmentant les risques d’instabilité rocheuse. Les orages accentuent cet effet indésirable.»
La nature de la roche a pu jouer un rôle dans le drame de mercredi. Le Bietschhorn, le nom du massif d’où le glacier Birch a dévalé pour s’abattre sur Blatten, est constitué à son sommet de granit et plus bas de gneiss, indique Walter Wildi.
Comme d’autres scientifiques, Walter Wildi reste prudent sur les causes de l’éboulement géant qui a défiguré le splendide Lötschental. Faut-il tout ou partie l’imputer au réchauffement climatique? Au travail séculaire de la nature? Le géologue rappelle qu’en 1991, un éboulement massif avait charrié 20 millions de mètres cubes de roches, entre Randa et Herbriggen, dans la vallée de Viège, en Valais déjà. Il n’avait pas fait de victimes, aucun village n’avait été rayé de la carte.
Au XVIIIe siècle, deux éboulements rocheux séparés par un intervalle de 35 ans changèrent la physionomie des Diablerets, dans le canton de Vaud – l’écrivain Charles-Ferdinand Ramuz s’inspira de ces événements naturels pour son roman Derborence.
En octobre 2000, la tragédie de Gondo, en Valais, faisait seize morts. En juillet 2024, un glissement de terrain tuait trois personnes dans le Val Maggia, au Tessin. Un mois plus tôt, des crues exceptionnelles faisaient déborder le Rhône en sa partie valaisanne. En avril dernier, une coulée de boue, d'arbres et de pierres en amont de Viège causait d’importants dégâts.
Contacté, le conseiller aux Etats valaisan Beat Rieder (Le Centre), originaire de Wiler, la commune du Lötschental située en aval de Blatten, se veut volontaire autant qu’il est possible face aux aléas la nature.
«Ce qu’il faut, reprend l'élu haut-valaisan, c’est investir dans la prévention des risques, afin d’évacuer les habitants lorsqu’un drame est prévisible, comme cela a été fait avant l'éboulement de Blatten, mais aussi afin de parer par des travaux d’infrastructures aux événements les plus fréquents de la nature, pluies torrentielles, chutes de pierres, etc., sachant qu’aucune infrastructure ne pourra jamais empêcher ce qu’on appelle les catastrophes.»
Visiblement atteint par le drame de Blatten, Beat Rieder en appelle à la solidarité confédérale. Sur un plan plus politique, il estime que le rôle premier des pouvoirs publics est de «protéger les citoyens, que ce soit contre les menaces extérieures ou les menaces intérieures, les catastrophes naturelles en faisant partie». Quand viendra l’heure des arbitrages budgétaires, «Blatten, dit-il, devra avoir à la priorité».
Dans l'immédiat, ajoute Beat Rieder, «on peut penser que la catastrophe de Blatten aura un impact négatif sur le tourisme alpin en général et valaisan en particulier, du moins dans un premier temps.»
Comme un hasard du calendrier, on apprenait, dimanche 25 mai, via la NZZ, que la Confédération veut surveiller les mouvements de terrain dans toute la Suisse à l'aide de satellites et qu'une publication des premières évaluations est prévue fin 2025.
Le projet de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), en phase de développement, se base sur des mesures radars par satellite (Insar). Comme l'a précisé une porte-parole de l’OFEV à l'agence de presse Keystone-ATS.
La catastrophe de Blatten dit la nécessité et l'urgence de ce nouveau dispositif.