La famille Xhaka «choque» ses voisins: le canton enquête
Dans le voisinage, la rumeur circulait que le père du footballeur Granit Xhaka était le propriétaire de cette belle bâtisse historique au jardin impressionnant. Aujourd'hui, seul le lierre a survécu. Il s’accroche encore aux souches qui parsèment le terrain.
Une semaine s’est écoulée depuis la disparition de ce jardin de Liestal (BL). Une habitante du quartier raconte:
Le terrain appartient à l’une des imposantes villas du Holderstöckliweg, un quartier un peu en retrait, bordant la voie ferrée des CFF. D’après les voisins, la maison était vide depuis environ deux ans.
Un coup d’œil au registre foncier confirme les bruits de couloir: la villa et son terrain appartiennent à la société Generation Immobilien AG. Son conseil d’administration réunit les deux joueurs de foot Taulant Xhaka et Granit Xhaka, et leur père Ragip Xhaka, président de l’entreprise. Rien d’étonnant à cela: de nombreux joueurs du FC Bâle et de l’équipe nationale suisse investissent leur fortune dans l’immobilier.
Construite en 1915, la propriété de Liestal s’étend sur environ 2600 mètres carrés. Le directeur de la société immobilière précise que la famille Xhaka souhaite «valoriser avec soin cette villa historique et créer de nouveaux logements dans ce bel environnement».
Protégée sur le papier, mais pas en pratique
La ville de Liestal ne dispose d’aucune réglementation protégeant les arbres. Les propriétaires peuvent donc, en principe, faire ce qu’ils veulent de leur jardin. Pourtant, la coupe des arbres a mis en émoi les autorités communales et cantonales, qui s’activent désormais en coulisses.
La propriété acquise par la famille Xhaka n’est pas anodine. Depuis 2003, la villa et tout le quartier alentour figurent à l’Inventaire fédéral des sites construits à protéger (Isos). Ces maisons, inspirées du style néoclassique ou du Heimatstil, ont été érigées entre 1913 et 1923. Jusqu’ici, la villa des Xhaka n’a toutefois fait l’objet d’aucune mesure de protection, ni communale ni cantonale.
Dans l’inventaire fédéral, on peut lire à propos du Holderstöckliweg qu’il s’agit de «villas représentatives au sein de vastes jardins d’effet paysager». Une formule révélatrice: ce ne sont pas seulement les maisons qui comptent, mais aussi leur cadre végétal.
Le quartier figure dans la catégorie de protection la plus élevée de l’inventaire, ce qui signifie que les bâtiments et les espaces libres doivent être conservés dans leur substance. Même si l’Isos n’a pas de valeur contraignante, le Tribunal fédéral a rappelé par le passé que cantons et communes doivent en tenir compte.
Une jurisprudence claire contre les Xhaka
Dans une affaire précédente à Zurich, la plus haute instance du pays a tranché: les autorités locales doivent mettre en balance la protection du patrimoine et d’autres intérêts publics, comme la création de logements ou la densification urbaine. Lorsque l’Isos attribue un «objectif de conservation A», l’intérêt à la préservation est considéré comme particulièrement important.
Avant/Après
Le jardin du Holderstöckliweg figure aussi sur la liste suisse des jardins et parcs historiques de l’association Icomos. Là encore, cette inscription n’a pas de valeur juridique, mais elle signale que le site est «potentiellement digne de protection». Une voisine ajoute:
Certes, le terrain à l’abandon comptait des arbres malades ou instables, reconnaît-elle, «mais la coupe quasi totale a choqué les habitants», qui ont aussitôt alerté la ville.
Le secrétaire municipal Cemi Thoma confirme que la commune a entamé un dialogue avec les propriétaires et «suspendu tout nouvel abattage d’arbres jusqu’à la fin des discussions». Il précise: «Nous examinons actuellement si les arbres ont été abattus sans autorisation». Aucun projet de construction concret n’a pour l’heure été déposé.
Les autorités prises de court par la famille Xhaka
Le canton de Bâle-Campagne s’est également saisi du dossier, via le service cantonal des monuments historiques, comme le confirme sa porte-parole Andrea Tschopp.
La coupe a pris tout le monde de court, y compris les autorités cantonales, comme nous l'annonce Andrea Tschopp :
Une rencontre était déjà fixée.
De son côté, la société Generation Immobilien AG justifie la coupe rapide par des raisons de sécurité. «Une grande partie des arbres, faute d’entretien pendant plusieurs années, était en mauvaise santé», écrit son directeur. Plusieurs arbres ont déjà dû être abattus en 2024, à la suite d’alertes du voisinage sur des risques concrets.
Une expertise arboricole a ensuite confirmé la dégradation du couvert végétal. «Après les fortes tempêtes de fin août 2025 et de nouvelles chutes de branches, le risque pour les personnes et les bâtiments n’était plus tolérable», affirme la société, qui dit avoir agi en conséquence.
Quatre jours avant le début des travaux, le bureau d’architectes Fortuna, basé à Münchenstein (BL) et dirigé par le même responsable que Generation Immobilien, a informé les riverains. Dans son courrier, il annonçait:
Une semaine plus tard, seules subsistent la haie longeant les rails et quelques souches. Les propriétaires assurent que la situation des derniers arbres est maintenant évaluée avec la ville. «La sécurité reste notre priorité absolue», précisent-ils.
Le vaste terrain ressemble désormais à une friche. Lors d'une tempête dans la nuit de ce lundi 6 octobre, la clôture s’est effondrée. Le lierre qui la maintenait debout ayant perdu son emprise sans arbres.
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder