Jean M.*, 66 ans, est dans le train pour Lucerne avec son groupe de jass. Une longue journée, au cours de laquelle l'alcool a coulé à flots, touche à sa fin. Jean M. est agité. Il porte un masque, mais un autre passager voyage sans. Jean M. attire l'attention de cet individu sur les règles sanitaires en vigueur. Mais il ne l'écoute pas. Le ton monte. Les hommes s'affrontent.
Ce n'est qu'à la gare de Lucerne que les hommes peuvent être séparés par d'autres voyageurs. Un conducteur de train veut savoir ce qui se passe. Jean M. pousse violemment l'employé des CFF et s'élance à nouveau vers son interlocuteur. Finalement, la police intervient et menotte le retraité.
Son opposant renonce à porter plainte. Toutefois, les violences et les menaces à l'encontre des fonctionnaires constituent une infraction. Elles doivent donc être poursuivies d'office. Si l'infraction a lieu sur le chemin de fer, c'est le Ministère public de la Confédération qui est compétent. L'organe condamne Jean M. à une peine pécuniaire avec sursis.
Changement de décor dans un train Intercity voyageant de Brigue à Berne. Marc P.*, un Valaisan de 47 ans, est assis dans le wagon-restaurant. Il a son masque sous le nez. Le contrôleur entre dans le wagon et lui demande de mettre le masque correctement. Marc P. répond qu'il ne peut pas le faire à cause d'un eczéma sur sa joue.
L'employé du bar soutient son collègue. Il déclare que ces mesures ne viennent pas des CFF, mais de l'Etat, et qu'ils ne font que les appliquer. Marc P. explose. Il dit que c'est exactement comme ça que ça a commencé en Allemagne il y a 80 ans. «Nazi!», crie-t-il en pointant l'homme du doigt.
Le Ministère public de la Confédération condamne également Marc P. par voie d'ordonnance pénale pour injures et violation de l'ordonnance Covid.
Dans un rapport interne de la situation actuelle en matière de sécurité, les CFF dénoncent en premier lieu «les agressions envers le personnel et les déplacements sans billet valable». Ces pratiques augmentent, mais «pas de manière significative», selon l'entreprise.
Un porte-parole des CFF affirme qu'en raison de l'obligation de porter le masque, le personnel fait l'objet de «menaces verbales diverses». Les agressions à l'encontre des employés des CFF sont également devenues plus graves. En moyenne, un employé est victime d'une agression tous les deux ou trois jours. Ce nombre est toutefois en légère baisse depuis 2019.
Les CFF ne fournissent plus de chiffres détaillés. Par le passé, ils publiaient davantage d'informations dans leur rapport annuel. La raison officielle de ce changement est la suivante: les CFF ne voulaient pas prendre le risque de déclencher un effet d'imitation.
A la demande de CH Media, l'Office fédéral de la statistique (OFS) a procédé à une évaluation de la criminalité dans le paysage des chemins de fer. L'OFS a donc examiné toutes les accusations de violence et de menaces contre des fonctionnaires et des représentants de l'ordre qui ont eu lieu dans les gares, les zones ferroviaires, les arrêts, les trains, les bus et les tramways.
Les chiffres montrent que le nombre de rapports n'a cessé d'augmenter au cours des cinq dernières années. Dans les trains, les incidents ont récemment légèrement diminué, comme l'indiquent les CFF. Cependant, comme le nombre d'agressions dans les gares a fortement augmenté, il y a une augmentation globale.
La plupart de ces incidents ont lieu dans les gares. Les conducteurs de train ont donc la possibilité de se retirer en cas de conflit. C'est souvent la police qui accueille les passagers à la descente du train. Parfois, c'est seulement à ce moment-là que les choses s'aggravent.
Le syndicat du personnel des transports reçoit de nombreuses plaintes provenant de deux régions en particulier: «Les points chauds sont la Suisse occidentale et Zurich». En Suisse romande, on voit parfois des bandes dans les trains qui harcèlent le personnel et les passagers. A Zurich, l'ambiance est parfois agressive envers le personnel la nuit.
Jürg Hurni, secrétaire syndical du personnel des transports, regrette que les CFF gardent les chiffres exacts secrets: «La transparence serait importante».
Selon Jürg Hurni, le problème réside dans le nouveau concept des CFF. Celui-ci ne prévoit plus de double accompagnement systématique: «si un train circule en double composition, il y a parfois un agent de train à l'avant et le deuxième à l'arrière. Dans une situation délicate, ils ne peuvent pas s'entraider, ils se sentent seuls».
Les CFF assurent que grâce à ce nouveau concept, la planification des opérations est plus flexible. Sur les itinéraires critiques, le personnel peut ainsi être renforcé.
*Prénoms d'emprunt
Traduit de l'allemand par Anaïs Rey