Il a fait l'effet d'un éclair rose, au milieu d'un ciel décidément bien noir. Entre la mine atterrée du patron démissionnaire de l'armée, Thomas Süssli, et le costard austère du patron démissionnaire du Service de renseignement, Christian Dussey, il était là. Bien visible. Au point, peut-être, de faire un peu mal aux yeux. Le foulard rose de Viola Amherd.
Un choix audacieux, c'est peu de le dire. Car ce rose est un rose joyeux. Optimiste. Energique. Un rose qui donne la pêche et l'envie d'une plage de Miami gorgée de soleil comme un fruit trop mûr. Un rose constellé d'agrumes, de soucoupes volantes et de balles multicolores.
Bref, un rose qui tranche douloureusement avec la gravité ambiante et le sérieux de ce mercredi 26 février. Et plus encore avec la crise profonde du département que Viola Amherd s'apprête à léguer fin mars, à un successeur encore inconnu.
Cette nuance bonbon avait d'ailleurs déjà tapé dans l'oeil de nos confrères du Matin en 2019, à l'occasion d'une conférence sur de l'avenir de... Ruag. Coïncidence? Jamais, en politique.
La couleur avait le mérite toutefois de coller avec le message des responsables de la Défense, lors de la conférence de presse de ce mercredi. En trois mots? Tout va bien. Une crise? Quelle crise? Malgré les démissions, Viola Amherd a affirmé que la situation était «excellente» pour son successeur.
C'est ce qui s'appelle «voir la vie en rose». Ou, plus prosaïquement, se prostrer dans le déni.
Armée de son foulard, châtoyante au milieu des mines grises et de la misère ambiante, Viola Amherd voulait nous faire passer un message. Plus délicat et distingué qu'un grand «fuck» braillé au milieu d'une foule de journalistes brandissant leurs micros inquisiteurs et leurs questions accusatrices.
A quelques jours de sa retraite, la conseillère fédérale était déjà loin. Loin de cette salle de presse froide, des coups bas, des critiques amères et des manigances impitoyables de la Coupole. Sur un bateau de croisière, peut-être? Avec, allez, pourquoi pas, une Margarita dans la main? Ou une limonade au citron bien fraîche?
Au fond, avec un rose aussi absurde et décalé, difficile d'en vouloir à Viola Amherd. On serait même plutôt tenté de sortir notre mouchoir et lui adresser de grands gestes d'adieu au départ du navire. Et de lui souhaiter un bon voyage sous les tropiques.