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Les cantons industriels ont besoin d'aide de la Confédération

Florence Nater face aux décisions de Donald Trump, qui ont fragilisé l’emploi industriel neuchâtelois.
Florence Nater face aux décisions de Donald Trump, qui ont fragilisé l’emploi industriel neuchâtelois.Image: watson

«On a besoin d'aide»: le deal avec Trump ne suffit pas à ces cantons romands

Dans une interview à watson, la cheffe de l'économie neuchâteloise, Florence Nater, dresse l'état des lieux après la parenthèse traumatisante des 39%. Elle fait part de ses doléances à la Confédération, qui rejoignent celles d'autres cantons.
19.11.2025, 05:3419.11.2025, 05:57

La conseillère d'Etat neuchâteloise Florence Nater accueille «avec soulagement» l'accord des droits de douane américains ramenés à 15%. Mais, ajoute-t-elle, la conjoncture dans son canton, celui qui dépend le plus, en Suisse, des exportations, demeure incertaine. Elle raconte en détail la période des 39%, les actions entreprises pour y remédier et dit ce que Neuchâtel et d'autres cantons attendent à présent de la Berne fédérale.

Le 4 août, dans une interview a watson, vous affirmiez que 32 000 emplois dans le canton de Neuchâtel étaient menacés par les droits de douane à 39% imposés par Donald Trump à la Suisse. Dans quel état est l’emploi dans votre canton au terme de cette parenthèse de plus de trois mois à 39%?
Florence Nater: Nous avons tenu le choc. Mais l’emploi reste fragile dans le canton.

«Le taux de chômage, qui était de 4,3% au mois de juin, est passé à 4,6% à fin octobre»

Le 22 octobre, en réaction, alors, aux 39%, mais aussi pour faire face à un front conjoncturel délicat avant même l’annonce des 39%, nous avons présenté au Grand Conseil un rapport en amendement au budget 2026. Ce rapport tient compte de la vocation industrielle et exportatrice de notre canton, 37% des exportations neuchâteloises étant destinées à ce propos aux Etats-Unis.

Quel est l’objectif de ce plan?
Il s’agit d’un plan d’action cantonal venant en appui des efforts déployés par les entreprises pour contrer une conjoncture au ralenti. Nous avons voulu affiner les montants nécessaires au maintien des emplois concrètement menacés. C’est pourquoi nous sollicitons huit millions de francs auprès du Grand Conseil. Il s’agit de se prémunir des effets de conjoncture, sachant que compte tenu de l’importance de son secteur industriel, le canton de Neuchâtel réagit plus brusquement qu’ailleurs aux soubresauts nationaux ou mondiaux. Cela s’était vérifié au moment de la crise des subprimes en 2009 et lors de l’abandon du taux plancher du franc suisse par la Banque nationale en 2015.

A qui sont destinés ces huit millions de francs?
Ils visent à renforcer les soutiens à la diversification des produits et des marchés des entreprises.

«Ils doivent permettre à des PME de ne pas sacrifier leur secteur recherche et développement, qui est généralement le premier à passer à la trappe quand les liquidités viennent à manquer»

Il pourra s’agir d’aides dites à fonds perdus pour le maintien d’un ingénieur ou d’une ingénieure dans ce secteur stratégique au sein de ces PME. Un autre volet de ces huit millions de francs vise à soutenir la formation continue des travailleurs et travailleuses pendant les périodes de RHT (chômage partiel). En effet, s’il y a là du temps libéré, toutes les entreprises n’ont pas forcément les moyens de financer la formation à ce moment-là.

Ce plan garde-t-il son utilité après l’annonce de la réduction de 39% à 15% des droits de douane américains?
Même si ces 15% sont un soulagement pour le canton, le Conseil d’Etat maintient ce paquet de mesures, compte tenu de la conjoncture, qui, je le répète, n’était pas au mieux avant les 39% du mois d’août, compte tenu, aussi, de l’incertitude autour des 15%, l’accord n’étant pas encore signé.

«Et puis, 15%, c’est plus que ce qui prévalait avant le printemps 2025»

Quels ont été les impacts concrets des 39% sur l’emploi de votre canton?
Nous ne pouvons pas affirmer que les licenciements qui sont intervenus depuis le mois d’août sont spécifiquement liés aux 39%. Mais ce que nous avons pu établir en revanche, en partenariat avec les faîtières patronales, c’est que les effets négatifs des 39% se seraient déployés et potentiellement durement fait sentir à partir de 2026.

Pourquoi pas avant?
Parce que, par exemple, des entreprises neuchâteloises disposant de sites aux Etats-Unis ont pu anticiper les effets des 39% grâce à leurs stocks ou par d’autres biais.

Demandez-vous aussi quelque chose à la Confédération?
Nous sommes en contact avec le Secrétariat à l’économie (Seco). Nous avons souligné, de concert avec le canton du Jura et le Jura bernois, les risques particuliers encourus par nos régions industrielles essentiellement exportatrices, alors que le KOF, l’institut des prévisions conjoncturelles de l’EPFZ, ne prévoyait pas, globalement, d’impacts majeurs des 39% sur l’économie suisse. Nous demandions donc instamment à la Confédération de poursuivre les négociations avec l’administration Trump. Nous nous réjouissons que cela ait été fait.

Avez-vous d’autres souhaits à adresser à la Confédération?
Dans l’idéal, nous aimerions qu’elle puisse envisager des mesures de soutien aux secteurs industriels fortement tributaires, comme les nôtres, d’évolutions conjoncturelles en dents de scie, dans l’idée de pouvoir préserver en Suisse les savoirs-faires industriels. Cela pourrait prendre la forme d’aides financières à la formation des personnes en RHT ou à la diversification de la production, justement.

«Autrement dit, la Confédération pourrait appuyer de son côté les efforts que nous, cantons, entendons déployer en faveur de la préservation du tissu industriel»

Et du côté de la durée des RHT?
Nous souhaitons que la Confédération maintienne leur extension à 24 mois décidée en octobre durant la crise des 39%. Ce serait une bonne mesure pour nous permettre de passer des caps compliqués.

Combien de personnes en RHT le canton de Neuchâtel compte-t-il?
Au mois d’août, les personnes en RHT étaient au nombre de 4231, soit 15% des emplois industriels du canton. En août toujours, il y avait dans le canton 128 entreprises en RHT, contre 48 l’an dernier à la même période.

Parmelin a-t-il raison?

Dans une interview accordée à CH Media (dont watson fait partie), le président de la Confédération, Guy Parmelin, qui est le dernier conseiller fédéral à s’être rendu à Washington, affirme, face aux critiques sur la manière dont les 15% ont été obtenus: «Pour moi, l’important, ce sont les 15% de tarifs douaniers. J’aimerais bien voir certains politiciens expliquer aux employés menacés par les 39% qu’il fallait refuser l’accord.» Etes-vous d’accord avec cela?
Je partage l’importance d’avoir cet accord à 15%. De mon côté, je n’ai pas toutes les clés pour analyser les conditions de cet accord, mais j’ai quand même le sentiment que le Conseil fédéral n’a pas bradé les intérêts de la Suisse.

Des voix à l’UDC disent que l’accord des 15% montre que la Suisse peut s’en sortir seule, qu’elle n’a donc pas besoin des Bilatérales III sur lesquelles on devrait voter en 2027. Le Conseil d’Etat neuchâtelois est-il favorable à ces nouveaux accords avec l'Union européenne?
Oui, le Conseil d’Etat y est favorable.

«Les Bilatérales III sont un enjeu très important pour la Suisse et pour le canton de Neuchâtel en particulier»
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source: corbis news / view press
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