Lausanne, mercredi, 22 heures. Après un dîner avec sa fille au restaurant, Julie* regagne la gare CFF pour prendre le chemin de la maison, dans le canton de Berne. Us n'est pas coutume pour cette avocate et utilisatrice régulière des transports publics, qui a plutôt l'habitude d'arriver sur le quai à la dernière minute: elle a dix bonnes minutes d'avance. Ça tombe bien. Son train est déjà là, sur la voie 5. Départ prévu à 22h15 en direction de Bienne. Elle n'a qu'à se glisser à l'intérieur pour bouquiner.
Le nez plongé dans son téléphone, Julie n'a pas réalisé que son wagon est curieusement vide lorsque le train se met en branle et démarre. Premier froncement de sourcils. Bizarre, bizarre... Pourquoi part-il dans la direction opposée? Le train continue sa lente avancée depuis quelques minutes quand soudain, son wagon se trouve brutalement plongé dans les ténèbres. Noir complet.
«D'autant que je n'avais entendu aucun message prévenant que le train allait être manœuvré. Sinon, il est évident que je serais descendue à la vitesse grand V!» poursuit-elle. Dans la panique, l'avocate passe un premier coup de fil à sa fille, qu'elle vient de laisser à la gare de Lausanne. Faute de meilleure idée, l'intéressée lui suggère avec impuissance de contacter les CFF au plus vite.
La première tentative d'appel de Julie la renvoie sur la liste d'attente du «Rail services». Le train, lui, poursuit sa route à basse vitesse. Il l'achèvera quelques kilomètres plus loin, à Pully (VD). Julie tente alors vainement d'ouvrir les portes pour sortir du train à l'arrêt. Sans succès. En guise de maigre consolation, la lumière se rallume.
Surviennent, enfin, des nouvelles de la hotline. La passagère parvient à joindre un employé des CFF qui lui demande calmement le numéro de son wagon. Elle n'en a aucune idée. Rassurant, il la prie de prendre son mal en patience encore une dizaine de minutes. Il la rappellera. «A ce stade, une partie de moi se préparait déjà à devoir passer la nuit dans ce train», se souvient Julie avec un sourire.
Ce ne sera pas le cas. Quelques instants plus tard, un employé du service de nettoyage découvre avec surprise cette passagère désemparée au milieu du wagon vide. Il l'escorte jusqu'à la sortie et contacte son supérieur pour sortir Julie d'affaire et la ramener vers Lausanne. Quand la cliente suggère qu'elle n'a qu'à longer les voies à pied, il s'affole.
Dans sa malchance, Julie s'en tire bien. Un mécanicien s'apprête justement à repartir en direction de Genève, avec un arrêt à Lausanne, à bord d'un autre appareil. Elle arrivera même à sauter dans le dernier train à destination de Bienne. Celui dans lequel elle s'est retrouvée coincée, lui, ne redémarrera que le lendemain matin, à 5h45.
L'incident de Julie est «plutôt rare», précise à watson le porte-parole des CFF, Jean-Philippe Schmidt. Dans ce cas précis, nous explique-t-il, le train en question était composé de deux rames, dont seule l'une repartait à 22h15 pour Bienne. L'autre rame, quant à elle, était destinée à être acheminée au dépôt. Dans ce cas, l'inscription «Fermé» apparaît sur les panneaux d'affichage de la rame en question.
Julie ne l'avait pas remarqué.
Un accident est toutefois vite arrivé. Que faire, alors, si un passager inattentif grimpe dans la mauvaise rame? «Dans ce genre de cas», recommande Jean-Philippe Schmidt, «la meilleure chose à faire est soit d'appuyer sur le bouton SOS, près des portes de sortie des rames qui en sont équipées, ou alors de contacter la Police des Transports (0800 117 117)».
Mais avant d'en arriver là, les CFF vous recommandent de bien ouvrir l'œil. Les trains composés de plusieurs rames avec des destinations différentes ne sont pas si rares en Suisse romande, comme les trains RE pour Annemasse ou Genève, ou encore certains trains du RER Vaud pour Vallorbe ou La Vallée de Joux. Méfiance, donc!
(*nom d'emprunt)