La ministre de la Défense Viola Amherd n'avait pas en tête une réforme du Service de renseignement suisse (SRC) lorsqu'elle a proposé en 2021 au Conseil fédéral le successeur de Jean-Philippe Gaudin, tombé en disgrâce. Elle aurait plutôt pensé à des améliorations ponctuelles.
Mais le nouveau chef des services secrets et ancien diplomate Christian Dussey, en poste depuis avril 2022, aurait développé une soif de création insoupçonnée et créé une nouvelle structure du service. Un nouvel organigramme, de nouveaux domaines d'activité pour la direction, bref: un nouveau service secret.
Ce projet a été approuvé par Amherd et son secrétaire général de l'époque, qui l'ont jugé satisfaisant.
C'est ainsi que l'on raconte, dans certains cercles bien informés de Berne, la genèse de la transformation en cours du SRC. En mars 2024, les membres de la nouvelle direction ont officiellement pris leurs fonctions.
Mais visiblement, la transformation du Service de renseignement de la Confédération (SRC) ne se déroule pas comme espéré. Si les postes du nouvel organigramme ont été progressivement pourvus, les moyens financiers n'ont pas suivi pour couvrir tous les salaires et réaliser les projets prévus.
Selon des sources, cette situation s'explique, entre autres, par la création de postes spéciaux pour plusieurs anciens cadres supérieurs, qui occupent le même échelon salarial, mais sans responsabilités de gestion. Par exemple, l’ancien chef de la gestion de l’information du renseignement, responsable de la base de données de protection de l’Etat ISIS, liée à la deuxième affaire des fiches, en 2010. A l’époque, 180 000 fiches de personnes avaient été jugées illégitimes ou non pertinentes et supprimées.
L'ancien chef de l'évaluation et du contrôle de la situation, autrefois vice-directeur, sera également maintenu à un poste spécial. Le nouveau personnel comprend également une ancienne chasseuse de têtes qui avait été impliquée dans le recrutement de Dussey et que ce dernier avait ensuite nommée vice-directrice du SRC.
L'un des résultats de ce bouleversement est le mécontentement du personnel, mais aussi la critique, par exemple de la part des cantons, selon laquelle les prestations du service auraient nettement diminué.
Selon les observateurs, le rendement du service est devenu faible. La «situation hebdomadaire», classée confidentielle et envoyée à de nombreux services de la Confédération et des cantons, ne contient «pratiquement jamais d'informations qui n'aient pas déjà été publiées dans les journaux».
Le rapport de situation annuel du service de renseignement est manifestement aussi victime de cette situation. Ce rapport, intitulé Sécurité de la Suisse, est généralement publié et présenté en juin; parfois même au printemps. Le rapport de situation Sécurité Suisse 2023 a été publié le 26 juin 2023, l'édition 2022 le 27 juin 2022. L'édition 2021 est parue le 10 juin 2021.
Le rapport, épais d'une centaine de pages, décrit l'évolution de la situation internationale en matière de sécurité et les principales menaces qui pèsent sur la Suisse. C'est un ouvrage de base important pour la politique, les autorités et le public. Mais jusqu'à présent, tous attendent en vain l'édition 2024. Mais alors, pourquoi n'est-il pas encore disponible? Ce retard est-il lié à des problèmes internes? Une question que s'est demandé CH Media (à qui watson apparient) à laquelle le SRC répond que:
La révision de la loi sur le SRC, qui devait initialement faire l'objet de débats parlementaires cette année encore, est également en route avec au moins un an de retard. La consultation a déjà eu lieu en 2022, mais il ne s'est pas passé grand-chose depuis. Comme le Conseil fédéral l'a indiqué vendredi, le projet sera en outre divisé en deux parties. La loi doit notamment donner aux services secrets de nouvelles compétences importantes pour surveiller les agissements violents et extrémistes.
Le service de renseignement est en difficulté. La cheffe du DDPS Viola Amherd a récemment mis un coach à la disposition du directeur. Son secrétaire général adjoint Marc Siegenthaler doit «accompagner la transformation du SRC et le soutenir avec des ressources». C'est ainsi que la NZZ a cité en août le service de presse du SRC. ses détracteurs estiment que Siegenthaler, ancien responsable des ressources humaines, n’a aucune expérience en matière de renseignement.
Lorsque le secrétariat général d'un département intervient dans un office fédéral, c'est qu'il y a le feu au lac. Ainsi, début septembre, le conseiller fédéral UDC Guy Parmelin a placé sa secrétaire générale par intérim à la tête de l'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays (OFAE). Le chef de l'OFAE, Hans Häfliger, ainsi que son adjointe quittent, quant à eux, leurs fonctions à la fin de l'année.
Dans ce contexte, une rumeur se répend, elle veut que le SRC ait également augmenté les salaires des nouveaux membres de la direction d'une classe salariale dans le cadre de la transformation. Cela ne peut toutefois pas être confirmé, bien au contraire. Selon le service de presse du SRC, les fonctions de la direction ont été réévaluées. Ils sont désormais répartis dans les classes de salaire 29 à 32. Cela correspond à des salaires annuels maximaux, sans allocations, allant actuellement de 200 000 à 234 000 francs.
Avant la transformation, les membres de la direction étaient dans les classes 29 à 33 (maximum: 253 000 francs). Le directeur est resté inchangé dans la classe de salaire 36 (314 000 francs). La question de savoir dans quelles classes les membres de la direction se trouvent effectivement aujourd'hui reste cependant sans réponse.
On dit du directeur Dussey lui-même qu'il aimerait devenir ambassadeur aux Etats-Unis. Avant d'être nommé à la tête du SRC, il a été brièvement ambassadeur en Iran.
Certes, ce n'est pas la première fois que le rapport de situation est publié en octobre. En 2020, année de la pandémie, il l'a été le 27. Seulement, le 16 mars 2020, le Conseil fédéral avait déclaré la «situation extraordinaire», le pays était sens dessus dessous. Dans son avant-propos au rapport de situation 2020, la conseillère fédérale Viola Amherd a déclaré:
A la différence de 2020, la «situation extraordinaire» concerne cette fois le SRC lui-même.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)