Suisse
commerce

EPA, Vögele, Esprit: la longue liste des magasins morts en Suisse

EPA, Vögele, Esprit: la Suisse a été le cimetière de nombreux magasins

Ces dernières années, plusieurs enseignes bien connues ont disparu. L’occasion de revenir sur ces moments mouvementés et de rappeler ces noms qui ont marqué la mémoire collective.
25.10.2025, 15:5625.10.2025, 15:56
Florence Vuichard, Pascal Michel, Benjamin Weinmann / ch media

Migros, Coop et consorts dominent toujours la distribution helvétique. Le droguiste allemand Müller étend son réseau, tandis que son concurrent Rossmann ambitionne d’ouvrir jusqu’à 150 filiales en Suisse. Le discounter Action, lui, est déjà implanté. Mais, en contrepartie, les 25 dernières années ont vu disparaître nombre de chaînes, dont des grands magasins, des enseignes de mode, des spécialistes de la beauté et des acteurs du bio. Instant nostalgie avec ces marques qui ont fait leur trou à un moment donné.

ABM (1956–2000)

ABM, pour Au Bon Marché, appartenait au groupe Globus. Le premier magasin a ouvert en 1956 à Berne. À son apogée, la chaîne comptait environ 60 grands magasins en Suisse et s’était implantée en Autriche entre 1976 et 1996. Mais les résultats ont fini par décliner, et en 2000, Globus a transformé les 30 magasins restants en boutiques Oviesse, exploitées sous licence. L’expérience n’a pas duré longtemps.

Au Bon Marché
Au Bon Marché, chaîne de grands magasins qui a fermé dans les années 2000.Susan Basler

EPA (1929–2005)

Créée en 1929 par Maus Frères (propriétaires de Manor) et la famille Brann, EPA – acronyme d'Einheitspreis AG – est rapidement devenu une chaîne populaire de grands magasins à prix bas. Oscar Weber a repris la société en 1939. Vendue en 2001 à la famille Buhofer, puis à Coop en 2002, l’enseigne a disparu en 2005, et les 39 filiales ont été fermées ou converties en Coop City.

enseigne des magasins EPA
Pour de nombreux clients ces trois lettres signifiant produits à prix abordables. Susan Basler

Pick Pay (1968–2006)

Les deux discounters Denner et Pick Pay ont vu le jour à la fin des années 1960. Dans les années 1990, ils ont brièvement uni leurs forces pour briser la domination orange de Migros et Coop. Denner s'est imposé avec succès, mais appartient désormais à l'univers Migros, tandis que Pick Pay a connu moins de succès.

Enseigne des magasins Pick Pay
Le logo du discounter Pick Pay.Gaëtan Bally/ Keystone

Le discounter, qui proposait un assortiment important d'alcools et avait pour mascotte un corbeau, a d'abord été racheté par le groupe Hofer & Curti, puis élargi à la famille Usego et enfin intégré au groupe Bon Appétit, qui a lui-même été racheté en 2003 par le groupe allemand Rewe. Le succès n'était pas au rendez-vous. Lors de la liquidation du groupe suisse de commerce de détail, Denner a repris l'ensemble des 146 magasins Pick Pay et les a transformés en magasins Denner en l'espace d'un an.

City Disc (1985–2012)

Les propriétaires de Manor, Maus Frères, ont fondé la chaîne de CD et DVD City Disc en 1985, puis l'ont vendue à Jelmoli en 2001, qui l'a ensuite cédée au groupe de télécommunications français Orange en 2008. A cette époque City Disc comptait encore 24 filiales. Orange a progressivement réduit l’offre musicale pour vendre des téléphones, avant de fermer toutes les boutiques en 2012.

City Disc a fermé en 2012
Les branches Citydisc ont été reprises par l'opérateur télécom Orange, aujourd'hui Salt. walter Bieri /keystone

Charles Vögele (1955–2017)

Charles Vögele et son épouse Agnes Vögele-Anrig ont ouvert leur premier magasin à Zurich en 1955, posant ainsi la première pierre d’un futur groupe international de prêt-à-porter. Dès les années 1960, un vaste réseau de filiales s’est développé en Suisse. En 1979, Vögele a étendu ses activités en Allemagne, puis en Autriche en 1994, et dans les années 2000 aux Pays-Bas, en Belgique et dans plusieurs pays d’Europe de l’Est. En 2008, Migros est entrée au capital de cette société cotée en bourse et a porté sa participation à 25%, un investissement qui aurait finalement entraîné une perte de près de 100 millions de francs.

Monica Cruz, die Schwester der weltberuehmten Schauspielerin Penelope Cruz, rechts, und Andre Maeder, CEO Voegele, links, posieren auf dem roten Teppich, am ersten Tag der Voegele Fashion Days, am Mit ...
Monica Cruz, la sœur de l'actrice Penelope Cruz et Andre Maeder, PDG de Voegele, posent sur le tapis rouge lors de la première journée des Voegele Fashion Days, le mercredi 3 novembre 2010, à Zurich.Image: KEYSTONE

Car le déclin avait déjà commencé. Les tentatives de Charles Vögele d’attirer une nouvelle clientèle, en faisant appel aux actrices espagnoles Penélope et Mónica Cruz, ou à l’acteur allemand Til Schweiger comme ambassadeurs publicitaires, ont échoué.

«Ça me brise le cœur»
Agnes Vögele-Anrig face aux difficultés des magasins

A l’automne 2016, un groupe d’investisseurs, autour du groupe italien OVS (propriété de Coin), a racheté Charles Vögele. L’entreprise a été retirée de la bourse, les magasins ont changé d’enseigne. Mais cette nouvelle aventure a pris fin en moins de deux ans.

Blick auf die Charles Voegele Filiale an der Sihlstrasse, aufgenommen am Montag, 25. Juli 2016, in Zuerich. Die Modekette schliesst Ende Jahr ihre Filiale an der Sihlstrasse in Zuerich und wird durch  ...
Image: KEYSTONE

Oviesse, respectivement OVS (2000–2004 et 2016–2018)

Au début des années 2000, le groupe Globus a transformé ses grands magasins ABM en boutiques Oviesse. La maison de mode italienne devait, selon la promesse faite à l'époque, apporter enfin le succès tant attendu. Mais il n’en a rien été. En 2004, Globus a jeté l’éponge et C&A a repris la majeure partie des surfaces ainsi libérées.

Vers la fin de l’année 2016, les Italiens ont tenté un nouveau départ, cette fois sous le sigle OVS et dans les anciens locaux de la chaîne de prêt-à-porter Charles Vögele, alors en faillite. Mais à peine deux ans plus tard, OVS a déjà annoncé sa faillite en Suisse et a demandé un sursis concordataire. Fin juillet 2018, la dernière boutique OVS du pays a fermé ses portes.

Le détaillant de mode italien Oviesse n'a pas convaincu les clients suisses
Le détaillant de mode italien Oviesse n'a pas convaincu les clients suissesChristian Beutler

Schild (1922–2019)

L’entreprise de mode suisse est née en 1922, lorsque Adrian Schild a repris la société Volkstuch, spécialisée dans la confection de vêtements, et l’a transformée en enseigne de prêt-à-porter masculin comprenant plusieurs filiales. En 1972, la société, dont le siège se trouvait à Lucerne, a été rebaptisée Schild et comptait, à son apogée, 13 magasins. En 2004, un an après un rachat par les cadres avec l’aide d’une société d’investissement, Schild a repris les 17 filiales de la maison de mode Spengler, alors en difficulté.

Les affaires ont progressé péniblement, si bien qu’à l’automne 2013, les propriétaires ont vendu l’entreprise au groupe Globus, qui appartenait alors à Migros. Le nom Schild est resté, du moins dans un premier temps. Mais en 2019, toutes les filiales Schild ont été rebaptisées Globus ou fermées.

les magasins Schild auront tenu presque 100 ans
Les magasins Schild auront tenu presque 100 ansMartin Rütschi / keystone

Vögele Shoes (1922–2022)

L'entreprise suisse de commerce de chaussures Vögele Shoes a cessé ses activités fin 2022, l’année même où la chaîne devait célébrer son 100ᵉ anniversaire. Ses origines remontaient à 1922, lorsque Karl Vögele a ouvert une cordonnerie à Uznach, dans le canton de Saint-Gall. À la fin, l’entreprise exploitait encore 28 filiales et employait 131 personnes, qui ont toutes finies licenciées.

Avant cela, Vögele Shoes avait connu deux changements de propriétaire. En 2019, les actionnaires suisses majoritaires avaient vendu la société au groupe polonais CCC. Mais ce dernier n’avait pas rencontré le même succès qu'en Suisse. Après seulement deux ans, les Polonais ont revendu la chaîne à l’allemand CM Shoes et à un investisseur financier. À ce moment-là, Vögele Shoes comptait encore 116 filiales et 600 employés, et possédait également les marques Bingo Shoe Discount et Max Shoes. Les deux confinements liés au Covid-19, et la concurrence du commerce en ligne ont scellé la fin de l’entreprise.

les magasins Vögele Shoes ont fermé alors qu'ils fêtaient leur centième anniversaire
Les magasins Vögele Shoes ont fermé alors qu'ils fêtaient leur centième anniversaireAnthony Anex / Keystone

Yves Rocher (1971–2023)

Créé en 1965 en France, le groupe de cosmétique Yves Rocher est arrivé en Suisse en 1971. Mais ces dernières années, le marché de la «cosmétique naturelle» a décliné, et en 2023, le groupe qui porte le nom de son fondateur a décidé de se retirer de plusieurs pays et a fermé ses 15 magasins en Suisse.

Yves Rocher, groupe de cosmétiques fondé en France en 1965
Yves Rocher, groupe de cosmétiques naturels, a fermé ses portes en 2025 en Suisse

Esprit (1990–2024)

Le déclin de l’entreprise de mode Esprit, basée à Hong Kong, était déjà visible depuis quelques années. En 2010, la marque comptait encore 1100 magasins dans le monde, contre seulement 147 en 2023. Au printemps 2024, la marque, qui s’était implantée en Suisse dans les années 90 a décidé de fermer ses 23 magasins suisses.

Environ 150 employés ont perdu leur emploi. Les 19 boutiques détenues par des franchisés n’ont pas été directement concernées par la faillite, mais elles n’ont plus reçu de nouveaux articles après l’effondrement d’Esprit et ont dû, elles aussi, fermer ou se convertir à d’autres enseignes.

Esprit
Les boutiques de vêtements Esprit ont disparu des rues commerçantesimago

Melectronics (1969–2024)

En 1969, Migros a fondé la chaîne de magasins spécialisés en électronique Melectronics. Celle-ci comptait, à son apogée, plus de 100 filiales. Mais avec l’essor de la concurrence en ligne et la pression croissante sur les prix, l’activité s’est peu à peu érodée. Migros a d’abord réduit son réseau de magasins, puis, dans le cadre de sa nouvelle stratégie axée sur l’activité de supermarché, a décidé de se séparer de Melectronics. Le géant orange a pu vendre 20 filiales à Media Markt, tandis que les 17 restantes ont été fermées.

melectronics a fermé ses portes à 55 ans
melectronics a fermé ses portes à 55 ansMichael Buholzer/keystone

Depot (2009–2025)

C’est Migros qui a introduit Depot en Suisse en 2009. Celle-ci a acquis une première participation dans cette entreprise de décoration appartenant à la famille allemande Gries, puis a augmenté sa part. Le succès attendu n’est jamais venu. En 2019, Migros s'est alarmée de la situation et a revendu la chaîne à la famille Gries. Mais cette dernière n’a pas réussi non plus à remettre Depot sur les rails.

Début 2025, le chapitre suisse s’est refermé, et l’enseigne a déposé le bilan et fermé ses 34 filiales helvétiques. Située en Allemagne, sa maison mère se trouvait déjà, depuis la mi-2024, en procédure d’insolvabilité et de restructuration. L’essor des boutiques chinoises en ligne à bas prix comme Temu ou Alibaba, proposant coussins et vases décoratifs à des tarifs bien plus bas, n’a certainement pas aidé.

La fermeture du dépôt a entraîné environ 300 licenciements.
La fermeture du dépôt a entraîné environ 300 licenciements. Peter Schneider

Sport X (1999–2025)

Sport x succursale de Migros a fermé ses portes après 26 ans de service
SportX a fermé ses portes après 26 ans de serviceGeorgios Kefalas Keystone

La première filiale de Sport, enseigne d’articles de sport appartenant à Migros et anciennement connue sous le nom SportXX, a ouvert en 1999. En 2024, Migros a adopté une nouvelle stratégie et a décidé de vendre toutes ses enseignes spécialisées. Le groupe Dosenbach-Ochsner a repris 27 des 49 filiales encore en activité, les autres ayant fermé au plus tard fin février 2025.

The Body Shop (1983–2025)

Après 42 ans, The Body Shop a mis la clef sous la porte
Après 42 ans, The Body Shop a mis la clef sous la porteSteffen Schmidt keystone

Le succès de la chaîne britannique de cosmétiques fondée en 1976 par Anita Roddick reposait sur la promesse de renoncer aux tests sur les animaux. Mais, malgré ses principes éthiques, la direction cherchait avant tout la rentabilité, et a vendu l’entreprise en 2006 au géant mondial L’Oréal, qui l’a revendue à son tour en 2017 au groupe brésilien Natura.

Ce dernier l’a à son tour cédée en 2023, à perte, à la société d’investissement Aurelius. En 2024, The Body Shop a été placée sous sursis concordataire. Sur le plan commercial, l’enseigne n’allait déjà plus bien depuis longtemps. L’abandon des tests sur animaux n’était plus un argument unique. «Le positionnement autrefois unique de la marque n’existe plus aujourd’hui», constatait le détaillant Coop, qui exploitait The Body Shop en Suisse depuis 2010 en tant que franchisé. Le premier magasin suisse avait ouvert en 1983 à Zurich. Fin mai 2025, les 33 boutiques encore existantes avaient toutes fermé.

Alnatura (2012–2025)

Les 25 succursales Alnatura en Suisse fermeront à la fin de l'année.

La chaîne bio allemande a été la dernière victime de la réorientation stratégique de Migros. Le groupe Dutti ne voulant plus collaborer avec elle, Alnatura a dû abandonner ses 25 magasins suisses. L’entreprise n’a trouvé aucun nouveau partenaire, et, selon ses propres dires, le marché suisse ne pouvait être exploité de manière rentable en solo. Arrivée en 2012, Alnatura a longtemps profité du boom du bio. Mais récemment, elle a dû affronter l’inflation et les turbulences géopolitiques. Quelques produits de la marque restent toutefois présents dans les rayons de Migros.

Franz Carl Weber (1881–2025?)

L'Allemand Franz Philipp Karl Friedrich Weber émigra à Zurich et fonda en 1881 un magasin de jouets sous le nom de Franz Carl Weber.
Les jouets des magasins Franz Carl Weber se retrouvaient sous de nombreux sapins de Noël michael buholzer

L’Allemand Franz Philipp Karl Friedrich Weber a émigré à Zurich et y a fondé, en 1881, un magasin de jouets sous le nom de Franz Carl Weber. Après sa mort en 1948, son fils puis son petit-fils ont repris l’affaire. En 1984, la chaîne a été vendue à Denner. En 2006, Denner, intégré entre-temps à Migros, a revendu l’enseigne au groupe français Ludeno, qui a fait faillite en 2018.

Le directeur, Yves Burger, a alors racheté l’entreprise, avec le cofondateur de Digitec et conseiller national PLR Marcel Dobler, ainsi que le groupe Simba-Dickie, via un management buy-out. Un an plus tard, Yves Burger s’est retiré. En 2023, Marcel Dobler et Simba-Dickie ont eux aussi renoncé et vendu les 23 filiales à l’empire allemand des drogueries Müller. Celles-ci sont progressivement rebaptisées, et nombre d’observateurs estiment que 2025 pourrait marquer la dernière année d’existence de la marque Franz Carl Weber.

Traduit de l'allemand par Joel Espi

Le monde merveilleux du cervelat
1 / 12
Le monde merveilleux du cervelat

Des cervelats à l'ail et à la sauge

source: fooby
partager sur Facebookpartager sur X
En Chine, des capots de voitures sont utilisés comme aquariums.
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
Avez-vous quelque chose à nous dire ?
Avez-vous une remarque ou avez-vous découvert une erreur ? Vous pouvez nous transmettre votre message via le formulaire.
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
«On est tous au bord du burnout»: cette Romande raconte sa réalité de prof
Lors des récentes manifestations contre les coupes budgétaires voulues par l’Etat de Vaud, les enseignants ont fait entendre leur voix. Une enseignante vaudoise nous livre son ras-le-bol, révélateur d’une profession en difficulté.
La grogne est forte et les rues ont vu défiler de nombreux fonctionnaires vaudois pour marquer leur colère. Ils ont été nombreux à prendre part à ces multiples journées de mobilisation pour contester le budget 2026 annoncé par le Conseil d'Etat, qui désire économiser 305 millions sur la santé, l'éducation, l'action sociale et le personnel. On parlait d'un prélèvement salarial de 0,7% et un gel de l'indexation.
L’article