Qu’est-ce qui a bien pu se passer dans la tête de Sanija Ameti pour qu’elle en vienne à tirer au pistolet sur une image représentant la Vierge Marie et l’Enfant Jésus, visant tout particulièrement les visages? Les visages d’une mère et de son fils, indépendamment de toute référence religieuse. Un passage par le divan d’un psy serait peut-être indiqué en la circonstance.
Dans l’immédiat, face au scandale suscité par son geste totalement déraisonnable, la très en vue et très zurichoise Sanija Ameti a présenté sa démission de la direction des vert'libéraux, mais pas du parti, visiblement. Une démission complète que la direction exige pourtant désormais, selon un communiqué publié lundi dans l'après-midi. Son acte – les tirs, suivis de la publication, avant effacement et excuses, d’un post Instagram relatant son «exploit» – tient moins du blasphème religieux que de la rupture du pacte social, qui veut qu’on ne tue pas, fût-ce symboliquement.
Il y a rupture du pacte social, surtout, lorsque, comme elle, on est une élue, en l’occurrence au parlement de la ville de Zurich. Ainsi que le souligne la directrice de l'association albanophone albinfo.ch Vjosa Gërvalla jointe par watson, «son acte est condamnable en tant que geste politique touchant à l’espace symbolique des gens», ici, la religion, la foi, le domaine intime.
Les vert’libéraux peuvent se sentir particulièrement trompés par l’acte de Sanija Ameti. Voici un parti parmi les plus progressistes, grand ouvert à la diversité, dont l’une des figures les plus parfaitement intégrées embarrasse la famille qui lui a mis le pied à l’étrier de la carrière politique. Un sentiment d’ingratitude – sentiment sans doute ambigu – a dû traverser les rangs vert’libéraux.
Mais tous en leur sein n’ont pas découvert avec son «carton» sur une Vierge à l’Enfant le goût pour la provoc de cette brillante jeune femme, militante pour l’adhésion de la Suisse à l’Union européenne. Quelques-uns qui goûtaient peu son style parfois rentre-dedans souhaiteraient la voir quitter définitivement le parti – la direction des vert'libéraux a engagé contre elle une procédure d'exclusion .
Ce n’est pas la première fois que des représentants prometteurs de la diversité «pètent les plombs». Cela peut être dû à un sentiment d’imposture, à l’impression de se heurter à un plafond de verre. Dans le cas de Sanija Ameti, on se perd en conjectures, tant son acte manqué, si c’en est un, ne semble obéir à aucun de ces cas de figure. Elle avait l’avenir pour elle.
Faut-il voir dans ses tirs sur une image extraite d'un catalogue d'art une résurgence des guerres d’ex-Yougoslavie? Elle, la descendante d’une famille de Bosnie-Herzégovine, porte-t-elle en elle un ressentiment contre la Serbie orthodoxe, qu’aurait réactivé une illustration chrétienne? Quoi qu’il en soit, son acte, un brin pervers en ce qu’il prenait pour cible l’image d’une mère et de son enfant, n’a pas vraiment d’excuses, sinon des explications psychologiques.
Dans cette affaire, on observera la détermination des vert’libéraux à ne pas laisser sans suites un comportement civiquement condamnable. Cela tranche avec l’absence de toute sanction des socialistes vaudois à l’encontre de l'un de leurs élus pour ses likes sur des tweets antisémites.👇