Le Conseil fédéral doit expliquer aux autres Etats que la Suisse en fait déjà assez en matière climatique, selon une commission du Conseil des Etats. Elle s'est dite «préoccupée» par le récent arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
La commission des affaires juridiques du Conseil des Etats proposera à son plénum d'adopter une déclaration en ce sens durant la session d'été. Elle a pris sa décision par 10 voix contre 3, a précisé mardi devant les médias son président, Daniel Jositsch (PS/ZH).
La commission reconnaît la valeur de la CEDH et de ses arrêts, il s'agit d'une instance «précieuse» en Europe pour protéger les droits humains, a relevé M. Jositsch. Mais l'interprétation de la loi a des limites, et la CEDH a tendance à les dépasser.
Ce n'est pas le rôle d'un tribunal de développer de nouveaux droits humains. La poursuite des objectifs climatiques est une tâche politique, et non celle de la CEDH, a continué le Zurichois. Cette décision de la cour concerne tous les pays et ils doivent se rendre compte qu'elle peut avoir aussi de l'effet pour eux.
La commission se range toutefois toujours derrière les objectifs climatiques, a indiqué M. Jositsch. Et de rappeler que la Suisse s'engage déjà pour ces objectifs.
Le Zurichois a cité la nouvelle loi sur le CO2, que le Parlement vient d'adopter et qui devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2025 s'il n'y a pas de référendum. La précédente mouture avait été rejetée par le peuple en juin 2021. La Suisse fait ce qu'elle peut dans un Etat démocratique, a-t-il souligné.
Dans la déclaration, la commission évoque aussi la loi sur la protection du climat, acceptée par le peuple en juin dernier, qui fixe la neutralité carbone d'ici 2050. De même que la loi sur l'électricité, en votation le 9 juin.
La position de la commission n'est pas du goût des Vert-e-s. Dans un communiqué, la sénatrice Céline Vara (NE) s'indigne:
A l'origine du recours à Strasbourg, l'association des Aînées pour le climat considère qu'avec cette prise de position, les parlementaires foulent au pied les droits fondamentaux de toutes les femmes âgées en Suisse. Ils appuient leur position sur des arguments déjà avancés par la Confédération pour sa défense devant la CEDH, et rejetés par la Cour dans son verdict, ajoute l'association dans un communiqué mardi.
Les membres de la commission du Conseil des Etats «se prennent pour des juges et ne respectent pas la décision de la CEDH», déclare Cordelia Bähr, principale avocate des Aînées pour le climat Suisse.
Elle poursuit: «C'est une trahison envers nous, les femmes âgées, et envers toutes les personnes qui souffrent aujourd'hui et souffriront à l'avenir des conséquences bien réelles du réchauffement climatique».
Dans une affaire portée par l'association des Aînées pour le climat, l'arrêt du 9 avril dernier condamnant la Suisse pour inaction climatique est définitif et fait jurisprudence. Pour la première fois, un Etat s'est fait épingler en la matière.
Berne a l'obligation de le respecter et donc de redoubler d'efforts contre le changement climatique. La Confédération a aussi été condamnée à verser 80 000 euros (environ 78 500 francs) à l'association pour frais de justice.
Le jugement avait suscité autant de réactions enthousiastes que courroucées. Les organisations écologistes, les Vert-e-s et la gauche avaient salué le verdict tandis que l'UDC l'avait fustigé et exigé la sortie de la Suisse du Conseil de l'Europe.
Au Centre et au PLR, des élus avaient rappelé l'importance des voies démocratiques internes et estimé que la CEDH est sortie de son rôle en acceptant des revendications politiques. Le Conseil fédéral avait temporisé, souhaitant d'abord lire en détail le jugement. (hun/ats)