Les intempéries amènent le prochain débat sur la question de savoir si la Suisse gère correctement les risques liés au changement climatique. Car cette fois encore, les conséquences sont graves dans les Grisons, avec des morts et des disparus. De plus, après les pluies extrêmes, l'autoroute A13 risque de rester bloquée longtemps en plein milieu des vacances d'été – et donc de provoquer un chaos dans la circulation.
Le géologue Adrian Pfiffner pose, dans 20 Minuten, l'une des questions les plus urgentes: «Où construisons-nous quoi?» Il faudra y réfléchir encore plus à l'avenir. Car comme l'espace est limité, la Suisse a commencé à construire aussi dans des endroits où les risques sont plus importants.
Les experts du conseiller immobilier Wüest Partner se sont penchés sur cette question dans une étude et sont parvenus à la conclusion suivante:
On construit notamment beaucoup dans les endroits où le risque d'inondation, de tremblement de terre, de coulées de boue ou de ruissellement est élevé. Ce dernier devient un danger lorsque l'eau de pluie ne s'infiltre plus lors de pluies extrêmes et qu'elle s'écoule sur des terrains dégagés, causant ainsi des dommages.
Cette ignorance du changement climatique a été démontrée par l'analyse suivante. Les auteurs de l'étude de Wüest Partner ont notamment pris toutes les intempéries que l'Institut fédéral de recherche WSL a enregistrées depuis 1972 dans une base de données des dommages. Ils ont ainsi créé une nouvelle carte sur laquelle est indiquée l'ampleur des dangers naturels pour chaque lieu de Suisse.
Sur cette nouvelle carte, les chercheurs ont ensuite indiqué les endroits où l'on construit quelque chose. Ils ont obtenu ces données à partir du registre des bâtiments et des logements, où quelque 10 000 bâtiments étaient en projet, autorisés ou en construction. A la fin de l'analyse, il était possible de voir, pour chaque projet de construction, l'importance des risques naturels – et le fait que ceux-ci ne sont justement pas suffisamment pris en compte.
Selon l'étude, il n'y a pas eu jusqu'à présent de changement de mentalité ou de réaction face au changement climatique. C'est ce que montre une comparaison temporelle. Il n'apparaît pas que les dangers soient évités dans la construction. Dans certains cas, on construit même davantage qu'auparavant dans des endroits à risque.
Selon les auteurs:
Dans son rapport sur la stabilité, la Banque nationale suisse (BNS) reconnaît que le changement climatique peut représenter un risque «supplémentaire» pour le secteur financier via le marché immobilier, en plus des risques traditionnels comme la baisse des prix de l'immobilier. En effet, les hypothèques sont, de loin, la valeur patrimoniale la plus importante pour de nombreuses banques. Et ces hypothèques sont garanties par des biens immobiliers qui pourraient perdre de la valeur en raison du changement climatique. Les banques pourraient alors se retrouver en difficulté.
Dans un premier temps, la BNS a analysé les risques dits transitoires, comme elle l'écrit dans le rapport de stabilité. Ceux-ci peuvent survenir lorsque de nouvelles lois ou ordonnances obligent les propriétaires à rénover leur bien immobilier à leurs frais, par exemple pour atteindre un standard minimum d'efficacité énergétique.
Mais il semble qu'il n'en résulte pas encore de risques qui préoccupent la BNS. Les estimations préliminaires montrent que les conséquences moyennes sur les bilans des banques sont restreintes par rapport aux dommages que pourrait causer, par exemple, une grave récession. La BNS a d'ailleurs nuancé ses propos en précisant que les données disponibles publiquement devaient d'abord être améliorées «pour permettre une évaluation plus solide des risques transitoires».
Et la BNS n'a pas encore analysé un deuxième type de risque que le changement climatique pourrait faire peser sur le marché financier: la destruction physique de biens immobiliers. Un risque dont la Suisse vient de faire les frais dans le Val Mesolcina avec la détérioration, voire la destruction de bâtiments.
La Suisse n'est, cependant, pas le seul pays qui semble encore sous-estimer les conséquences du changement climatique sur le marché immobilier. Comme l'écrit Wüest Partner, une étude sur les Etats-Unis a montré que l'immobilier y est surévalué d'un montant de 44 milliards de dollars. Les investisseurs – surtout privés – ignoreraient encore le changement climatique et ses conséquences.
Le coût exact du changement climatique sur le marché immobilier est un jeu de devinettes. Le ciel sait par quelles voies tortueuses le changement climatique se répercutera et quelles mesures correctives seront nécessaires. Msci – une entreprise qui crée des indices financiers – s'est risquée à une estimation.
Les investisseurs institutionnels, comme les caisses de pension ou les assurances, pourraient ainsi perdre près de 9% de leur portefeuille immobilier total. Si tous les immeubles d'habitation du monde étaient touchés de la même manière, la facture s'élèverait à 25 billions de dollars – 25 000 milliards de dollars.
Le magazine britannique The Economist a récemment mis en garde contre la «prochaine catastrophe immobilière» en expliquant les conséquences à ses lecteurs du monde entier: