Suisse
Blatten

Réchauffement, permafrost: l'origine de la catastrophe de Blatten

Une prise de vue aérienne montre l'état de destruction dans le Lötschental après la rupture mercredi du glacier du Birch et la vague de gravats qui a englouti notamment le village de Blatten.
Blatten, au lendemain de la catastrophe. 29 mai 2025.Keystone

Blatten révèle une fragilité cachée partout dans les Alpes

Commentant le drame de Blatten qui a vu un pan de la montagne s'effondrer, Walter Wildi, professeur de géologie à l'Université de Genève, explique le rôle essentiel du permafrost, cette glace perpétuelle qui agit «comme un ciment de la roche». Or le réchauffement climatique fait remonter sans cesse à plus haute altitude la limite du permafrost, ce qui a des conséquences sur la qualité de la roche.
31.05.2025, 06:5501.06.2025, 13:48
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Les Alpes suisses sont-elles une toundra sibérienne à la verticale? Dans la Russie septentrionale, le réchauffement climatique fait fondre cette glace éternelle appelée permafrost, provoquant l’apparition de trous géants dans le sol. D'où la question: les chutes de roches sont-elles au paysage alpin ce que la formation de cratères sont aux plaines du Grand Nord? Walter Wildi ne reprend pas la comparaison à son compte, mais il ne l’invalide pas non plus.

Joint par watson, ce professeur honoraire de géologie de l’Université de Genève, coauteur d’un ouvrage fort à propos venant de paraître, Sur les traces des désastres naturels en Suisse (éditions Slatkine), réagit à la catastrophe de Blatten survenue mercredi, veille de l’Ascension.

«La glace tient la roche»

Le contexte, d'abord:

«Jusqu’au début des années 1990, le phénomène du réchauffement climatique commençant ensuite à se faire sentir, la limite du permafrost, appelé aussi pergélisol, se situait à 2500 mètres dans les Alpes. Au-dessus de cette altitude, la roche se réchauffait certes en été, mais elle restait gelée au-delà de deux ou trois mètres d’épaisseur.»
Walter Wildi, professeur honoraire de géologie à l’Université de Genève

Qu’en est-il depuis? «La limite du pergélisol ne cesse de remonter, de plusieurs mètres par année, fragilisant des zones rocheuses autrefois cimentées en profondeur par la glace. En effet, la glace tient la roche. Et lorsque la glace fond, l’eau s’infiltre toujours plus profondément dans les fissures, augmentant les risques d’instabilité rocheuse. Les orages accentuent cet effet indésirable.»

Le gneiss en cause?

La nature de la roche a pu jouer un rôle dans le drame de mercredi. Le Bietschhorn, le nom du massif d’où le glacier Birch a dévalé pour s’abattre sur Blatten, est constitué à son sommet de granit et plus bas de gneiss, indique Walter Wildi.

«Ce sont là deux roches cristallines, typiques des Alpes. La partie qui s’est détachée du Bietschhorn, pesant de tout son poids sur le glacier, avant que ce dernier ne s’effondre, était du gneiss, une roche pareille à de l’ardoise, faite de couches de 10 à 40 centimètres d’épaisseur posées l’une sur l’autre, particulièrement sensible aux variations climatiques.»
Walter Wildi, professeur honoraire de géologie à l’Université de Genève

Comme d’autres scientifiques, Walter Wildi reste prudent sur les causes de l’éboulement géant qui a défiguré le splendide Lötschental. Faut-il tout ou partie l’imputer au réchauffement climatique? Au travail séculaire de la nature? Le géologue rappelle qu’en 1991, un éboulement massif avait charrié 20 millions de mètres cubes de roches, entre Randa et Herbriggen, dans la vallée de Viège, en Valais déjà. Il n’avait pas fait de victimes, aucun village n’avait été rayé de la carte.

Le précédent des Diablerets

Au XVIIIe siècle, deux éboulements rocheux séparés par un intervalle de 35 ans changèrent la physionomie des Diablerets, dans le canton de Vaud – l’écrivain Charles-Ferdinand Ramuz s’inspira de ces événements naturels pour son roman Derborence.

«Le phénomène des éboulements, crues et inondations existe depuis toujours dans les Alpes. Ce qui change, sous l’effet probable du réchauffement climatique, c’est la fréquence de ces événements, qui s'accélère»
Walter Wildi, professeur honoraire de géologie à l’Université de Genève

En octobre 2000, la tragédie de Gondo, en Valais, faisait seize morts. En juillet 2024, un glissement de terrain tuait trois personnes dans le Val Maggia, au Tessin. Un mois plus tôt, des crues exceptionnelles faisaient déborder le Rhône en sa partie valaisanne. En avril dernier, une coulée de boue, d'arbres et de pierres en amont de Viège causait d’importants dégâts.

Que fait le politique?

Contacté, le conseiller aux Etats valaisan Beat Rieder (Le Centre), originaire de Wiler, la commune du Lötschental située en aval de Blatten, se veut volontaire autant qu’il est possible face aux aléas la nature.

«Mais il y a des situations où l’humain est comme désemparé. Il y avait des paravalanches sur le versant d’où est venue la catastrophe, mais aucun barrage n’aurait pu arrêter l’éboulement massif qui a englouti Blatten.»
Beat Rieder, conseiller aux Etats (VS-Le Centre)

«Ce qu’il faut, reprend l'élu haut-valaisan, c’est investir dans la prévention des risques, afin d’évacuer les habitants lorsqu’un drame est prévisible, comme cela a été fait avant l'éboulement de Blatten, mais aussi afin de parer par des travaux d’infrastructures aux événements les plus fréquents de la nature, pluies torrentielles, chutes de pierres, etc., sachant qu’aucune infrastructure ne pourra jamais empêcher ce qu’on appelle les catastrophes.»

Visiblement atteint par le drame de Blatten, Beat Rieder en appelle à la solidarité confédérale. Sur un plan plus politique, il estime que le rôle premier des pouvoirs publics est de «protéger les citoyens, que ce soit contre les menaces extérieures ou les menaces intérieures, les catastrophes naturelles en faisant partie». Quand viendra l’heure des arbitrages budgétaires, «Blatten, dit-il, devra avoir à la priorité».

Dans l'immédiat, ajoute Beat Rieder, «on peut penser que la catastrophe de Blatten aura un impact négatif sur le tourisme alpin en général et valaisan en particulier, du moins dans un premier temps.»

Le pergélisol, comme le lait sur le feu

Comme un hasard du calendrier, on apprenait, dimanche 25 mai, via la NZZ, que la Confédération veut surveiller les mouvements de terrain dans toute la Suisse à l'aide de satellites et qu'une publication des premières évaluations est prévue fin 2025.

Le projet de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), en phase de développement, se base sur des mesures radars par satellite (Insar). Comme l'a précisé une porte-parole de l’OFEV à l'agence de presse Keystone-ATS.

«L’objectif de ces observations est d’identifier des instabilités encore inconnues et notamment de détecter de nouveaux mouvements dus à la fonte du pergélisol dans toute la Suisse»

La catastrophe de Blatten dit la nécessité et l'urgence de ce nouveau dispositif.

- L'éboulement à Blatten
Video: youtube
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