La dernière vague caniculaire qui a frappé la Suisse début août l'a rappelé: en été, les températures sont nettement plus élevées en ville qu'en périphérie ou à la campagne. En cause, la densité du tissu urbain, ainsi que les caractéristiques de certains matériaux de construction.
C'est notamment le cas des toits, souvent sombres, qui absorbent l’énergie solaire et la transmettent à l’intérieur du bâtiment sous forme de chaleur. «Les toits bitumineux se réchauffent de manière exponentielle», illustre Robin Liengme, fondateur et directeur d’Eco Peinture, à Genève.
L'une des pistes privilégiées pour lutter contre la chaleur dans les villes passe précisément par les toits. Elle consiste à les peindre en blanc pour les maintenir frais. Appelée «cool roofing», cette technologie est déjà utilisée aux Etats-Unis et fait ses débuts dans notre pays: l'entreprise de Robin Liengme est l'une des rares proposant ce service en Suisse romande, où l'intérêt pour cette pratique est en hausse.
A première vue, le cool roofing semble s'inspirer de l'architecture traditionnelle des pays du sud, plus exposés à la chaleur. Mais cette technologie ne recourt pas à de la simple peinture blanche. Robin Liengme se sert par exemple d'une composition de microbilles de céramique, utilisée par la Nasa. «Elle réfléchit la lumière à plus de 92%, alors qu'une simple peinture blanche la réfléchit à moins de 45%», explique-t-il.
Autre avantage: la peinture thermo-réflective évite l’inertie des matériaux. «Cela veut dire que sa température baisse dès que le soleil se couche, contrairement à ce qui arrive avec la pierre ou le béton, qui stockent la chaleur et la distribuent pendant la nuit», développe Robin Liengme. Ce phénomène, appelé îlot de chaleur, augmente «nettement» la fréquence des nuits tropicales dans nos villes, affirme MétéoSuisse.
Les effets de cette peinture thermique sont immédiats, assure le peintre. «Après une première couche, la température passe de 60 à 33 degrés. Après une deuxième, on est à 27. Soit une température inférieure à celle de l'air ambiant», illustre-t-il.
L'effet se répercute à l'intérieur de l'immeuble. «On sait que la chaleur a tendance à monter. Avec cette peinture, il est possible de refroidir toutes les pièces de manière homogène», explique Robin Liengme. Lequel ajoute que les microbilles de céramique ont également un pouvoir isolant.
Seul désavantage, le coût. La peinture thermique, fabriquée en Allemagne, est quatre à cinq fois plus chère que la peinture normale. «Il n'y a pas beaucoup de fabricants, et sa mise en œuvre est onéreuse, notamment de par l’obligation de pose d’échafaudages de sécurité», précise Robin Liengme.
Selon le fondateur d'Eco Peinture, la peinture peut s'appliquer à plusieurs types de support, comme des toits bitumineux, des tuiles, des murs et même des monuments historiques. Ce qui fait qu'elle peut être utilisée pour des entreprises, comme chez les particuliers. De plus, complète Robin Liengme, elle existe en plusieurs couleurs.
La peinture thermique fait d'ailleurs l'objet d'un test à l'aéroport de Genève. Robin Liengme a été mandaté pour peindre le toit du satellite 20, l'une des quatre salles d'attente situées directement sur le tarmac et qui ne sont pas climatisées. «Il fait un peu plus chaud dans le satellite 20, car il n’a pas de couloir périphérique», explique un porte-parole de l'aéroport. «Ce projet vise à réduire la température du satellite en attendant sa rénovation, afin d’améliorer le confort des voyageurs. Toute réduction de température qui n’engage pas d’énergies est bienvenue».
Le test a démarré le 18 juillet et devrait se terminer début septembre. Robin Liengme décrit un chantier «pas facile», notamment à cause du kérosène et des conditions atmosphériques. «Nous devons prévoir un entretien régulier pour garder les performances de la peinture: chaque jour nous nettoyons la surface qu’on va peindre dans la journée», développe-t-il. Malgré ces difficultés, les résultats sont «substantiels»:
Sur une vidéo que Robin Liengme a tournée sur le toit, on voit la température passer de 66 degrés au-dessus du toit bitumineux à 28 lorsqu'il pointe son thermomètre laser sur une partie couverte de peinture blanche. Si les tests vont se révéler concluants, l'aéroport envisage de faire peindre les toits des satellites 30 et 40, indique encore le porte-parole.
S'agit-il d'une solution miracle? Selon Robin Liengme, il faut combiner plusieurs approches pour résoudre le problème de la chaleur dans les villes. «Je travaille également avec des biomatériaux. La terre crue ou le chaux-chanvre peuvent répondre à beaucoup d’attentes», explique-t-il. Et de conclure: