Le tout sauf Trump, pardon, le tout sauf Ramchurn s’est imposé dimanche au second tour de l’élection complémentaire à la Municipalité d’Yverdon. Le candidat socialiste Julien Wicki, soutenu par les Verts et l’extrême gauche, l'emporte avec 51,97% des voix face à son adversaire (43,45%). Le vote blanc – 309 bulletins, auxquels s’ajoutent 31 nuls – tient sans doute au fait qu’une partie de la droite et du centre, qui n’avaient pas reçu de consignes de vote, n’a pas pu se résoudre à voter Ruben Ramchurn.
Qui sait, ce dernier aura peut-être pâti du spectacle affligeant donné par le président américain recevant Volodymyr Zelensky – ce qui serait injuste, car le cœur de l'intéressé bat pour l'Ukraine.
Ruben Ramchurn est du reste bien plus sympathique que Donald Trump, mais il a tout du populiste, faisant monter dix mayonnaises à la fois sur les réseaux sociaux. Remarquez, il ne manque pas d'ingrédients: les dealers, le parking, le plan d’agglomération, les affaires judiciaires, etc.
Dans cette élection acharnée, Ruben Ramchurn n’a pas été un candidat antisystème, mais un candidat anti-convenances. Il a bousculé la démocratie, la rendant plus vivante. Il a joué son jeu, celui de la gouaille, du sans-filtre, du sans-peur, s’offrant l’intégrale du kiff dont peut rêver un outsider, au fond, un marginal.
C’est son profil de blouson noir en costume trois-pièces ruant dans les brancards qui a plu aux 3274 électeurs ayant voté pour lui lors de ce second tour qui l'opposait aux notables locaux, comme on dit dans les vieux films. Son principal échec n’est pas sa défaite, des plus honorables, mais son incapacité à réveiller les abstentionnistes: 63% des électeurs ne se sont pas déplacés dimanche 2 mars pour voter pour le «candidat du peuple» ou lui faire barrage.
Julien Wicki, le vainqueur du jour, est tout sauf un marginal. Ses idées de gauche sont à peu près partout au pouvoir dans les villes. Face à la personnalité insaisissable de Ruben Ramchurn, il incarnait, non pas la tranquillité, mais la sécurité. On ne peut pas blâmer les Yverdonnois d’avoir préféré la figure du prof installé, doyen du gymnase de la ville, à celle, aventureuse, du shérif autoproclamé, même si beaucoup lui sont reconnaissants d'avoir mis le nez des autorités dans la poubelle du deal de rue.
Ruben Ramchurn peut se sentir victorieux dans un certain sens. Car pour le battre démocratiquement, ses adversaires ont sorti l’artillerie lourde dans l’entre-deux-tours: il est apparu comme complice de menaces, des plaintes visant l’un de ses amis ont été portées à la connaissance du public. Ces éléments «à charge» ont sans doute retenu des électeurs de voter pour lui. L'intéressé s'est aussi laissé aller à des dialogues de potes sur les réseaux sociaux, faisant douter de sa capacité à se glisser dans l'habit du conseiller municipal.
A-t-on assisté à un «one shot»? Le western qu’on vient de vivre dans le Nord vaudois aura-t-il une suite? La droite, hors jeu durant cette élection complémentaire, va-t-elle se ramchurniser pour espérer l’emporter l’année prochaine face à la majorité de gauche? Le perdant pense-t-il déjà à prendre sa revanche?